L’automne pointe le bout de son nez mais ce sont de sublimes fleurs qui éclosent au musée du Luxembourg, celle d’un peintre méconnu, Henri Fantin-Latour. Les habitués d’Orsay connaissent sûrement déjà ses portraits de groupe où les on croise Manet, Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud, faisant de Fantin-Latour un témoin précieux de la société artistique de cette fin de XIXème si bouillonnante.
L’intérêt de ces grandes expositions monographiques c’est d’aller delà des œuvres phares et de découvrir l’ensemble d’une création, ses différents aspects, ses motivations, tout ce qui anime un artiste au cours d’une vie et en ce sens, l’exposition présentée par le musée du Luxembourg est une réussite. Comme toujours j’ai envie de dire.
On commence donc au tout début de la carrière du jeune Henri, jeune homme de son temps, bercé de romantisme et de réalisme mais alors pas du tout intéressé par l’impressionnisme qui va bientôt bouleverser le paysage pictural. Dès ses premières œuvres on retrouve les grandes lignes du futur travail du peintre, un souci de réalisme marqué, des portraits et beaucoup de sensibilité dans le traitement. Ses autoportraits sont particulièrement parlants de ce point de vue, nous faisant entrevoir toute la fougue d’un jeune artiste avec un regard brûlant qui n’est pas sans évoquer à certains points de vue l’œuvre d’un Gustave Courbet.
Se formant en partie en atelier de façon classique auprès d’Horace Lecoq de Boisbaudran, en partie en copiant les maîtres du Louvre, il prend un premier envol en rejoignant à Londres l’américain James McNeill Whistler. C’est de l’autre côté de la Manche que va se développer une grosse partie de sa production pour un public très friand de ce genre : la nature morte de fleurs. Et quelles fleurs !
Malgré son succès, il retourne à Paris et entre 1864 et 1872 il réalise ses œuvres les plus célèbres : l’Hommage à Delacroix, Un atelier aux Batignolles et le Coin de table. Il élabore un modèle de portrait de groupe, loin de l’Impressionnisme et du plein air, préférant des scènes d’intérieure et des jeux de regards entre les protagonistes et le spectateur.
En 1876, Henri Fantin-Latour présente une œuvre singulière, l’Anniversaire–Hommage à Berlioz. Comme le peu de commémorations après le décès de Delacroix l’avait choqué et avait engendré son précédent Hommage, c’est ce qui se produit après le décès d’Hector Berlioz en 1869. Grand mélomane, Fantin-Latour consacre au compositeur vingt-sept lithographies et vingt-et-une peintures. Il utilise la lithographie comme travail préparatoire ce qui est inédit comme rôle pour ce médium artistique. Il en découle une œuvre lyrique où les personnages des opéras de Berlioz prennent vie et se retrouvent en compagnie du peintre lui-même autour de sa tombe.
En parallèle de ses natures-mortes et de ses portraits, l’exposition nous offre quelques compositions d’imagination nourries encore une fois par la musique mais celle de Wagner cette fois-ci, l’autre compositeur majeur dans la vie de Fantin-Latour. On retrouve ainsi des féeries, des personnages issus de la mythologie dans des œuvres évanescentes toute en poésie où la composition et la maitrise des couleurs sont plus abouties et plus libres. Ce sont des œuvres très jolies et peu connues de cet artiste, dévoilant une autre facette de son art.
L’une des parties amusantes de l’exposition (à mon goût) c’est celle consacrée aux photographies d’Henri Fantin-Latour. Pas des photos réalisées par l’artiste mais des photos réunies par lui. Comme un gigantesque album de modèles. Il se disait d’ailleurs être un « fanatique de la photographie ». Le fond conservé au musée de Grenoble et donné par sa veuve en 1921 révèle notamment de nombreuses photos de nus, des modèles posant de toutes les façons possibles. Des poses qu’on retrouve ensuite dans des dessins ou dans des toiles. Une manière de montrer que même sans modèles vivants, le peintre avait sous la main un réservoir d’idées qu’il n’avait qu’à agencer selon ses envies. Une autre façon de pénétrer dans sa façon de concevoir son art.
L’exposition du musée du Luxembourg était vraiment très bien, complète mais pas assommante. Bon après si vous êtes du genre à n’aimer ni les natures mortes ni les portraits, je ne vous cache pas que ce sera peut-être compliqué pour vous, mais ces fleurs si sont belles que peut-être elles vous feront fondre qui sait ?
FANTIN-LATOUR. À FLEUR DE PEAU
Du 25 septembre 2016 au 10 février 2017
Commissariat : Laure Dalon, conservateur à la Rmn – Grand Palais, adjointe au directeur scientifique ; Xavier Rey, conservateur au Musée d’Orsay, et Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble.