Les écrivains à l’honneur dans les musées de la ville de Paris, Baudelaire et surtout WILDE <3

Ces dernières semaines furent très littéraire pour moi. J’ai eu l’occasion de visiter deux expositions organisées par des musées de la ville de Paris (Petit Palais et Vie Romantique) avec pour thème deux grands écrivains du XIXème siècle : Oscar Wilde et Charles Baudelaire.

L’exposition consacrée à Charles Baudelaire au musée de la Vie Romantique a pour ambition de mettre en rapport les œuvres que le poète a pu apprécier ou commenter et ses textes. Les textes autographes sont d’ailleurs le principal intérêt de cet exposition. Voir l’écriture nerveuse de l’auteur des Fleurs du mal est un plaisir, mais pour le reste je l’ai trouvé assez difficile à appréhender. Et en lisant le livre d’or je n’ai pas l’air d’être la seule.
Il s’agit de présenter Baudelaire comme le critique d’art qu’il était, dans la lignée de Diderot ; de présenter ses goûts et ceux de la société à une époque où les mouvements s’enchainent à une certaine vitesse, du Romantisme au Réalisme jusqu’à l’Impressionnisme.

Certes je n’ai pas bien lu tous les textes de l’exposition, notamment leurs petits blocs de planches, mais ceux qui me connaissent un peu savent que je ne vais pas dans les expositions pour lire, lire et encore lire. Cela a tendance à m’ennuyer plus rapidement que je le voudrais. C’est peut-être pour cela que je n’ai pas tout saisi. Heureusement le dossier de presse est là pour combler ma fainéantise.

Vous l’aurez donc compris ce n’est pas vraiment une exposition grand public. Elle est destinée à un public avisé qui saura apprécier leur juste valeur des œuvres peu connues qui témoignent de l’éclectisme du XIXème siècle et du goût pointu de Charles Baudelaire.

Mais venons-en à l’exposition qui m’a fait chavirée, car elle concerne l’un de mes écrivains préférés, peut-être mon écrivain préféré, Oscar Wilde.

WP_20161011_11_49_11_Pro_LI.jpgLe Petit Palais lui consacré une exposition quasi-parfaite, qui nous renseigne sur sa vie, son œuvre et sur son regard sur l’art à travers des peintures qu’il admira, des écrits, des caricatures, des photographies, des lettres, des citations etc.

Souvent considéré comme un grand écrivain anglais, Oscar Wilde est en réalité irlandais. Il arrive à 20 ans en 1874 au Magdalen College d’Oxford où il suit avec enthousiasme les cours de Walter Pater et John Ruskin qui développent la sensibilité esthétique d’un dandy en pleine construction qui ne cessera de s’affirmer avec les années,  gagnant en notoriété.

On découvre ensuite le Wilde critique d’art, se délectant devant les œuvres présentées dans la Grosvenor Gallery. S’attachant surtout aux sujets mythologiques ou d’histoire ancienne, Oscar Wilde admire la peinture d’Edward Burne-Jones et reproche à William Blake Richmond son manque de vraisemblance dans les costumes de ses peintures. L’intérêt de l’exposition c’est de voir  en même temps que les critiques, les tableaux en question et ainsi d’apprécier à la fois la peinture anglaise de ce dernier tiers du XIXème siècle et l’avis d’Oscar Wilde concernant la composition des uns, la maitrise de la couleur des autres, la réalité historique d’un décor etc.

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John Roddam Spencer Stanhope (1829-1908), L’Amour et la jeune fille, 1877. Crédit : Fine Arts museum de San Francisco Achat du musée, du European Art Trust Fund, du Grover A. Magnin Besquest Fund and du Dorothy Spreckels Munn Bequest Fund

 

Fort de sa nouvelle réputation Oscar Wilde s’embarque en 1882 pour les Etats Unis d’Amérique ou il est mandaté pour faire une tournée de conférences à travers tout le pays, de New York à la côte Ouest devant des indiens, des mineurs ou  des mormons. Il expose sa vision de l’esthétisme mais aussi des sujets plus concrets comme « Les Arts décoratifs ». C’est de cette époque que date la fameuse série de photographies de Napoléon Sarony où on le voit avec ses bas de soie et son veston de velours prenant ses fameuses poses qui sont rentrées dans la légende. La confrontation Wilde/Amérique telle qu’elle nous l’est présentée dans l’exposition est amusante. D’un côté les impressions du poète sur le nouveau monde où tous les habitants lui semblent pressé et de l’autre la flopée d’images le représentant de manière souvent précieuse, dont cette étonnante caricature de Sir Max Berrbohm avec son lys et son brushing.Afficher l'image d'origine

De retour de ce périple, Oscar Wilde se marie pour satisfaire sa mère avec Constance Lloyd avec qui il a deux garçons, Cyril et Vyvyan. Il se rend également à Paris où il rencontre Victor Hugo, Maurice Rollinard, Pau Verlaine,  Edmond e Goncourt et Stéphane Mallarmé qu’il admire. Il sera même peint par Henri de Toulouse Lautrec dans l’une de ses toile représentant La Goulue au à la Foire du Trône.
Son travail d’écriture se développe, il écrit des pièces et devient rédacteur d’un magazine dédié aux femmes qu’il rebaptise Woman’sWorld.

Puis vient l’année 1891, l’année où est publié son seul roman, un chef-d’œuvre de la littérature fantastique et philosophique : The Picture of Dorian Gray. L’histoire de ce beau jeune homme qui se fait portraiturer et dont le portrait justement absorbe tous les vices et méfaits de son double de chair qui de son côté ne vieillit pas jusqu’à la fin tragique. Ce roman est une critique de la société, il reflète les considérations de Wilde sur l’art et l’esthétisme et il y inclut tous les thèmes qui lui sont chers : la morale, la beauté, l’hédonisme. Que c’est magique de pouvoir admirer ses pages manuscrites, son écriture ronde, les ouvrages dédicacés…

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Les années 1890-95 sont des années créatives. C’est en 1895 qu’il créé au St. James Theatre, L’Importance d’être constant. Sa pièce la plus célèbre. En 1893 c’est Salomé qui est écrite à Paris et en français pour Sarah Bernhardt. L’actrice ne jouera jamais le rôle et la pièce est interdite en Angleterre mais elle inspira de nombreux artistes dont Aubrey Beardsley qui fut chargé d’en réaliser les illustrations.
C’est également dans ses années qu’il rencontre Lord Alfred Douglas, âgé de 21 ans alors qu’il a lui-même la quarantaine. Cette relation passionné transforme sa vie tout entière et le mènera à sa perte quand il s’oppose au père du jeune homme, le marquis de Queensberry. Les choses se retournent contre lui et il finit par être jugé pour outrage à la pudeur. Nous sommes dans l’Angleterre très puritaine et hypocrite de la reine Victoria où il ne faut pas montrer les scandales. Oscar Wilde est donc condamné à la prison pour ce qu’il est. Durant ses années très dures pour lui, il écrit son De Profundis, longue lettre destinée à Alfred. Il retrouve malgré tout son amant à sa libération en 1897 et ils voyagent ensemble en Italie. Il mourra en 1900 à Paris, loin de chez lui, un peu oublié mais en 1909, le sculpteur Jacob Epstein lui édifie un tombeau en forme de sphinx qui aujourd’hui encore accueillent ses admiratrices et admirateurs venus du monde entier.Afficher l'image d'origine

J’ai adoré cette exposition, voir ces peintures anglaises, les manuscrits d’Oscar Wilde, les photos, les caricatures qu’on faisait de lui où il apparaissait comme un ogre dévorant la vie à pleine dent. C’est vraiment une très belle exposition qui rend parfaitement hommage à ce grand bonhomme sensible qu’était Wilde.

Bravo !

Petit Palais
Oscar Wilde
L’impertinent absolu

Du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017
COMMISSAIRES : Dominique Morel : conservateur en chef au Petit Palais
Merlin Holland : conseiller scientifique

 

Musée de la Vie romantique
‘L’oeil de Baudelaire’ / 20 septembre 2016 – 29 janvier 2017

COMMISSAIRES : Robert Kopp,  professeur à l’université de Bâle,Suisse, correspondant à l’Institut
Charlotte Manzini, docteur en littérature
Jérôme Farigoule, directeur du musée de la Vie romantique
Sophie Eloy, directrice adjointe, musée de la Vie romantique

Georges Desvallières, portrait d’un homme de foi et de peinture

Le Petit Palais une fois n’est pas coutume, nous propose à travers une exposition savamment mise en scène, de découvrir un artiste peu connu du grand public mais dont l’œuvre très éclectique mérite le détour.  L’artiste en question c’est Georges Desvallières (1861-1950). Je ne le connaissais que pour ses liens avec Maurice Denis et j’ai découvert un artiste complet à la peinture forte et expressive, qui sait faire vibrer la matière et les couleurs afin de donner le plus de profondeur à ses toiles.

George Desvallières, Autoportrait, 1891 Collection Domitille Desvallières-Rousse
autoportrait, 1891

 

D’une longévité importante (1861-1950), ses styles évoluent avec les époques et reflètent les préoccupations esthétiques de ces dernières.
Il est le petit-fils de l’académicien Ernest Legouvé qui prend en charge son éducation et c’est le peintre Jules-Élie Delaunay qui l’initie à la peinture en lui inculquant l’importance du dessin et de l’observation des maîtres, enseignement qu’il parfait à l’Académie Julian.  Mais c’est surtout la rencontre avec Gustave Moreau qui sera importante dans les premières années de sa carrière et son influence est palpable dans certaines de ses œuvres de jeunesse.

Delaunay et Moreau lui apportent chacun à leurs manières une façon de peindre qu’il synthétise. Ainsi dans sa représentation du corps, on retrouve à la fois l’importance de la ligne de Delaunay et l’intériorité psychique d’un Moreau. Cela donne des corps très athlétiques et nerveux qu’on retrouve sur toutes ses toiles mais les oeuvres religieuses qui viendront plus tard.

L’année 1903 est importante dans la carrière déjà bien avancée de G. Desvallières.  Avec Frantz Jourdain, Eugène Carrière, Victor Charreton, Félix Vallotton, Édouard Vuillard et Adrien Schulz, il créé le fameux « salon d’Automne » dont « le rôle est d’être excessif parce que le rôle des autres salons est d’être le contraire ». C’est le début d’une grande aventure qui contribuera à faire connaître les impressionnistes ou  les fauves à un large public populaire. Celui de 1905 révélera notamment Matisse.
En 1904 un nouveau tournant émerge dans l’art de G. Desvallières qui sera encore plus marqué dans l’entre-deux-guerres. Lui qui était jusqu’alors non pratiquant se converti au christianisme et sa foi nouvelle irradie de son travail. Très marqué par la guerre où il perd son fils Daniel, il participe activement à ce nouvel élan religieux qui naît suite à cette dernière. Abandonnant les œuvres profanes, il consacre tout son art à Dieu, liant dans un même élan créatif la Passion du Christ et le sacrifice des poilus. En résulte des oeuvres vibrantes parfois violentes comme ce Sacré coeur de 1905 où le Christ s’ouvre la poitrine devant la basilique du même nom. Il défend avec Georges Rouault un christianisme militant et social.
En 1919, il fonde avec Maurice Denis, les Ateliers d’art sacré (1919-1947), installés place de Furstenberg (Paris, 6e arrondissement), près de l’ancien atelier d’Eugène Delacroix. Il souhaite avec les Ateliers donner un nouvel art à l’église, un art moderne et poétique, anti-académique mais aussi en marge des nouveaux courants comme le cubisme. Dans l’esprit des corporations médiévales, des jeunes apprentis viennent se former dans les Ateliers pour répondre à des commandes précises, dans le but de redonner un décor aux églises dévastées par la guerre.

Dans les années 30, cet artiste reconnu de ses pairs devient membre de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique et de l’Institut de France.

C’est un très beau parcours que nous propose le musée du Petit Palais avec une exposition pleine de couleurs et de vie à l’image de l’oeuvre de cet homme reconnu comme un grand de son vivant,un peu oublié de nos jours mais qui renaît dans  l’antre de ce musée que j’adore toujours autant.

Pour en savoir plus :

Georges Desvallières, la peinture corps et âme au Petit Palais
Jusqu’au 17 Juillet 2016 au Petit Palais.

Commissariat :

Isabelle Collet, conservateur en chef au Petit Palais, commissaire
Catherine Ambroselli de Bayser, conseiller scientifique

http://www.georgedesvallieres.com/

Fantastique! Le petit palais nous propose 2 expos fantastiques

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Quoi de mieux pour commencer l’année en beauté qu’une exposition fantastique ? Fantastique, c’est justement le titre et le propos de l’exposition organisée jusqu’au 17 janvier au Petit Palais. En fait ce n’est pas une mais deux expositions qui vous transportent au confins de l’imaginaire. Une petite merveille comme on n’en trouve souvent Petit palais. La première riche de près de 250 estampes est consacrée à l’artiste japonais Kuniyoshi (1797-1861). La seconde non moins riche, composée de 170 gravures issues des collections de la BNF, témoigne de l’intérêt pour l’art fantastique au XIXème siècle.
Les deux se complètent admirablement d’autant plus que chacune nous apprend les différents aspects des techniques de là gravures, que ce soit la lithographie ou encore la xylographie ou l’eau forte.

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Commençons par Kuniyoshi, maître de l’ukiyo-e, moins connu qu’un Hokusai ou un Hiroshige, il a pourtant une production artistique originale et c’est le cas de le dire, fantastique. Je ne suis pas spécialement une grande fan de l’art japonais, mais la, j’ai vraiment aimé. C’est coloré, dynamique, très proche de l’esprit manga. Il vous emporte dans l’imaginaire japonais. On découvre les héros de légende peuplant un monde de dragons et de carpes géantes avec la série des 108 héros d’Au bord de l’eau, éditée en 1827 et inspirée du célèbre roman chinois Shuihu zhuan, puis on rentre dans l’univers du théâtre Kabuki, théâtre de geste, qui inspira nombres d’artistes à travers des affiches ou des portraits d’artistes. J’ai particulièrement apprécié la toute dernière section sur les caricatures. À partir de 1842, le régime des shoguns interdit la diffusion des portraits d’acteurs, de geishas ou de courtisanes. Les artistes usent alors de caricatures pour détourner l’interdiction.image
Les acteurs prennent des traits d’animaux. D’autres chats et poissons parodient la vie quotidienne. Et les caricatures en forme de puzzle forment la troisième forme de cet art amusant qui fait penser aux dessin-animés.

La seconde partie, disons plutôt la seconde exposition laisse de côté la couleur si vive de Kuniyoshi pour le noir ténébreux de la gravure propice pour évoquer l’atmosphère mystérieuse et fantastique d’Odilon Redon, de Goya ou Gustave Dorée.
Au cours des années 1830, le courant romantique s’intéresse particulièrement à toute cette littérature un peu étrange, en passant par les contes d’hoffman, Voyage où il vous plaira de Tony Johannot et d’Un autre monde de J.-J. Grandville et bien sûre Faust de Goethe qui inspire des artistes comme Delacroix. Le Réalisme des années 1848 avec des artistes comme Charles Meryon et Rodolphe Bresdin ne sera pas en reste avec des vues hantées de Paris ou des parages crépusculaires. Puis vient Odilon Redon, cet artiste si singulier va ouvrir un nouveau chemin d’interprétation au fantastique avec sa série de lithographie Dans le rêve publiée en 1879 qui ouvre la voie du symbolisme.

imageUne double exposition passionnante à faire seul ou en famille pour cette fin de vacances scolaires. Vraiment sympa. Je vous souhaite à tous une Bonne année avec plein de nouvelles expositions et lieux à visiter.

Kuniyoshi (1797-1861) LE DEMON DE L’ESTAMPE
Commissariat : Yuriko Iwakiri, commissaire scientifique et Gaëlle Rio, conservateur au Petit Palais

L’estampe visionnaire DE GOYA À REDON
Commissariat : Valérie Sueur-Hermel, conservateur en chef au département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France, commissaire scientifique de l’exposition ; Gaëlle Rio, conservateur au Petit Palais

Les héroïnes de l’Opéra-Comique vous attendent…

1160-affiche-comique-petitpalaisIl y a quelques année, j’avais été littéralement émerveillée par l’exposition consacrée à la Comédie française au Petit Palais. C’est pourquoi celle sur l’Opéra Comique me faisait de l’oeil.

Mais l’Opéra-Comique c’est quoi ? Contrairement à ce que le nom laisse à penser, il ne se définit pas par l’humour. C’est un spectacle avec une alternance de dialogues chantés et parlés. Un peu comme l’ancêtre des comédies musicales.
Organisée à l’occasion du tricentenaire de la maison fondée sous Louis XIV, cette dernière ne retrace pas l’histoire de l’institution mais est centrée sur les grandes figures théâtrales, Carmen, Mélissandre, Manon et tant d’autres. Autant de figures féminines qui ont bouleversé leurs contemporains et ébranlés les bonnes moeurs de l’époque, à l’image de la flamboyante et libre Carmen.

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7 opéras sont présentés, tous conçus entre 1870 et 1902, la période la plus marquante en création et inventivité :  Carmen, Les Contes d’Hoffmann, Lakmé, Manon, Le Rêve, Louise et enfin Pelléas et Mélisande. On découvre leurs créateurs, les partitions, les costumes prêtés par le centre du costume de Moulin, les affiches et d’autres oeuvres.

Marie Van Zandt en Lakmé
Marie Van Zandt en Lakmé

C’est une immersion complète dans chacun de ces opéras, comme des pages d’un livre que l’on parcourt. Tous les arts sont représentés et on apprend à mieux connaître la genèse de ces pièces et de l’Opéra-Comique à travers elles.

Après pour être totalement honnête j’ai trouvé cette exposition beaucoup moins complète et magique que celle sur la Comédie Française et je suis sortie avec un goût de trop peu, l’impression de n’avoir que survolé ces opéras. Les passionnés de musique trouveront avec ravissement des partitions originales ou des extraits d’opéra et les néophytes apprendront deux trois trucs.
En dehors des deux magnifiques portraits qui nous accueillent, ceux de Carmen sous les traits de Jeanne Gerville-Réache et Célestine Galli-Marié et qui nous plongent d’emblée dans un univers onirique haut en couleurs ; la partie sur l’incendie du 25 mai 1887 de la salle Favart nous emmène pour sa part dans la réalité de cette fin du XIXème siècle, de ces drames qui conduisent à l’adoption de la modernité, ici l’électricité obligatoire dans les  théâtres et cafés-concerts. Cette partie de l’exposition est l’une des plus instructive à mon goût.

Jean Louis Talagrand, l'intérieur de l'Opera-Comique après l'incendie de 1887
Jean Louis Talagrand, l’intérieur de l’Opera-Comique après l’incendie de 1887

En bref, une très belle exposition mais qui aurait mérité d’être plus étoffée même si je suis consciente de la difficulté de la chose. Mais les passionnés de musique doivent absolument s’y rendre.

De Carmen à Melissandre, drames de l’Opéra-Comique.
Jusqu’au 28 juin au Petit Palais

Commissariat général :
Jérôme Deschamps, directeur de l’Opéra Comique
Christophe Leribault, directeur du Petit Palais

 

Commissariat scientifique :
Agnès Terrier, dramaturge de l’Opéra Comique
Cécile Reynaud, conservateur en chef au département de la Musique de la BnF

La face sombre de Rome se dévoile, bienvenue dans ses bas-fonds.

Les-bas-fonds-du-Baroque-Petit-Palais-Paris-24-02-24-05-2015Je sais que cette exposition se termine dans 4 jours et que de fait je ne vous apprendrai peut-être pas grand-chose, mais pour tous ceux qui attendent la dernière minute, qui se disent « c’est bon j’ai le temps » et qui se réveillent trop tard comme moi parfois, peut-être que vous je vous aiderai à vous décider si oui ou non l’exposition vaut le coup.

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Et pour ne pas m’étaler dans un suspense inutile, la réponse est oui! Un grand oui !

Pour commencer la scénographie de Pier Luigi Pizzi est superbe, on est plongé d’entrée dans les rues de Rome au XVIIème siècle avec ses façades baroques d’après Giovanni Battista Falda et une grande carte nous accueille afin de voir où vivaient les différents artistes venus de toute l’Europe : Jusepe de Ribera, Simon Vouet,  Bartolomeo Manfredi, Gerrit van Honthorst et tant d’autres comme Les Bentvueghels, peintres nordistes qui avaient formés une quasi-corporation.

Lingelbach, scalinata del campidoglio
Lingelbach, scalinata del campidoglio

Organisée en premier lieu par l’Académie de France à Rome-Villa Médicis, cette exposition n’est pas là pour nous faire rêver sur les beautés étourdissantes de la Rome papale, cette Rome de faste et de palais. Ici on est dans la rue, les cloaques, les tavernes miteuses où rodent quelques voleurs de grands chemins. On est dans les bas-fonds comme le dit si bien le titre. Au pied des ruines romaines, vivait alors un peuple que les grands ne voyaient pas mais que ces peintres ont immortalisé.

Derrière la beauté des murs, se cache une réalité plus sombre que le caravagisme transcrit parfaitement par des jeux de clair-obscur brutale et sans concessions mais que d’autres peintres vont aussi merveilleusement illustrer.

L’approche choisie est thématique. On commence par un face à face avec une figure presque tutélaire pour ces artistes, Bacchus, dieu du vin et de l’ivresse mais aussi dieu qui inspire la folie et la création que déjà Caravage peignait de manière provocatrice.

Parmi les thèmes représentés on trouve la magie, la sorcellerie, sombre et déroutante avec ses monstres venus d’un autre monde ; les tavernes, lieux sordides où le vice règne incarné par la diseuse de bonne-aventure qui trompe tout le monde jusqu’au spectateur, lieu de musique aussi qu’on écoute l’air fuyant.

Giovanni Lanfranco, "Jeune homme nu sur un lit
Giovanni Lanfranco, « Jeune homme nu sur un lit
Simon Vouet la diseuse de bonne aventure
Simon Vouet la diseuse de bonne aventure

Le peintre lui-même se montre provocant en peignant de manière irrévérencieuse la « fica », geste à connotation sexuelle qu’on retrouve partout ; hors ou dans les tavernes la violence est manifeste à travers les nombreuses rixes qui animent les rues et les hommes. On rencontre aussi des figures sombres, ces gens des rues dont les peintres peignent le portrait dans un souci de recherche naturaliste, le mendiant, la prostitué, le bandit de grand chemin. Eux aussi ont le droit d’être portraituré à l’image des plus grands, mais sans détours, ni atours, sans embellissements, dans la dureté de leur quotidien souvent misérable. Le mendiant de Ribera est à ce titre très parlant, avec son visage qui se détache à peine de la noirceur dans laquelle il se trouve.

Ribera, mendiant
Ribera, mendiant

Une exposition troublante donc, point de sublimes œuvres invitant à la contemplation mais des peintures montrant l’humanité dans ce qu’elle a de plus sombre, l’autre partie du miroir en quelque sorte mais une partie fascinante qui éveille en nous spectateur le goût de l’aventure comme quand on regarde un film de pirates ou de brigands.

Du 24 février au 24 mai. Petit Palais

Commissaires:
Francesca Cappelletti, professeur à l’université de Ferrare
Annick Lemoine, chargée de mission pour l’histoire de l’art à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, maître de conférences à l’université Rennes 2
Christophe Leribault, directeur du Petit Palais

JORDAENS, la gloire d’Anvers resplendit sur le Petit Palais

Jordaens trône au Petit Palais et il illumine magnifiquement les murs de cette superbe exposition où les couleurs flamboient de toute part.

Autoportrait de l’artiste avec sa femme Catharina van Noort, leur fille Elisabeth et une servante dans un jardin, 1621-1622 © Madrid, Musée national du Prado
Autoportrait de l’artiste avec sa femme Catharina van Noort, leur fille Elisabeth et une servante dans un jardin, 1621-1622
© Madrid, Musée national du Prado

Aussi surprenant que cela paraisse, il s’agit de la première rétrospective en France consacrée à ce grand peintre flamand qui avec Van Dyck et Rubens occupe le haut de l’affiche au XVIIème siècle.
Il faut dire que Jacques (et non Jacob comme on l’appellera que bien plus tard) Jordaens (1593-1678) est un petit peu moins connu chez nous que ses deux compatriotes. Peut-être parce qu’il a rapidement été réduit aux scènes triviales avec son « Le roi boit ! » ou parce qu’il n’a jamais quitté Anvers contrairement à un Rubens qui a travaillé à Paris.
Le Petit Palais met les petits plats dans les grands pour redonner une place d’honneur à cet artiste aux coloris exceptionnels et à la productions beaucoup plus diversifiée qu’on pourrait le croire. La scénographie est tout simplement parfaite, on voyage et on découvre avec un parcours thématique simple ponctués d’informations.

Sainte Famille, vers 1620 © Southampton City Art Gallery, Hampshire, UK/ The Bridgeman Art Library
Sainte Famille, vers 1620
© Southampton City Art Gallery, Hampshire, UK/ The Bridgeman Art Library

On commence par situer le contexte historique, artistique et familial du peintre. Cela semble évident mais souvent occulté. Anvers au XVIIème siècle n’est plus cette superpuissance financière et commerciale qu’elle était seulement un siècle plus tôt. La guerre est passée par là ! La ville reste cependant toujours une capitale artistique de premier plan avec de nombreux chantiers mis en route, notamment sous l’impulsion d’Isabelle d’Espagne et d’Albert d’Autriche, gouverneurs des Pays-Bas méridionaux. Leur volonté est de faire d’Anvers une cité catholique face au Protestantisme grandissant.
Jordaens grandit dans une famille bourgeoise, son père est marchant de toile, il est formé chez Adam Van Noort, son futur beau-père et est reçu franc-maître à la guilde de Saint-Luc en 1515 1616.
L’exposition met en scène un intérieur bourgeois au milieu duquel trône ce superbe portrait de famille où contrairement au dogme en place, l’artiste se représente en pied, en homme accompli avec une composition au caractère ostentatoire avec une domestique et un cadre architectural superbe, au lieu de la modestie imposée à ce genre.  Jordaens n’a qu’une trentaine d’années mais il a déjà une haute idée de sa réussite familiale et professionnelle.
La force de cette exposition c’est d’aborder la diversité du travail de Jordaens souvent cantonné aux scènes de genre trivial. On découvre des portraits (peu Van Dyck et Rubens ayant capté la plupart du marché), son activité de cartonnier pour tapisserie, ses dessins préparatoires, ses scènes mythologiques très appréciées par toute la société érudite,  ainsi que de superbes peintures religieuses l’adoration des mages ou encore le sacrifice d’Isaac sont justes magnifiques ou encore l’original « quatre évangélistes » qui propose une vision dépouillée de ce sujet.

Les 4 évangélistes, 1625-1630 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/René-Gabriel Ojéda
Les 4 évangélistes, 1625-1630
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/René-Gabriel Ojéda

Bien que n’ayant jamais quitté sa ville d’Anvers, Jordaens est influencé par l’Italie, notamment par le style de Caravage dont il est l’un des artistes qui rend le plus subtilement cette manière si brute de peindre la réalité des corps avec une lumière découpée qui n’occulte en rien les salissures laissées par la vie. La plupart de ces œuvres souvent également assez proche de Rubens dans ses touches vives et le modelé des corps, tout comme les commandes profanes pour décorer les grandes demeures. Il a d’ailleurs travaillé avec ce dernier à la réalisation de décors éphémères pour l’entrée solennelle à Anvers du nouveau gouverneur des Pays-Bas espagnol, le cardinal infant Ferdinand, en avril 1635.

Le Roi boit, vers 1638-1640 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles/Photo J. Geleyns / www.roscan.be
Le Roi boit, vers 1638-1640
© Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique,
Bruxelles/Photo J. Geleyns / http://www.roscan.be

Puis on découvre ces fameuses scènes de banquet, comparées entre-elles, très vivantes pleines de musique et de visages joviaux, illustrant la joie de vivre et le goût de la fête anversoise. Bien que n’ayant pas inventé ce genre, il va l’incarner à merveille. Jordaens excelle aussi dans la représentation des proverbes très en vogue à cette époque, une illustration de la riche culture littéraire des Pays-Bas qui parle autant aux classes lettrées qu’au peuple moins instruit mais si certains nous paraissent très mystérieux comme la Servante avec une corbeille de fruits et un couple d’amoureux

Servante avec une corbeille de fruits et un couple d’amoureux, vers 1628-1630 ©CSG CIC Glasgow Museums Collection
Servante avec une corbeille de fruits et un couple d’amoureux, vers 1628-1630
©CSG CIC Glasgow Museums Collection

Tout est absolument magnifique. Cette exposition est une vraie réussite à tout point de vue. Elle a en plus un aspect extrêmement pédagogique, comme cet atelier reconstitué qui nous permet de mieux comprendre le travail entre différents peintres pour produire une œuvre signée Jordaens. Il faut savoir que le peintre était à la tête de l’un des plus puissants et importants atelier de l’époque. Le cabinet de curiosité en fin de parcours est une trouvaille scénographique géniale : il faut ouvrir les tiroirs pour découvrir et apprendre où prennent vie les sources d’inspiration de l’artiste, le travail sur la matière, ou encore l’importance de la couleur et de la lumière.
Je ne vais pas épiloguer plus longtemps, c’est juste une belle découverte, pour le moment la plus belle exposition de ce début de saison. Un artiste aux œuvres sublimes, une explosion de couleurs et de vie associé à une scénographie intelligente, théâtrale mais pas trop et pédagogique. En un mot comme en cent : superbe !

Le Sacrifice d’Isaac, vers 1625-1630 Huile sur toile © Milan, Pinacothèque de Brera
Le Sacrifice d’Isaac, vers 1625-1630
Huile sur toile
© Milan, Pinacothèque de Brera

Jordaens 1593-1678
LA GLOIRE D’ANVERS
19 septembre 2013 – 19 janvier 2014

Commissariat
Alexis Merle du Bourg, historien d’art
Maryline Assante di Panzillo, conservateur en chef au Petit Palais

Petit Palais-Carnavalet, deux expositions très religieuses. Part I « dieu(x) mode d’emploi »

Dernièrement lors d’un marathon exposition, j’ai fait (peut-être un peu trop rapidement) à la suite l’exposition du musée Carnavalet et celle du Petit Palais que je ne peux m’empêcher de rapprocher pour leur thématique  religieuse à  l’une comme à l’autre mais avec bien sûre des perspectives très différentes.

Au musée Carnavalet c’est la peinture des églises parisiennes du XVIIème siècle qui est à l’honneur avec un très joli titre « les couleurs du ciel ». Au petit Palais, l’énoncé plus énigmatique « dieu(x) mode d’emploi »  cache une exposition très riche qui utilise les œuvres d’art (160 oeuvres )mais aussi beaucoup d’installations multimédia s et qui est  conçue comme un voyage dans les grandes religions mondiales et leurs perceptions. Deux approches complémentaires d’où la mise en parallèle.

Mais que tous ceux que cette question ennuie ou rebute ne s’inquiètent pas, il ne s’agit pas d’une apologie du fait religieux.Au Petit Palais notamment il s’agit surtout de mieux comprendre celui-ci, car malgré notre société laïque, les religions sont partout et diverses et on ne comprend pas toujours tel ou tel aspect de l’une ou de l’autre. De plus avec la mondialisation, les voyages et les échanges, elles sont amenées à cohabitées de plus en plus, ce qui n’est pas toujours sans poser quelques problèmes et c’est pourquoi le musée du Petit Palais présente cette exposition qui a déjà fait escale au Québec, pour nous apporter des bases de compréhension. Le catalogue illustre d’ailleurs plus un propos de réflexion sur les religions à l’heure actuelle qu’une simple revue artistique.

Stele of Hazor / Crédit : Musée d’Israël

A travers 6 séquences le visiteur est amené à plonger dans ces religions, les trois religions du livre qui sont le christianisme, les judaïsmes et l’islam ainsi que toutes les autres, les religions asiatiques (hindouisme, bouddhisme…) ou encore animistes. Avant de débuter le parcours, trois œuvres vous accueillent, la stèle d’Hazor (Musée d’Israël, XIIIème siècle avt JC), une statuette Dège (Dogon, Mali, Musée du quai Branly) et la chasse de Saint-Aignan (cathédrale de Chartes, XIIIème siècle). Ces trois objets ont pour point commun une main, main symbole du lien entre l’humanité et la divinité et le fait de la retrouver dans trois œuvres issues de trois religions différentes, montrent d’entrée de jeu, les passages qu’on peut retrouver entre les religions du monde. Qu’on appartienne à l’une ou à l’autre ou même aucune ne doit pas nous exclure de la compréhension des autres.

Buste du Christ, Salvador Mundi d’après du Bernin
© Cathédrale de Sées

On rencontre d’abord les divinités à travers une jolie mise en scène qui les place en hauteur avec les explications écrites par terre comme pour obliger le visiteur à s’incliner, du moins c’est comme ça que je l’ai ressenti. La question de la représentation est fondamentale dans l’art religieux, car elle n’est pas toujours permise, autant chez les Chrétiens, le fait que Jésus se soit fait homme permet une iconographie très humaine, dans le judaïsme et l’islam la représentation est interdite par exemple et on voit les compromis choisis, plus décoratifs. On passe ensuite à la notion de culte à travers tous ces objets qui témoignent de l’imagination humaine pour rentrer en contact avec la ou les divinités et comment on enseigne cela car pour les religions du livre les interprétations peuvent varier selon les époques, les traductions ou les traditions.

Pour la suite on glisse d’avantage vers le côté humain de la religion. Par exemple comment les sociétés font intervenir la religion dans les passages de la vie comme la naissance, le passage à l’âge adulte, le mariage puis la mort. De la même manière plus loin c’est la question des cycles qui est évoquée, car la plupart des religions connaissent ce fonctionnement cyclique, commencement et fin du monde, jours de fêtes qui jalonnent le calendrier civile et perception par ceux qui ne se reconnaissent pas dedans. L’exemple le plus marquant et le plus d’actualité est peut-être le jour de noël, fête majeure dont la date est tirée du culte païen à Mithra divinité solaire et dont le sens christique est aujourd’hui laissé de côté pour devenir presque laïque. On a aussi un aperçu des intercesseurs que sont les  prêtres, prêcheurs, sages, sorciers, moines. Comment ils sont choisis, par un dieu ou par les hommes et quelles sont leurs fonctions. Ce sont des bornes numériques qui font parler ces personnes. L’exposition aborde aussi la relation à notre corps en regard de la religion, les privations alimentaires, la question de jeûne que l’on retrouve dans beaucoup de cultures, la façon de s’habiller, de se cacher ou de se présenter aux autres à travers les tatouages par exemple.

« Tu manques même à mon ombre », installation de Rachid Koraïchi, artiste algérien né en 1947, années 2000. Bronze.
Siegfried Forster / RFI

La séquence 6 est, elle vraiment instructive et très ancrée dans notre actualité. Elle reprend notamment des caricatures de Plantu, et des extraits d’actualités de ces dernières années. Elle vise à montrer le rôle de la religion dans les conflits mondiaux, notamment au Proche Orient où elle est une des causes majeures de tueries et de guerres intestines. On revient ainsi sur toutes les idées reçues qui circulent.

Malheureusement ce sujet ne date pas d’hier et la présentation du tableau de Poussin, La destruction du temple de Jérusalem, est particulièrement marquante car il témoigne comment depuis que l’homme croit en quelque chose, il peut se déchirer avec son voisin parce qu’il a des croyances différences. Et ce constat est terrible car on se demande si un jour, la cohabitation sera possible, sans qu’un individu ne cherche à imposer coûte que coûte ses vues. Les amateurs d’architectures seront pour leurs parts peut-être intéressés par les maquettes et les photos de lieux de culte. En France et de manière plus large en Europe, les églises façonnent notre paysage architecturale, plus que les châteaux et on se pose aujourd’hui la question de nouveaux édifices, comment les adapter aux nouvelles pratiques religieuse et aux soucis de modernités.

dieux d’Afrique. Crédit : RFI

L’exposition se termine enfin par une série de vidéos où 8 personnes racontent leurs visions de l’au-delà, malheureusement j’avais 20min pour atteindre Orsay donc je n’ai pas pu entendre leurs histoires, mais il est vrai que la notion de vie après la mort varie beaucoup selon les croyances, entre ceux qui pensent que les actions de la vie conditionnent la future, qu’on ressuscite dans un au-delà, qu’on se réincarne en quelque chose d’autre pour vivre un autre cycle sur terre, ou qu’il n’y a simplement rien…mais pour le coup, cette réponse ne nous sera jamais donné et à l’heure actuelle, le questionnement sur ce qui se passe après la mort reste encore l’un des aspects de nos vies d’homme où la foi peut encore garder tout son sens et tout son mystère.

Ill. : Boudha sous la neige, Koyâ-San (Japon) (©Ferrante Ferranti).

Dieu(x) Modes d’emploi

Lieu : Paris – Petit Palais – Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Date : du 25 octobre 2012 au 3 février 2013

La Comédie Française s’expose…

La comédie française s’expose au Petit Palais.

Du 13 octobre 2011 au 15 janvier 2012

Commissariat général : Gilles Chazal (conservateur général, directeur du Petit Palais ; Agathe Sanjuan (conservateur, archiviste de la Comédie Française).
Commissariat : Sophie Renouard de Bussiere (conservateur général du Petit Palais) et Sylvain Lecombre (conservateur en chef du Petit Palais)
Moliere dans le rôle de César, dans la mort de César. Mignard. 1661-1665
 

Jusqu’à présent, dans tous les articles ou je parlais d’expo que j’avais vu, je vous conseillais de la faire et ….je ne vais pas changer d’angle de vue pour celle-ci ! Je vais même être encore plus enthousiaste dans mon conseil. Go go go!

Mardi j’étais fatiguée, j’allais sur Paris juste pour bouger, mais ma motivation m’aurait plutôt conduit vers un fauteuil bien douillet pour m’affaler devant la TV et glander comme une reine. Mais j’étais déjà dans le RER quand cette envie est apparue, donc pas le choix. Ayant la flemme d’aller faire la queue sous la pluie au Luxembourg pour Cézanne (que je ferais plutôt dans 2 ou 3semaines quand l’enthousiasme des débuts d’expo sera retombé), je suis allée au Petit Palais, sachant qu’il y avait une exposition sur la Comédie Française. Eh bien, ce fut une très bonne idée.

Vous avez déjà été au Petit Palais ? J’adore ce lieu, dès qu’on passe ces portes immenses et dorées on se retrouve dans un cadre juste enchanteur. A chaque fois que j’y mets les pieds je m’émerveille toute seule devant ce plafond qui vous donne l’impression d’être dans un autre monde. Mais enfin bref, passons sur les rêveries. Je me suis donc dirigée vers l’exposition nichée dans l’aile droite et bonheur, presque personne. On ne le dit pas assez que faire une expo pas bondée c’est possible et mieux ! La foule qui s’agglutine et qui transpire n’est pas forcement synonyme de qualité, la preuve !

les farceurs français et italiens depuis 60ans et plus, 1670 anonyme

L’expo donc ! 200 œuvres sont présentées de manière exceptionnelle. Elles ne viennent pas des collections de grands musées mais de la collection même de la Comédie Française acquise depuis 1680. Ces pièces sont d’habitude réservées à la vue des pensionnaires et sociétaires, dans les couloirs ou les bureaux, mais pas forcément de tout à chacun. C’est donc tout un univers, celui de la Comédie Française, et surtout du patrimoine théâtral qui s’ouvre à nous.

On pénètre dedans de manière très calme par une scénographie épurée, comme si on entrait dans une pièce de théâtre, un monde à part je vous dis. Des masques colorés vous accueillent et le parcours est construit comme une pièce justement, en cinq actes, avec à chaque début de partie, un grand panneau lumineux qui vous annonce le sujet.

Acte I : 1680, la date fondatrice. Il existait à Paris plusieurs troupes rivales. Celle de l’hôtel de Bourgogne, nommée troupe royale par Louis XIII;  l’hôtel du Marais pour les pièces à machines; les Italiens (voir les toutes petites huiles sur cuivre, anonymes des années 1570-1600 représentant la troupe des Gelosi, troupe de la Commedia dell’arte originaire de Milan qui jouèrent pour le roi de France) et la troupe de Molière.

Molière personnage présent dans toute l’exposition, comme une ombre qui veille toujours sur le Théâtre Français. D’ailleurs son mythique fauteuil de 1673 est là, devant nos yeux. Bien abîmé certe mais surtout symbole à lui seul  d’une grande partie de notre patrimoine théâtral. Il a d’ailleurs servit sur scène jusqu’en 1879.

3 portraits sont également présentés : Celui de Mignard où il est en César; celui de Coypel de 1734 et celui de l’atelier de Mignard, 1658.

A la mort de Molière, en 1673, le roi Louis XIV décide d’unir sa troupe avec celle de l’hôtel du Marais et l’installe à l’hôtel Guénégaud.

Par lettre de cachet, le 21 octobre 1680, on fusionne l’Hôtel Guénégaud et l’Hôtel de Bourgogne, ce qui donne une troupe de 27 personnes connue désormais sous le nom de Comédie Française, Théâtre Français ou encore Maison de Molière. C’est d’ailleurs amusant de constater que bien qu’omniprésent dans cette histoire, le personnage principal est tout de même décédé depuis déjà 7ans. C’est Charles Vartet, dit La Grange, continuateur de Molière, garant de son œuvre et de sa mémoire qui en devient l’orateur.

Acte II : Institution et demeures. Bien que liée aujourd’hui à la salle Richelieu, on apprend que d’autres salles ont accueilli la Maison de Molière : l’hôtel Guénégaud (1680-1687), la salle du jeu de Paume (j’ai découvert que l’expression « enfant de la balle » venait de ce lieu, on en apprend des choses ^^, 1687-1770) rue des Fossés-Saint-Germain-des-Près, la salle des machines du Palais des Tuileries (1770-1782),  l’Odéon (1782-1793) et seulement en 1799, la salle Richelieu.

Une maquette trone au milieu de la salle et sur les murs les décors disparus, ou non de la salle. Notamment une étude du rideau de fer peint par Olivier Debré.

Acte III : le répertoire : des œuvres et des hommes. Cette partie-là est sans doute pour moi la plus fascinante (quoi que la suivante m’ait bien plu aussi). On sait tous ce qu’est le répertoire avec plus ou moins de précision, pourtant cette notion prend par la muséographie une autre dimension.

On arrive face à une petite salle un peu sombre et une dizaines de statues d’auteurs vous contemple. On est tout de même  face à face avec ces grands noms qui ont écrit l’histoire du théâtre. On est littéralement face à ce répertoire.  Dumas fils a dit : « Le Théâtre Français n’est pas un théâtre comme les autres. Quand on y apporte un manuscrit, il y a les bustes qui vous regardent ».

Gérome, Rachel, la "Tragedie", 1859

L’idée vient de comédiens comme Lekain de décorer leur salle d’assemblée par des bustes de Molière, Corneille ou Racine. En 1775,  cette idée prend une autre dimension grâce à Caffieri qui est l’auteur de la plupart des bustes présentés (Corneille,  Alexis Piron, Jean de Rotrou, Jean-Baptiste Rousseau, Jean-François Regnard, Pierre Laurent Buirette de Belloy, Nivelle de La Chaussée ou Destouches). Il avait demandé un abonnement à vie pour le buste de Piron. Cette série s’est étalée jusqu’en 1792 avec au total 16 bustes, dont 9 de Caffieri.

En 1680, le roi offre le privilège de jouer toutes les pièces en français à Paris et dans les Faubourg. A ce répertoire se sont joint toutes les œuvres de Molière et Racine. Aujourd’hui est considérée comme appartenant au répertoire, toute œuvre jouée sur la scène principale à Richelieu. En Mai 2010, 1024 auteurs étaient inscrits au Répertoire de la Comédie Française. Pourtant même si c’est un honneur pour un artiste d’y être inscrit, ce n’est pas forcément un gage d’éternité comme le souligne l’une des salles. Un auteur comme Dancourt a longtemps été l’un des plus joué (5659 représentation) mais ne l’est plus aujourd’hui. De même, tout le monde connaît Voltaire, mais son côté dramaturge n’est plus vraiment la raison de sa célébrité.

Mlle Mars par Thomas. Incarnation de la Comédie, elle acceuille les visiteurs aux côtés de Rachel

Acte IV : Histoire d’une troupe. Voilà l’autre partie fascinante. Rien d’extraordinaire en soit. On apprend comment fonctionne la Comédie. Ainsi souvent un comédien est confiné à un seul genre (tragique, comique, romantique) mais il y a aussi la notion « d’emploi » qui peut régir toute sa carrière de manière très stricte (Mademoiselle Mars à 62 ans joue toujours Célimène)  et était transmise d’un acteur à un autre : le rôle du roi, de la servante, l’ingénue, le valet ou la jeune première entre autres.

Ce qui est fascinant, du moins à mes petits yeux d’ignorantes, c’est cet ensemble de portraits d’acteurs.  Les auteurs étaient exposés dans les parties publiques, mais pendant longtemps les acteurs eux étaient réservés aux parties privées. Et par cette exposition, c’est une intimité de la troupe et des personnes qu’on découvre et en même temps, une histoire du portrait d’acteur. Il y a les portraits où le comédien se dissimule derrière le rôle, ce qui se rapproche de la peinture d’histoire ; le portrait allégorique, ou cette fois-ci une comédienne est dépeinte sous les traits d’une muse (Thalie ou Melpomène) ; le portrait monumental ; le portrait mondain etc. Puis bien sûr la photographie depuis le XX ème siècle.

Fascinée par ces images, ces légendes même, je ne peux pas m’empêcher de vous livrer quelques noms qui ont fait vibrer les planches et les cœurs en leurs temps :

 

Coypel, Charles-Antoine (1694-1752), mademoiselle Lecouvreur en Cornélie (Corneille, la mort de Pompée) 1726

Adrienne Lecouvreur (1692-1730), rentrée à la comédie en 1717 dans le rôle d’Electre, elle est perçue comme l’une des plus grandes tragédiennes de son temps. Elle est l’exemple même de la comédienne enfermée dans un rôle car voulant jouer Célimène, elle doit renoncer devant la pression du public qui ne veut pas la voir jouer une comédie. Elle aurait été empoisonnée par la Duchesse de Bouillon. Son histoire a même inspiré un opéra à Francesco Cilea.

Simon Bernard le noir, Lekain en Genghis Khan (l'orphelin de Chine de Voltaire) 1769

Lekain (1729-1178), grand tragédien et interprète préféré de Voltaire. Son physique un peu ingrat (petit, voix sourde) aurait pu être un handicap, mais il sut en joué et le faire même oublier par un grand travail sur lui-même et la diction dans laquelle il introduit plus de naturel. Louis XV, après une représentation s’exclama « il m’a fait pleurer, moi qui ne pleure jamais ». Il est aussi connut pour être le maître d’un des plus grands acteurs qu’ait connu la Comédie Française : Talma.

Talma, dans le rôle de Néron (Britannicus, Racine), Delacroix 1853

Talma (1763-1826). Acteur révolutionnaire dans tous les sens du terme.De nombreuses œuvres rendent hommage dans l’exposition à ce prestigieux acteur. Il renouvelle le jeu de l’acteur, sa diction et même le costume, sur les conseils de J-L David, désormais plus réaliste. En Brutus, il porte pour la première fois la toge romaine. Durant la période révolutionnaire, en 1791, il quitte la troupe et créé le théâtre de la République dans ce qui deviendra le théâtre Richelieu. Sous l’Empire il est officiellement « l’acteur préféré de Napoléon » et parmi ses maitresses, on compte Pauline Bonaparte.

Devaria (?) Rachel en Roxane (Bajazet, Racine) 1850

Rachel (1821-1858). Ha Rachel! La tragédie faite femme. Modèle de Sarah Bernhardt, elle est la reine du théâtre du XIXème siècle. Débutant à l’académie à 17 ans en Camille d’Horace, elle va remettre à la mode la Tragédie classique, jouant les plus grands auteurs. Pas belle, dans l’esprit de son siècle, Alfred de Musset dira d’elle : « La taille de mademoiselle Rachel n’est guère plus grosse qu’un des bras de mademoiselle George ! » Pourtant elle est toute en grâce et légèreté sur scène. Pendant féminin de Talma, elle connaît un succès planétaire, en effet elle est reçue à Londres par la reine Victoria et elle a même joué au Métropolitain Theater de Broadway. Le jour de ses funérailles, 100 000personnes étaient là dans le carré juif du Cimetière du Père-Lachaise pour dire adieu à cette petite fille pauvre devenue Reine.

Clairin, Sarah Berhardt dans le rôle de la Reine (Ruy Blas), 1897

Sarah Bernhardt (1844-1923), la Divine, la Scandaleuse ou encore la Voix d’or (Victor Hugo). Résumer sa carrière est impossible. L’expression « Monstre sacré » a été créée pour elle par Cocteau tout comme Salomé d’Oscar Wilde a été écrite sur sa demande. Sa relation avec le « français » fut légèrement tumultueuse : elle gifla une pensionnaire ce qui lui valut un premier renvoie et même si elle y est rappelée plus tard, elle en démissionne en 1880.

Mounet-Sully (1841-1916), autre monstre sacré. Il est l’amant et le pendant de Sarah Bernhardt. Grand tragédien, il renouvelle notamment le rôle d’Hamlet et est le doyen de la troupe durant la première guerre.

Acte V : Molière mis en scène. Dans cet acte final, c’est l’occasion d’apprécier la postérité de Molière. Je suis désolée, j’étais pressée, j’ai dû accélérer à ce moment, donc je ne peux pas trop en dire. Juste, le mur de maquettes de décors de théâtre était incroyable, moderne ou classique, tout y était.

Et pour la dernière pièce, toutes les photos des actuels sociétaires de la Comédie Française…Il y en a un certains nombres dont je n’aurai jamais parié qu’il y était. Ces portraits offrent une jolie conclusion, tout en continuité par rapport à l’exposition et en même temps ouverts sur l’avenir.

Donc voilà, j’espère vous avoir convaincu, une belle exposition, pas prétentieuse comme d’autres, claires et on y apprend plein de choses tout en rêvant devant les costumes.

http://www.petitpalais.paris.fr/sites/default/files/dp_comedie_francaisesmal_bd.pdf

http://www.comedie-francaise.fr/histoire-et-patrimoine.php?id=525

http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Les-Naufrages/ensavoirplus/idcontent/18455

http://www.franceinter.fr/evenement-la-comedie-francaise-s-expose-au-petit-palais?page=2