Orsay impressionne avec la prostitution comme vous ne l’avez jamais vu!

Pour ne pas trop changer les bonnes habitudes, le musée d’Orsay frappe encore les consciences avec une exposition qui bouscule les bien-pensants, Splendeurs et misères. Images de la prostitution, 1850-1910.

Giovanni Boldini Traversant la rue © Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown, Massachusetts, USA / Photo Michael Agee / Bridgeman Images
Giovanni Boldini
Traversant la rue
© Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown, Massachusetts, USA / Photo Michael Agee / Bridgeman Images

J’avais très envie de faire cette expo car je le sujet, très riche, promettait des œuvres de choix mais je ne m’attendais pas à ça. C’est une véritable exposition fleuve que nous propose Orsay (je ne crois pas en avoir déjà vu de plus longue), et surtout un traitement de fond très impressionnant. On frôle l’étude sociologique. Tous les aspects de la prostitution sont abordés, de l’image flatteuse de la courtisane à la pauvreté et la solitude de ces femmes, en passant par celle qui se prostitue occasionnellement pour boucler les fins de mois, les maisons closes, le débat politique et la question médicale.
Le titre est particulièrement bien choisi car on observe aussi bien la splendeur mise en scène par nombres d’artistes que la misère absolue de toute une époque. La plupart des mouvements artistiques du XIXème siècle vont s’approprier le phénomène, le traitant chacun à leur façon, l’académisme, le naturalisme, l’impressionnisme, le fauvisme ou l’expressionnisme.

"L’Attente" (1880) de Jean Béraud (1849-1935) © Dist. RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Franck Raux - Paris, musée d’Orsay
« L’Attente » (1880) de Jean Béraud (1849-1935) © Dist. RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Franck Raux – Paris, musée d’Orsay

Dans un premier temps, il convient de réussir à identifier la prostituée, celle-ci en plein jours se distingue difficilement des femmes honnêtes comme on le disait. Cela peut-être la blanchisseuse assise sur un banc comme chez Dagnan-Bouveret ou cette femme élégante qui traverse la rue chez Boldini. Parfois un léger indice la trahit mais encore faut-il être très observateur. Ainsi dans l’attente de Jean Béraud, la dame soulève légèrement sa jupe pour faire entrevoir sa cheville et dans le tableau d’après, l’homme l’a rejointe pour convenir d’un rendez-vous.

Les lieux de rencontres sont très variés. La prostitution fait partie intégrante des loisirs de sociabilité  que l’on peut pratiquer seul ou avec ses amis et des guides pour touristes intéressés sont édités.

Edouard Manet La prune © Courtesy The National Gallery of Art, Washington
Edouard Manet
La prune
© Courtesy The National Gallery of Art, Washington

L’un des lieux les plus propices est le café puis plus tard le café-concert et le cabaret. Les femmes honnêtes ne peuvent se présenter accoudées à une table avec un verre devant elle. Souvent, il s’agit d’une professionnelle qui attend là le client, avec son verre d’absinthe. Ce genre de scène a inspiré nombres d’artistes : Toulouse-Lautrec, Van Gogh ou Edouard Manet.
Mais là où tout devient plus clair et où les faux semblants s’estompent demeurent l’heure où la nuit pointe le bout de son nez et où les éclairages modernes s’allument. Les belles de nuit surgissent le long des grands boulevards et jouent des éclairages pour prendre des positions non équivoques.
Certains lieux pourtant gardent leurs secrets. Ainsi l’Opéra, lieu de rencontres mondaines de la bourgeoisie et de l’aristocratie cache bien des dessous sombres. Les petits rats sont souvent offertes comme privilèges aux riches protecteurs qui les entretiennent. C’est là aussi que l’on peut croiser des demi-mondaines en pleine démonstration dans les loges ou les escaliers monumentaux. Degas, Manet, Giraud, Gervex en sont des témoins précieux.

Vient l’heure de passer les portes des maisons closes. Cette institution légalisée en 1804, permettait une surveillance policière et médicale efficace des pensionnaires, chacune étant inscrite sur le livre de la tenancière et pourvue d’un numéro. Autant dire qu’il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Du taudis miteux à la maison luxueuse et distinguée. Ces lieux clos sont l’objet de fantasmes chez les artistes qui viennent y trouver des sujets et des modèles et parmi ces derniers, Toulouse-Lautrec qui partagent leur vie quotidienne est leur interprète le plus fidèle. Les scènes de toilettes intimes sont traitées avec beaucoup de justesse par ces peintres et témoignent aussi des relations de proximité qui existent entre les filles.

Henri Gervex Le bal de l'Opéra, Paris © Photo courtesy of Galerie Jean-François Heim, Basel / cliché Julien Pépy
Henri Gervex
Le bal de l’Opéra, Paris
© Photo courtesy of Galerie Jean-François Heim, Basel / cliché Julien Pépy

Mais la peinture n’est pas le seul art à passer les portes de ces maisons. La photographie prend de plus en plus de place et des images licencieuses produites en atelier sont éditées en nombre afin de servir de publicité et d’attirer le client. Je dois l’avouer que cette partie de l’exposition est assez dérangeante. Même si on est prévenu pour une fois car il faut passer un lourd rideau avec l’interdiction aux mineurs de le franchir. Toujours est-il que je ne sais pas si c’est dérangeant ou amusant de voir toutes ces personnes, bien sûre d’elles,  observer avec minutie et intérêt presque scientifique chacun  de ces clichés très clairement pornographiques pour certains. Le summum de ce malaise venant avec la diffusion d’un film d’époque où l’on voit le monsieur entré dans la chambre de la prostituée qui se prépare et fait son travail avec un fond de petite musique de film du XIXème siècle et les rires gênés des spectateurs qui se demandent s’ils doivent rester ou  non jusqu’à la « conclusion ».

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« L’Inspection médicale : femme de maison blonde » (1893-1894) d’Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski – Paris, musée d’Orsay

Puis vient tout l’envers du décor. On découvre tout lé côté législatif qui entoure la profession et notamment l’aspect hygiénique de la chose avec des contrôles médicaux obligatoires pour lutter contre la propagation des maladies vénériennes. Car ces pauvres femmes sont souvent les victimes de la syphilis ou autre. La hausse de la prostitution clandestine et la prise de conscience du mode de vie de ces femmes pousse en avant l’abolitionnisme, soutenu par des mouvements féministes et aboutie à la fermeture des maisons closes en 1946.

L’exposition s’amuse de son propos car après nous avoir bien présenté la misère, revoici la splendeur incarnée par ces demi-mondaines, ces courtisanes au train de vie à faire pâlir d’envie plus d’une femme de l’époque. Vivant dans des hôtels particuliers, décorés au goût du jour et tous frais payés et réussissant même parfois à se faire épouser par un riche monsieur à particule, ces femmes incarnent un rêve chimérique et fascinent. On peut citer Madame Valtesse de la Bigne, La Païva ou la Castiglione.  Mais la réalité peut être autre comme le souligne Alexandre Parent du Châtelet, médecin et spécialiste de la prostitution du XIXème siècle : « personne ne niera que […] ces femmes soient de véritables prostituées ; elles en font le métier ; elles propagent plus que toutes les autres les maladies graves et les infirmités précoces ; elles détruisent la fortune aussi bien que la santé, et peuvent être considérées comme les êtres les plus dangereux que renferme la société. »

Dans le Paris de cette seconde moitié du XIXème siècle, considéré comme une nouvelle Babylone, la prostituée devient l’image de la femme dangereuse par excellence. Elle est à la fois source de vice et fascinante. Elle devient l’image de la femme fatale qu’on ne sait si on doit l’aimer ou s’en méfier.
Le peintre symboliste Mossa illustre bien cette dichotomie dans sa peinture Elle. Une femme hypersexualisée mais au visage de poupée est assise sur une montagne d’hommes nus, soumis et sanguinolent.

Gustav-Adolf Mossa Elle © ADAGP, Paris 2015 - RMN-Grand Palais / Droits réservés
Gustav-Adolf Mossa
Elle
© ADAGP, Paris 2015 – RMN-Grand Palais / Droits réservés

Cette exposition très bien mise en scène aborde toutes les facettes de la prostituée. Tous ce que des dizaines d’artistes et avec eux leur époque ont pu voir en ces femmes qui incarnent une partie de cette société. Le côté fascinant, mystérieux, langoureux et violent. C’est à la fois la lumière et l’ombre qu’Orsay nous présente de façon magistrale et grandiose. On sent le vrai travail de recherche et encore une fois, on n’a pas seulement l’impression de sortir d’une exposition de beaux-arts mais plutôt d’avoir vu un reportage très complet sur le phénomène de la prostitution au XIXème siècle et au début du XXème siècle. Et même s’il faut préciser que certains publics peuvent être dérangés par des parties du propos et son illustration, c’est un travail grandiose.

Bravo !

Commissariat

Marie Robert et Isolde Pludermacher, conservateurs au musée d’Orsay
Richard Thomson, professeur d’histoire de l’art à l’Université d’Edimbourg,
Nienke Bakker, conservateur au van Gogh Museum, Amsterdam

Scénographie

Robert Carsen, scénographe et directeur artistique

22 septembre 2015 – 17 janvier 2016

Masculin/ masculin à Orsay ces messieurs se découvrent mais jusqu’où?

Voici l’une des affiches les plus intrigantes de cette rentrée et pour cause !!90165060_o

Si le nu féminin est bien ancré dans nos consciences (d’amateur d’art mais aussi de consommateur), le nu masculin l’est moins.
Le musée d’Orsay décide donc de frapper un grand coup en la matière en proposant à la suite et en partenariat avec le Leopold museum de Vienne une exposition entièrement consacrée à l’homme. Vienne avait en effet organisé à l’automne 2012 « nackte männer » (l’homme nu) qui reprenait l’histoire et l’évolution du corps et de sa représentation mais avec un traitement provocant notamment dans sa communication avec comme choix d’affiche « Vive la France » de Pierre et Gilles.

Camille Félix Bellanger (1853-1923) - Abel, 1874-1875 photo rmn orsay patrick schnmidt
Camille Félix Bellanger (1853-1923) – Abel, 1874-1875 photo rmn orsay patrick schnmidt

À Paris seules 20 œuvres sont reprises sur les 200 que compte le parcours. Orsay se veut également moins sulfureux. Guy Cogeval, commissaire de l’exposition, l’a souhaitée « savante et amusante ». « C’est une exposition qui ne se prend pas au sérieux. Il y a beaucoup d’humour dans la présentation »(AFP).
Le musée d’Orsay se veut donc innovant et également plus ancré dans le présent, en dehors de ses limites historiques (1848-1914) avec notamment un grand ensemble de photos, anciennes mais aussi beaucoup de contemporaines (trop ?). La campagne de pub correspond à cette volonté de modernité et d’humour avec un monsieur tout nu qui se balade en reproduisant les différentes œuvres qu’on peut y croiser (égalité devant la mort de Bouguereau, mort pour la patrie de Lecompte de Noüy, Atlas de Sterrer, la mort d’Abel de Kehnide Wiley etc.) http://www.youtube.com/verify_controversy?next_url=/watch%3Fv%3DIXsInKvv2TY

Tout commence par une justification : pourquoi masculin/masculin ? Tout simplement parce que le corps de l’homme est au cœur de l’art figuré. Admiré dans l’Antiquité, il est source d’idéal physique et moral comme par exemple chez les sculpteurs grecs puis plus tard avec la Renaissance, il représente le genre humain en général. Bien que non présenté, ni même évoqué, le David de Michel Ange en est un parfait exemple.
Au XIXème siècle, les néoclassique comme J-L David travaillent d’abord d’après les corps nus qu’ils habillent ensuite. L’une de ses œuvres marque l’entrée du parcours, le sublime « Académie de l’homme », à l’origine simple étude mais chef-d’œuvre en soit à couper le souffle. La plupart des artistes apprennent à dessiner les corps d’après modèle ou encore d’après « la bosse » d’où les quelques copies d’après antique que l’on peut croiser.
Après cette introduction se succèdent plusieurs parties thématiques où s’y mélangent styles, époques et supports :

Jacques-Louis David (1748-1825) Académie d’homme dite Patrocle Huile sur toile - 122,5 x 170 cm Cherbourg-Octeville, musée d’Art Thomas-Henry © Musée d’Art Thomas-Henry
Jacques-Louis David (1748-1825)
Académie d’homme dite Patrocle
Cherbourg-Octeville, musée d’Art Thomas-Henry
© Musée d’Art Thomas-Henry

–          Le nu héroïque, héros mythologiques et modernes comme Yves Saint Laurent par Jeanloup  Sieffou Eminem par David Lachapelle
–          les dieux du stade, les athlètes avec une vision plus hygiénique du corps

Henri-Camille Danger (1857-1939) Fléau !, 1901 © Musée d'Orsay, dist. RMN Patrice Schmidt
Henri-Camille Danger (1857-1939)
Fléau !, 1901
© Musée d’Orsay, dist. RMN Patrice Schmidt

–          Dur d’être un héros, le côté dramatique des nus, où le corps au même titre que le visage exprime l’intensité et la souffrance
–          Nudas veritas, la nudité en tant qu’homme sans vêtement et non le nu artistique, donc plus brute, plus réaliste et aussi plus choquant
–          Sans complaisance, le corps tel qu’il est sans idéalisation à l’image de l’étude de Rodin pour son hommage à Balzac avec son ventre proéminent. une vision de la mort crue aussi comme le père mort de Ron Mueck (1996). En voyant cette petite sculpture de cire, cet humain miniature étendu là, si réel je regrette vraiment de ne pas avoir eu l’occasion d’avoir été voir l’exposition qui lui est consacrée à la fondation Cartier. C’est peut-être la rencontre la plus marquante de l’exposition. Froide mais touchante représentation du père de l’artiste décédé.
–          Im natur, l’homme nu dans divers paysage comme le classique jeune homme assis au bord de la mer d’Hyppolite Flandrin toujours saisissant de quiétude ou le plus étonnant pécheur à l’épervier de Frédéric Bazille, proche de Monet, Manet, Renoir ou Degas, tous ces artistes qui ont justement mis en avant le nu féminin à la fin du XIXème siècle.
–          De la douleur, consacré notamment à ces représentations de saints martyrs tout comme la partie suivante
–          Le corps glorieux
–          Tentation du mâle

–          Objet de désir. Ces deux dernières parties abordent l’aspect érotique des représentations d’homme. Le corps n’est plus un simple objet esthétique mais un objet d’attirance sexuelle. C’est aussi une partie où on survole brièvement l’aspect homosexuel de certaines représentations, même si ce n’est pas toujours frappant frappant. J’ai beaucoup aimé l’origine de la guerre d’Orlan, pour sa référence évidente à Courbet jusque dans le cadre, plus pour le sujet (je vous laisse par pudeur voir ce que c’est) parce qu’à ce moment de l’exposition honnêtement cela ne vous fait ni chaud ni froid, même si c’est amusant de constater que comme pour les femmes ces messiers ont souvent des petits draps, petits objets qui passent subtilement par là pour cacher l’in montrable.

 

William Bouguereau (1825-1905) La Flagellation du Christ, 1880 Huile sur toile - 390 x 210 cm La Rochelle, cathédrale Photo : Wikimedia Commons
William Bouguereau (1825-1905)
La Flagellation du Christ, 1880
Huile sur toile – 390 x 210 cm
La Rochelle, cathédrale
Photo : Wikimedia Commons

Après, moi qui partait super enthousiaste justement à l’idée de voir un sujet peu ou pas exploité comme un écho viril à Désir et Volupté de Jacquemart André,  à Orsay en plus, musée que j’adore….et bien j’ai été un petit peu déçue je dois l’admettre. La cohérence dans la scénographie est assez légère, les explications tout autant sans véritable repère historique ou artistique avec finalement l’impression de ne voir qu’une succession interminable de corps d’homme.  Même si pour certains c’est super, à force on y perd son intérêt. Alors bien sûre Ophélie Ferlier, commissaire de l’exposition explique qu’elle n’a pas souhaité tenir la main du visiteur pour lui expliquer l’histoire du nu masculin mais au contraire a voulu un ensemble de choix formels qui se répondent à travers les époques (source Evene) mais un minimum n’aurait pas été de trop. Après tout quand on veut mettre en avant un sujet aussi peu traité que le nu masculin, il faut aussi argumenter son parcours. Après c’est vrai que les œuvres en elles-mêmes sont sublimes, malgré je dois l’admettre plein d’artistes que je ne connaissais pas, Henri-Camille Danger, Paul Cadmus, le sculpteur Jean-Bernard Duseigneur, les tireurs d’arc de Desvallières, juste génial. Je découvre. On peut aussi admirer des dessins de Cocteau, le sublissime ange déchu de Cabanel, les valseurs de Matisse, la magnifique et rarement montré sur Paris, Flagellation de Bouguereau, plusieurs peintures et dessins de Gustave Moreau dont personnellement je ne me lasse jamais etc. etc.

Tireurs à l’arc, 1895, pastel, 139 x 232 cm, Musée d’Orsay, Paris
Tireurs à l’arc, 1895, pastel, 139 x 232 cm, Musée d’Orsay, Paris

Pour les photos, autant j’ai trouvé intéressante, les photos d’atelier, autant certaines m’ont complètement laissé de marbre mais c’est aussi une question de sensibilité artistique et encore une fois l’accumulation de certaines n’est pas forcément un plus. Là aussi j’ai découvert des nouveaux noms, notamment Pierre et Gilles qui ont l’honneur de l’affiche. Un peu kitch, très colorées et travaillées, facilement identifiable visuellement et des sujets dans notre cas tirés de la mythologie. Très sympa, souvent en réponse avec des peintures plus anciennes, mais là aussi, il y en avait peut-être un peu trop et partout dans toutes les sections sans toujours un lien très évident.
Enfin bref vous l’avez compris un avis assez mitigé sur cette exposition n’a pas exploité toutes ces possibilités. Elle mériterait un approfondissement certain mais malgré tout une promenade sympathique et de jolies rencontres artistiques.

 

 

Paul&Gilles, Mort d´Adonis, 1999
Paul&Gilles, Mort d´Adonis, 1999

Masculin / Masculin. L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours.

24 septembre 2013 – 2 janvier 2014
http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/au-musee-dorsay.html

Commissariat :
Guy Cogeval, président de l’Etablissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie
Ophélie Ferlier, conservateur sculptures au musée d’Orsay
Xavier Rey, conservateur peintures au musée d’Orsay
Ulrich Pohlmann, directeur de la collection photographique du Stadtmuseum Munich
Tobias G. Natter, directeur du Leopold Museum de Vienne

Degas et le nu

Après la douceur de Berthe Morisot, je trouvais logique d’enchainer sur la chaleur qui se dégage en ce moment du musée d’Orsay. Vous l’avez peut-être deviné, je vous emmène voir l’une des expositions vedettes de cette année : Degas et le nu.

Degas, grande arabesque

Degas est surtout connu pour ses danseuses, mais le nu fait partie intégrante de son art et en choisissant de centrer toute l’exposition sur ce thème, le musée d’Orsay continue d’une part de partager les recherches nouvelles concernant les grands artistes de la seconde moitié du XIXème tels Monet et Manet. Mais d’autre part il livre aussi une certaine rétrospective de l’art de Degas avec pour ambition de montrer à quel point cet artiste incarne le passage entre le classicisme du début du XIXe siècle et la modernité des avant-gardistes du XXe siècle.

Le nu chez Degas est un composant à part entière de son art et ce durant toute sa carrière. De ses débuts empreint de classicisme jusqu’à la toute fin de sa vie, influençant les grands artistes de cette première décennie du XXsiècle (Matisse, Picasso). On accède à l’essence même de son art. On voit son évolution à la fois technique et plastique et comment son traitement du nu est en lui-même une synthèse entre classicisme et modernisme.

Femme nue couchée sur le ventre, la tête entre les bras / © RMN (Musée d’Orsay) / Stéphane Maréchalle

L’exposition est découpée de manière chronologique en 7 sections qui permettent d’aborder cette approche du nu, toute en changement et évolution : de la formation à la mise en péril des corps qui sont ensuite  exploités, auscultés, exposés et transformés avant de terminer sur l’héritage de celui qu’on peut au sortir de l’exposition qualifier de grand maître de la peinture.

La formation est on ne peut plus classique. Le jeune Degas rentre aux Beaux-Arts en 1855, abandonnant le droit auquel son père le destinait. Il s’inscrit comme copiste au Louvre et au cabinet des estampes de la bibliothèque impériale où il observe et assimile l’art de ces illustres prédécesseurs qu’il admire et auxquels appartient Delacroix. Il fait également un voyage de trois ans en Italie (Rome, Florence…) où il peut à nouveau observer et recopier comme le montre sa version de la Naissance de Vénus de Botticelli. Déjà la nudité. Car cette dernière est la base du savoir académique. Les jeunes élèves copient et recopient les maîtres, les antiques surtout et parfois s’exercent avec des modèles. L’étude du corps et du mouvement est une science compliquée et la base du métier de peintre.

Degas, Petites filles spartiates provoquant des garçons, 1860-1862 © The National Gallery, London

Comme tout bon peintre « classique », il s’essaye alors au genre par excellence, la peinture d’histoire qui nécessite plusieurs travaux préparatoires.  Les petites filles spartiates embêtant les garçons (1860-62, remanié en 1880) est dans cette veine, un mélange entre classique et modernité.

Degas Scène de guerre au Moyen Age, dit aussi « Les malheurs de la ville d’Orléans », 1863-1865.(RMN (MUSÉE D’ORSAY) / GÉRARD BLOT)

Mais le plus abouti reste « Scène de guerre au Moyen Age » (1865) qui est sa dernière œuvre historique.  Elle est documentée par 17 dessins montrant tout le travail d’étude du peintre sur les corps et leurs torsions incroyables qui sont à rapprocher de Delacroix ou Ingres, d’autres diront de Goya également.  Degas quitte l’Antiquité pour le Moyen Age et offre à voir un tableau violent qui témoigne des horreurs de la guerre, notamment sur les femmes. Ce sont elles ici qui traduisent avant tout la violence subie ne serait-ce que par la nudité affichée de leurs corps pâles par rapport aux hommes aux couleurs chatoyantes.

Delacroix, La mort de Sardanapale, 1864 / Ingres, Roger délivrant Angélique, 1818-1839

Après l’histoire, nous rentrons dans une scène de genre, qui laisse aussi transparaître une certaine violence subie par le corps féminin : Intérieure aussi appelée le viol par certains critiques mais jamais par le peintre. Ce tableau très mystérieux est tellement oppressant et plein de sous-entendus que peint en 1868-69, il n’est exposé qu’en 1905. On ne sait pas trop ce que montre Degas, la tension est palpable dans cette atmosphère cloitrée. La femme sur sa chaise est de dos et sur la droite, l’homme figé contre la porte domine la composition de manière évidente. Personne encore aujourd’hui ne sait s’il s’agit d’une scène de maison close, une nuit de noce ou un viol comme le laisse supposer les vêtements défaits de la femme.

Degas ,interieur, photo philadelphia museum of art

Par la suite, Degas,dans les années 1860-70 rentre définitivement dans la peinture de genre, la vie quotidienne et la vie parisienne qu’il cherche à montrer de manière la plus vraisemblable possible notamment en poussant la porte des maisons closes.
Nous voici dans une partie de l’exposition qui regorge d’œuvres très peu montrées au public de par leur caractère plus qu’explicitement sexuel. Les femmes ne sont plus de jolis

Edgar Degas. Le Client sérieux, 1876-1877. Monotype à l’encre noire sur vélin. Ottawa, musée des Beaux-Arts du Canada.

êtres idéalisés, elles sont crues, vulgaires, bien en chair, montré sans empathie comme des marchandises. Les stéréotypes n’en sont pas moins absents, notamment dans cette idée qu’une prostituée est forcément grasse de par son oisiveté. Le lien avec Toulouse-Lautrec qui fréquentait aussi les bordels et les maisons closes est assez édifiant, notamment dans cette réduction de la femme à ses bas noirs. Les considérations hygiéniques de l’époque sont aussi palpables avec la présence du bidet. Considération que l’on retrouvera dans les parties suivantes. L’artiste se montre ici très trivial.
Avec ces « corps exploités », Degas redécouvre la technique des monotypes (procédé d’impression sans gravure) qui lui permet de montrer en quelques traits, des jeux d’ombres et de lumière, la réalité crue de ces endroits.

Degas, Après le bain, une femme s’essuyant les pieds, pastel, 1886© RMN / Art Resource

Puis la couleur refait peu à peu son entrée dans l’exposition avec une nouvelle période qui s’ouvre à la fin des années 1870-début 1880 : les corps auscultés. Nous sommes désormais dans le quotidien, dans la salle de toilette, au moment du coiffage avec encore des monotypes, parfois rehaussés de pastel. Degas est de plus en plus intéressé par la représentation de ces corps féminins pris dans leur intimité, comme surpris derrière une porte que l’on pousse « à travers le trou d’une serrure ». Il reprend et refait poser ses modèles à l’infini. Il les met en scène dans des poses pas forcément très naturelles.  « Il faut refaire dix fois, cent fois le même sujet, rien en art ne doit ressembler à un accident, même pas le mouvement », voilà ce que disait Degas et qui explique cette multiplication des scènes de bain et de vues si semblables.

Edgar Degas. Le Tub, 1886. Pastel sur carton, 60 x 83 cm. Paris, musée d’Orsay, legs du comte Isaac de Camondo, 1911. © Musée d’Orsay, dist. RMN Patrice Schmidt.

Les vues de dos sont nombreuses et toute en sensualité, avec des cheveux relevés soulignant une nuque ou un sein. Cette focalisation sur le dos témoigne de l’absence d’identification des modèles, la morphologie prend le pas sur l’identité. Les points de vue qu’il adopte sont surprenant, pris de haut, comme une plongée sur le corps et apportent une dimension nouvelle à ses nues, plus d’érotismes aussi.

Degas, femme se coiffant 11871890 Photo RMN-OrsayH. Lewandowski

Il exploite le pastel de plus en plus, facile à manier et rapide à sécher ce qui permet de reprendre l’œuvre ou la corriger. Les couleurs se font de fait plus chaleureuses. La dernière exposition impressionnisme de 1886 marque un tournant dans la carrière de Degas qui expose une série de nus, dont deux jamais remontrer depuis (Tub et Femme s’habillant). Cette série impressionne grandement ces contemporains. A la fin de sa carrière, les formes évoluent, Degas transforme le corps en expérimentant des nouvelles représentations formelles, plus nerveuses et abstraites. Il s’essaye aussi à de nouvelles techniques, se tournant de plus en plus vers la sculpture à mesure que sa vue baisse. Au centre de la pièce sont d’ailleurs exposées plusieurs statuettes dont la moitié est constituée  de cires originales trouvées dans son atelier après sa mort. Elles représentent des danseuses nues prises dans différents postures, comme un rappel à l’autre grand thème de l’œuvre de Degas, la danse. On retrouve également le corps de la célèbre petite danseuse, pas encore habillée.

Matisse, Carmelina, 1903 / Picasso, Nu sur fond rouge, 1906

Puis vient la dernière partie, l’héritage qu’a laissé Degas, notamment avec cette femme en rouge de Picasso. Degas, ce peintre impressionniste qui n’aimait pas peindre en extérieur, ce grand solitaire qui à la fin de sa vie, situe ses nus dans des paysages, il les

Edgar Degas, Deux baigneuses sur l’herbe (C) RMN-GP (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

sort de chez eux. Par cela, il se rattache à cette grande tradition du nu dans le paysage, un objet artistique en soit. Il se rapproche des grands maîtres du passé et clôt ainsi l’évolution de son art. Cet attachement au passé, à la grande tradition picturale, pour un peintre si moderne est très net chez Degas. Quand il dit «voyez ce que peut sur nous la différence des temps ; il y a deux siècles, j’aurais peint des Suzanne au bain, et je ne peins que des femmes au tub », il montre cette continuité à laquelle il aspire.

La boucle est bouclée…

Exposition du 13mars au 1er juillet 2012

Commissariat :

George T.M. Shackelford, directeur du département de l’Art européen et conservateur Arthur K. Solomon au Museum of Fine Arts, Boston (1996-2011). Deputy Director au Kimbell Art Museum, Fort Worth
Xavier Rey, conservateur au musée d’Orsay

Échantillon d’expos pour 2012

Voilà 2012 est déjà bien commencée et avec la nouvelle année, plein de nouvelles expositions !
Vu la dose de prévue, je ne fais pas vous faire toute la liste. Je vais juste vous faire ma petite sélection, pour les 6 prochains mois pour la région parisienne et cela sera déjà pas mal du tout ! Surtout qu’étant qu’une petite humaine, salariée, je n’aurai pas le temps de tout faire (ça me rappelle une chanson ça!).

1 ) Pour commencer, les expos toujours en cours (mais que je n’ai pas vu), dans l’ordre chronologique de fin, pour savoir si on est très pressé ou juste un peu :

L’hôtel particulier une ambition parisienne. Cité de l’architecture. Paris. Jusqu’au 19 février.

Si j’arrive à prendre une journée où le musée est ouvert, ça peut être intéressant, d’autant plus que le commissaire est Alexandre Gady, l’un des grands spécialistes du Patrimoine de Paris et accessoirement l’un de mes anciens profs les plus passionnants de la Sorbonne.
http://www.citechaillot.fr/exposition/temporary_exhibitions.php?id=180

Le Siam à Fontainebleau. 150e anniversaire de l’ambassade du roi de Siam reçue par Napoléon III dans la salle de Bal du château de Fontainebleau. Fontainebleau. Jusqu’au 27 février.

http://www.chateau-de-fontainebleau.com/Expositions

Le peuple de Paris au XIXème siècle, des guinguettes aux barricades. Musée Carnavalet, jusqu’au 26 février.

http://carnavalet.paris.fr/fr/expositions/le-peuple-de-paris-au-xixe-siecle

Moi, Sarah Bernhardt. Maxim’s, musée Art Nouveau. Jusqu’au 15 mars

Retour sur l’une des légendes du théâtre, personnalité hors du commun et femme d’exception, à travers des objets lui ayant appartenu, le tout, dans un décor somptueux, chez Pierre Cardin.
J’aimerai bien la faire, mais vu les horaires, le prix et les conditions d’accès, piuf, ça va être compliqué.
http://www.maxims-musee-artnouveau.com/caricature.php

Fantin-Latour, Manet, Baudelaire : L’hommage à Delacroix. Musée Delacroix. Paris. Jusqu’au 19 mars.

L’occasion de mettre enfin les pieds dans ce musée…
http://www.musee-delacroix.fr/fr/les-activites/expositions/nouvelle-exposition-temporaire-fantin-latour-manet-baudelaire-l-hommage-a-delacroix

L’âge d’or hollandais – la collection kremer. Pinacothèque. Paris. Jusqu’au 25 mars 2012.

http://www.pinacotheque.com/fr/accueil/expositions/aujourd-hui/l-age-d-or-hollandais-la-collection-kremer.html?no_cache=1

Sorcières, mythes et réalités. Musée de la Poste, Paris. Jusqu’au 31 mars.

Je dois admettre que le titre m’intrigue. « L’exposition Sorcières, Mythes et réalités aborde la sorcellerie du Moyen-âge à nos jours, suivant des approches artistique, historique et ethnographique. »
http://www.laposte.fr/legroupe/Actualites/Sorcieres-Mythes-et-realites

Rodin, la saisie du modèle. Musée Rodin Paris. Jusqu’au 01 avril.

300 dessins de la dernière période de la vie du grand sculpteur sont présentés, l’occasion de découvrir une autre facette de l’artiste.
http://www.musee-rodin.fr/fr/exposition/la-saisie-du-modele

Exhibition. L’invention du sauvage. Musée du quai Branly. Paris. Jusqu’au 03 juin.

http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/a-l-affiche/exhibitions.html

Présentation du legs Isabella Pakszwer-De Chirico. 61 œuvres de Giorgio de Chirico. Musée d’art moderne de la ville de Paris. Jusqu’en juillet.

http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/presentation-du-legs-isabella-pakszwer-de-chirico

Gaulois, une exposition renversante. Cité des sciences. Paris, jusqu’au 2 septembre.

Celle-ci elle a l’air super chouette, l’occasion de (re)découvrir « nos ancêtres les gaulois » comme disait nos anciens professeurs et revenir sur tout plein d’idées reçues.
http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/expositions/gaulois/

Les histoires de Babar. Musée des arts décoratifs. Paris. Jusqu’au 2 septembre.

Alors celle-ci, obligé je la fais, retour en enfance, au pays de « bababar, mon copain Baba ».
http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/accueil-292/une-486/francais/arts-decoratifs/expositions-23/actuellement/dans-la-galerie-des-jouets/les-histoires-de-babar/

Il reste bien d’autres expositions encore, Phoebus à Cluny, Pompéi à Maillol ou Alexandre au Louvre…

2 ) Celles à venir, classée de manière anarchique :

Les masques de jade mayas. Pinacothèque. Paris. 26 janvier au 10 octobre.

Après l’or des incas, le jade des mayas! Après avoir été annulée l’année dernière suite aux problèmes politiques entre la France et le Mexique, l’exposition est finalement présentée cette année.
http://www.pinacotheque.com/fr/accueil/expositions/bientot/les-masques-de-jade-mayas.html?no_cache=1

Le crépuscule des pharaons. Chefs-d’œuvre des dernières dynasties égyptiennes. Musée Jacquemard André. Du 23 mars au 23 juillet.

« L’art du dernier millénaire de l’histoire pharaonique (1070-30 avant notre ère) investit le Musée Jacquemart-André. Pour la première fois, une exposition dévoile les trésors de ces dernières dynasties au cours desquelles, au rythme des crises et des invasions, »

Ouh que ça sent l’affluence un titre pareil. Je sens que ça va être drôle, surtout vu la configuration des salles d’expo de J-M.
http://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/evenements/crepuscule-pharaons

Les guerres de Napoléon. Louis-François Lejeune, général et peintre (1755-1848). Château de Versailles. 14 février au 13 mai.

http://www.chateauversailles.fr/les-actualites-du-domaine/evenements/evenements/expositions/expositions-a-venir

Louis II de Bavière. Château de Compiègne. 13 avril au 23 juillet.

http://www.musee-chateau-compiegne.fr/homes/home_id24350_u1l2.htm

Cima – Maître de la Renaissance vénitienne. Musée du Luxembourg, Paris. Du 05 avril au 15 juillet.

« Aux côtés de Giovanni Bellini et de Vittore Carpaccio, Giovanni Battista Cima da Conegliano (1459-1517) compte parmi les grands peintres qui travaillent à Venise à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, à l’époque où la ville devient un des pôles les plus brillants de la Renaissance italienne. » http://www.museeduluxembourg.fr/fr/expositions/p_exposition-10/

New Frontier : l’art américain entre au Louvre. Thomas Cole et la naissance de la peinture de paysage en Amérique. Musée du Louvre. 14 Janvier 2012 au 16 Avril 2012

http://www.louvre.fr/expositions/new-frontier-lart-americain-entre-au-louvrebr-thomas-cole-et-la-naissance-de-la-peinture

Les belles heures du duc de Berry. Louvre, salle de la Chapelle. 4 avril au 25 juin.

http://www.louvre.fr/expositions/les-belles-heures-du-duc-de-berry

L’ultime chef-d’œuvre de Léonard de Vinci, la Sainte Anne. Louvre. 29 mars au 25 juin.

« Chef-d’œuvre de Léonard de Vinci restauré avec le concours du Centre de recherche et de restauration des musées de France, la Vierge à l’Enfant avec sainte Anne est au cœur d’une exposition exceptionnelle rassemblant pour la première fois l’ensemble des documents liés à ce panneau. »
http://www.louvre.fr/expositions/lultime-chef-doeuvre-de-leonard-de-vinci-la-isainte-annei

Arles. Les fouilles du Rhône. Un fleuve pour mémoire. Louvre.  9 mars au 25 juin.

« En partenariat avec le musée départemental Arles antique, le musée du Louvre présente dans le cadre d’une grande exposition les pièces les plus emblématiques issues du travail minutieux et complexe qu’a représenté la fouille du Rhône, fleuve à la fois sauvage et chargé d’histoire. »

Hiiiii, j’ai hâte, moi qui avais hésité à me payer le billet de train, Arles vient à moi ! J’aime !
http://www.louvre.fr/expositions/arles-les-fouilles-du-rhonebr-un-fleuve-pour-memoire

ARTEMISIA. Pouvoir, gloire et passions d’une femme peintre (1593-1654). Musée Maillol – Fondation Dina Vierny. Paris. 14 mars au 15 juillet.

« Elle est née « Artemisia Gentileschi », fille d’Orazio Gentileschi, l’un des plus grands peintres de la Rome Baroque.
À l’aube du XVIIe siècle en Italie, quand les femmes étaient mineures à vie, quand elles appartenaient à leur père, à leur mari, à leurs frères ou à leurs fils, Artemisia Gentileschi a brisé toutes les lois de la société en n’appartenant qu’à son art. ».

Tim Burton. Cinémathèque française, Paris. 07 mars au 05 aout.

« Dessins, sculptures (dont plusieurs créations inédites de Tim Burton pour l’exposition), des Polaroïds grand format réalisés par l’artiste, accessoires, maquettes, costumes et extraits de films (longs et courts-métrages inédits). »
http://www.cinematheque.fr/fr/expositions-cinema/printemps-2012-tim-burto/

Eugène Atget. Paris. Musée Carnavalet. Paris. Du 18 avril au 29 juillet.

« Découvrez l’œuvre parisienne de l’un des plus célèbres photographes du XXe siècle, Eugène Atget (Libourne, 1857 – Paris, 1927)! Cette exposition, qui réunit des images très connues et d’autres demeurées inédites, dresse un portrait atypique de la capitale, loin des clichés de la Belle époque. »
http://carnavalet.paris.fr/fr/expositions/eugene-atget-paris

La France en relief. Chefs d’œuvres des collections de Louis XIV à Napoléon III. Grand Palais. 18 janvier au 17 février.

« Sous la nef du Grand Palais, la France s’expose en relief.
Autour d’une carte de France de 650 m², seize plans-reliefs conçus du XVIIe au XIXe siècle investissent le prestigieux monument des Champs-Élysées. Des dispositifs interactifs et multimédias alliés à une scénographie originale permettront d’explorer en détail ces maquettes extraordinaires. »
http://www.rmn.fr/francais/les-musees-et-leurs-expositions/grand-palais-nef-522/expositions-523/la-france-en-relief

Helmut Newton. Grand Palais, Paris. 24 mars au 16 juin.

Première rétrospective de ce grand photographe organisée en France, autour de plus de 200 images.
http://www.rmn.fr/francais/les-musees-et-leurs-expositions/grand-palais-galerie-sud-est-554/expositions-555/helmut-newton

La Beauté animale. Grand Palais, Paris. 21 mars au 16 juillet.

« A travers les siècles les plus grands artistes se sont attachés à représenter l’animal, poursuivant une tradition qui n’a cessé de produire des chefs-d’œuvre. L’exposition réunit environ cent trente œuvres de l’art occidental, de la Renaissance à nos jours, de Dürer à Jeff Koons en passant par Rembrandt, Goya, Géricault, Degas, Bonnard, Giacometti ou César »
http://www.rmn.fr/francais/les-musees-et-leurs-expositions/grand-palais-galeries-nationales-9/expositions/beaute-animale

Matisse, paires et séries. Centre Pompidou, Paris. 07 mars au 18 juin.

Certainement la grande exposition monographique de l’année, autour d’un artiste haut en couleurs.
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-matisse/ENS-matisse.htm

Degas et le nu. Musée d’Orsay, Paris. 08 mars au 01 juillet.

Après Manet et Gérôme, voici la nouvelle exposition monographique du musée d’Orsay autour d’un des grands peintres du XIXème. Après l’exposition de Roubaix, Degas Sculpteur et la grande exposition du Japon en 2010, c’est  la première grande exposition parisienne depuis 1988, sur ce peintre. C’est l’occasion de redécouvrir Degas, autour d’un axe particulier, le nu.
http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=649&tx_ttnews%5Btt_news%5D=30632&no_cache=1

Debussy et les arts. Musée de l’orangerie. Paris. 21 février au 16 juin.

« L’exposition propose d’évoquer les rencontres majeures du musicien avec les artistes et poètes de son temps »
http://www.musee-orangerie.fr/homes/home_id25247_u1l2.htm

Bob Dylan, l’explosion rock (1961-1966). Cité de la musique, Paris. 06 mars au 01 juillet.

« Bob Dylan est assurément un des musiciens les plus emblématiques de la seconde moitié du XXe siècle. Dans son parcours d’une exceptionnelle longévité, les années de 1961 à 1966 furent décisives. L’exposition retrace les moments forts de cette période, qui vit Dylan modifier radicalement son approche artistique et susciter une véritable révolution musicale. »
http://www.citedelamusique.fr/francais/evenement.aspx?id=11990

Louis Vuitton-Marc Jacobs. Musée des Arts Décoratifs. Paris. 9mars au 16 septembre.

Voilà une exposition qui devrait satisfaire ces dames et tous ceux qui font la queue devant la boutique des Champs Elysées.

« Cette exposition présente l’histoire de deux personnalités, Louis Vuitton et Marc Jacobs (directeur artistique de la maison Louis Vuitton), et met en évidence leurs contributions à l’univers de la mode. »
http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/mode-et-textile/expositions-70/prochainement-446/louis-vuitton-marc-jacobs/

Patagonie. Images du bout du monde. Musée du quai Branly. Paris. 06 mars au 13 mai.

http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/prochainement/patagonie.html

Phares ! Musée national de la Marine, Paris. 7mars au 04 novembre.

Si vous avez d’autres idées n’hésitez pas à les soumettre en commentaire ou sur le facebook du site.

Et encore bonne année

La plupart des textes viennent directement des sites mentionnés

 Liens :
http://www.moreeuw.com/histoire-art/expositions-paris-2012.htm
http://www.lemondedesarts.com/Exposparisact.htm

Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’ Oscar Wilde

Cela fait déjà une semaine que cette exposition s’est ouverte au musée d’Orsay et autant le dire tout de suite cette nouvelle saison d’exposition commence bien, très bien même.

Le titre tout d’abord est un peu mystérieux. Beauté ? Jusque-là ok. Morale ? Hmm hmm. Volupté ? Ça commence à devenir intéressant. Puis je dois l’avouer, le nom même d’Oscar Wilde est d’un point de vue personnel, une raison en soit pour me déplacer. Sa présence vous suit tout au long du parcours, à travers différents aphorismes placés ci et là, en échos aux objets exposés et reflétant parfaitement le personnage.

Oscar Wilde par Sarony en 1882

« C’est du spectateur et non de la vie que l’art est en fait le miroir. »

L’intitulé anglais est finalement plus parlant « The culte of Beauty : the Aesthetic Movement 1860-1900 » car il s’agit d’abord d’évoquer ce mouvement esthétique qui a touché toutes les formes artistiques de cette Angleterre victorienne. Cette recherche du beau, du raffinement, sans sens profond : « Il n’est pas recommandé de trouver des symboles dans tout ce que l’on voit. La vie n’est plus alors qu’une suite de terreurs » ; rien que l’Art pour l’Art en réaction aux carcans trop étouffant de la Royal Academy, de la laideur et du matérialisme ambiant.

Les œuvres présentées sont d’une grande richesse visuelle. Les symphonies en blanc N°1 et N°2 de Wisthler où l’harmonie des couleurs dépasse le sujet en soit, sont merveilleuses, à la fois dénuée de narration, mais pleine de poésie et même de mystère. La Sainte Cécile de Waterhouse ne se laisse elle, pas facilement décrypter non plus (je vous conseille le lien artclair en dessous qui donne une analyse précise du tableau ou celui de la tribune de l’art sur l’artiste).

Symphonie N°1
Symphonie en blanc n°1

Grovesnor Gallery. Fondée en 1877 par sir Couts Lindsay, cette galerie londonienne, la première éclairée à la lumière électrique, est devenue un refuge pour les artistes de l’aesthetic movement, comme Burne-Jones (« Un rêveur dans un paysage mythologique, un admirateur de visions féerique, un peintre symbolique » O. Wilde).

L’exposition montre dans une grande salle certaine des œuvres qui ont faits le succès de la Grosvernor gallery qu’on a vite surnommé « greenery-yallery, Grosvenor Gallery » en raison de ces murs verts spécifiques.

La peinture est loin d’être le seul art présent. Tout ce qui touche à la décoration tient part belle : mobilier, papier peint, services à thé. Certains objets sont d’une modernité telle qu’on doit relire le cartel à plusieurs fois pour être bien sûre qu’ils datent du XIXème. Les théières de Dresser en sont un bel exemple. L’exposition présente même des tenues et des bijoux qui attirent comme des aimants ces dames ; ces dernières se tournant ensuite avec envie vers leurs maris, leurs faisant comprendre qu’elles ne seraient pas contre les reproductions éditées par la RMN.

Theiere
Christopher Dresser. Theiere "Shibayama 1878.

L’inspiration est mondiale. Nous sommes à la fois en Angleterre, en Grèce, en Egypte mais aussi au Japon qui ouvre officiellement ses frontières à l’Occident avec le traité de Kanagawa en 1854 provoquant une arrivée massive d’objets japonais. Tout ce mélange apporte formes et couleurs nouvelles à ces créateurs, peintres, poètes et autres artistes.

Un dernier mot sur la muséographie : réussie. Certaines expositions sont grises, bondées, illisibles et incompréhensibles et le musée d’Orsay a une fois de plus évité tous ces défauts.

L’espace est grand tout d’abord, ce qui est appréciable pour une expo parisienne (que ceux qui n’ont jamais eu l’impression d’être dans le métro aux heures de pointe aux heures de pointes au Grand Palais lèvent leurs mains bienheureuses.

On sent derrière un véritable travail de décoration, les murs sont finement décorés de plumes de paons emblématiques du mouvement et les couleurs choisies : le vert et le violet pastels placent le visiteur dans une atmosphère très douce et moderne en même temps. Quant aux abat-jours faits d’une simple armature en velours vert, ils apportent par leurs lumières orangées quelques choses d’anciens et de neufs, mais surtout beaucoup de chaleur.

Les explications sont bien faîtes, pas besoin d’être un spécialiste pour tout comprendre et chaque œuvre possède un cartel bien rempli. On ne se retrouve pas devant une œuvre ou on doit se débrouiller juste avec la date et le nom de l’auteur et si t’as pas d’audioguide, ben tu débrouilles coco. Un tout petit bémol sur les cartels autocollants collés aux vitrines : pour un public parfois âgé, c’est loin d’être l’idéal, voir indéchiffrable si on ne se baisse (je cite une visiteuse).

Sinon belle expo, la preuve j’y suis restée 1h40 au moins et mes accompagnateurs 2h !!! A VOIR, surtout qu’à Orsay, c’est compris dans le prix du billet classique, donc relativement peu cher en comparaison d’autres institutions.

Aubrey Beardsley. Salomé.
PS: n’hésitez pas à « aimer » la page facebook ou le twitter du site.
Victoria&Albert Museum en Juillet 2011 ; Musée d’Orsay du 13/09/2011 au 15/01/2012 ; San Francisco, Fine Arts Museum du 18/02/2012 au 17/06/2012.
Commissaire : Stephen Calloway, conservateur au Victoria & Albert Museum
Lynn Federle Orr, conservateur au Fine Arts Museum de San Francisco
Yves Badetz, conservateur au musée d’Orsay

Liens utiles :
http://www.artclair.com/oeil/archives/docs_article/70141/john-william-waterhouse-lemgsainte-cecilelemg-1895.php
http://www.readbookonline.net/readOnLine/9876/
http://www.latribunedelart.com/j-w-waterhouse-1849-1917-le-preraphaelite-moderne-article002298.html