Nous voici donc plongé dans une civilisation toujours entourée de mystères malgré les nombreuses découvertes et études qui lui sont dédiées. Nous voici chez les étrusques, invités cette saison au toujours accueillant musée Maillol.
Je ne sais pas si vous vous en rappelez mais il y a peu, la Pinacothèque avait déjà proposé une exposition Giacometti et les Etrusques dont je vous avais parlé (cf. https://museis.wordpress.com/2011/10/20/giacometti-et-les-etrusques/). Je vais donc faire court pour ne pas me répéter. Pourtant les deux expositions sont très différentes l’une de l’autre, en dehors de l’aspect comparatif avec un artiste contemporain et la muséographie en tant que telle. Là où la Pinacothèque dégageait un particularisme de l’art étrusque à travers l’art funéraire et ses figures allongées, le musée Maillol va plus loin.
Bien qu’il commence par une évocation du matériel archéologique funéraire, notamment ces urnes-cabanes retrouvées dans les tombes et qui donnent une idée de l’habitat étrusques disparus ; il va plus loin. Le titre même en est la preuve, « un hymne à la vie ». Ici c’est le quotidien des étrusques que l’on cherche à approcher, eux qui étaient connus pour être de bons vivants. On découvre aussi une riche civilisation de marchants qui régna sur l’Italie entre les IXème et Ier siècles avant JC, qui échangea beaucoup avec la Grèce comme en prouve son art, avant de disparaître par la conquête romaine, tout en subsistant à travers de nombreuses traditions. Les romains héritèrent entre autres choses du temple étrusque, de l’art des aruspices, ou encore de la religion avec la triade capitoline.
Le monde étrusque était principalement organisé autour d’une Dodécapole, une alliance (fragile) politique, religieuse et économiques de 12 citées dont Véies, Cisra, Tarquinia, Vulci, Rusellae, Vetulonia, Populonia, Velzna, Clusium, Perusia, Arretium et Volterrae.
L’exposition donne un aperçu de ces cités, les lucumonies à travers divers aspects : l’architecture, l’art funéraire, l’écriture…
Parlons-en de l’écriture, de cette langue autour de laquelle planent tant de mystères. Même si l’alphabet est inspiré du grec, le sens général des mots est souvent difficile à comprendre car personne n’en a encore trouvé la clef. Tout ce que l’on sait, c’est qu’elle est non indo-européenne, faisant planer un doute sur l’origine de ce peuple.
Le second étage est celui des petites merveilles. Ici sont abordés différents aspects de la vie quotidienne qui font des étrusques un peuple à part : religion, banquet, militaire, art, sport, érotisme. La religion d’abord. Tite-Live disait que «l’Étrurie […] tenait plus que toute autre nation à l’observation des rites religieux ». C’est une mythologie de la révélation, celle faite aux hommes par la nymphe Végoia et le génie Tagès. On retrouve ainsi plusieurs divinités liées ou non aux divinités latines et grecques : Tinia (Jupiter), Menrva (qui donnera Minerve)…
Le rôle de la femme est aussi longuement abordé. Á travers les bijoux d’une part. Admirez ce superbe fermoir de vêtement en or à décor d’animaux d’une délicatesse majestueuse, ou cet éventail de bronze. Après les portraits sont moins flatteurs, mais la statuaire étrusque est assez éloignée des codes grecques. Elle est plus formelle, dans une schématisation touchante, avec ces délicats sourires qui ornent les visages et qui rappellent certaines korés archaïques. Au passage, vous ne pouvez pas ne pas vous arrêtez devant cette tête en bois du VIIème siècle avant notre ère autrefois recouverte d’or et à l’expression si troublante. Mais je reviens à mes femmes, car elles ont durant toute l’Antiquité trainé une sacré réputation : dévergondés, grande buveuse, dépravée, prostituée et j’en passe, je vous renvoie à Aristote ou Diodore de Sicile. Ceci probablement pour l’unique raison que dans la société étrusque la femme bénéficie de droits civiques bien plus importants que ces voisines. Elle peut par exemple participer au banquet, rite sociale très important de la société étrusque. On voit d’ailleurs l’évolution des codes de ce dernier, d’abord assis comme chez Homère puis allongé de par l’influence orientale à la fin du VIIème siècle avt JC.
Pour revenir à mes moutons, le rôle des femmes et de leurs réputations est aussi une occasion pour exposer trois œuvres sulfureuses avec avertissement parental qui évoquent la réputation de ces gens très portés sur la chose et toute ses variétés. Alors même si ces messieurs gloussaient devant la vitrine, pour ceux qui ont parcouru l’exposition Pompéi, on en a vu d’autre, rappelez-vous le magnifique phallus aillé. Même si je dois avouer que le stamnos à représentation ithyphallique (ça fait plus savant comme mot) m’a bien amusé en l’imaginant dans une situation contemporaine du style « tenez belle-maman encore un peu de vin peut-être ?… »
Enfin, pour conclure une très belle exposition, plein de beaux objets qui nous permettent encore une fois d’admirer cette civilisation pré-romaine fascinante. Les œuvres présentées sont de qualités, notamment tous ces vases à figures noires (bucchero nero). Les Etrusques n’ont décidément pas fini de nous surprendre. Après le choix d’une muséographie thématique et non chronologique est à débattre. Moi cela ne me dérange pas, même si du coup on se perd dans les différents styles mais la petite plaquette explicative est là pour vous faire réviser votre histoire étrusques, ou plutôt pour vous l’enseigner car après deux expositions en si peu de temps, ce peuple reste encore à découvrir.
en bonus une oeuvre qui je trouve résume bien l’art étrusque qui respire la bonne humeur :
Etrusque un hymne à la vie.
Musée Maillol
18 septembre-19 février 2014.
Commissariat :
Anna Maria Moretti SGUBINI : Surintendante honoraire per i Beni Archeologici dell’Etruria meridionale
Francesca Boitani : Directrice honoraire del Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia, Rome
http://www.museemaillol.com/expositions/etrusques/presentation/