Le paysage et tout particulièrement le paysage du XIXème siècle a été très à la mode cette saison. Le besoin d’espace ou de jolies couleurs peut-être.
Deux régions ont eu les honneurs, l’Île de France et la Normandie. L’une au musée de Sceaux et l’autre au musée Jacquemart André.
Dans le joli petit château de Sceaux, musée de l’île de France, les romantiques, l’école de Barbizon, les impressionnistes et les néo-impréssionnistes sont à l’honneur. L’exposition rappelle combien cette région a été la capitale d’un genre en pleine évolution loin des mépris de l’académisme classique.
Pendant longtemps le paysage n’est pour beaucoup qu’un joli fond derrière des personnages historiques ou religieux et même si les écoles du Nord surent très tôt en leur temps lui donner ses lettres de noblesse, en France il tarde à s’imposer face au carcan de la théorie des genres de l’Académie Royale. En terme de prestige il arrive loin derrière les vierges, les héros ou même les portraits. Ainsi, même si des artistes comme Hubert Robert ou Pierre-Henri de Valenciennes avaient commencé à bouger les lignes, il faut attendre le XIXème siècle avec sa nouvelle vision de l’artiste et le chamboulement des genres pour lui donner son véritable élan. Et entre le chemin de fer qui permet de s’éloigner facilement et rapidement de Paris, le matériel de peintre plus moderne (le tube, en fin !!!!!) , la photographie qui lance un vrai questionnement sur l’intérêt de la peinture et une réflexion générale sur l’évolution des campagnes dans un siècle en plein changement sociétale et environnemental, tout cela forme un creuset parfait pour que le paysage moderne se forme peu à peu et attire de plus en plus d’artistes aux réflexions très différentes.
Quand à Sceaux on note l’influence de l’Âge d’or Hollandais sur les premiers paysagistes de la région, coté Jacquemart-André on rappelle l’influence déterminante des anglais qui dès le XVIIIème siècle se sont intéressés à ce genre avec Gainsborough, Constable puis Turner qui se rend en Normandie à la fin des guerres napoléoniennes. Les Pays-Bas et le Royaume Unis sont les deux nations précurseuses du paysage français.
Il y a d’abord l’école de Barbizon qui dans la forêt de Fontainebleau à l’auberge du père Ganne réunit des peintres comme, Rousseau, Corot, Millet qui se retrouvent dans une vision rêvée de la forêt sauvage et en même temps si proche. Mais le nom d’école est trompeur, il s’agit plus d’une fraternité d’artistes où se mêlent les points de vue, les regards et les styles.
Puis les impressionnistes vont encore plus loin en libérant la touche et le motif pour ne retenir que l’impression, la lumière. Jongking, Corot ou Renoir peignent notamment la vallée de la Seine avec douceur et nostalgie, portant leurs regards vers la Normandie.
L’exposition se veut un très jolie voyage dans le temps, à une époque où tout s’accéléraient mais ou la nature avait encore une place déterminante, où Gentilly c’était la campagne et où le périphérique n’existait pas, où les canotiers et les moulins faisaient rêver les passants. Mais les peintres et les photographes témoignent aussi des désastres de la guerre contre la Prusse de 1870 qui furent nombreux dans la région.
Coté Jacquemart-André on s’exile un peu plus à l’Ouest, quoi que. Nous retrouvons grosso-modo les mêmes artistes et cette même envie de témoigner d’une société en pleine évolution et de cette nature si proche qui côtoie l’industrialisation et les débuts du « tourisme » avec la mode des bains de mer. On visite la Normandie à travers ses artistes fétiches, ses « locaux » Boudin et Monet. Mais on rencontre aussi des parisiens qui ont pris le train comme Edgar Degas ou Caillebotte. La ligne Paris-Rouen est ouverte en 1843, prolongée vers Le Havre en 1847, vers Dieppe l’année suivante et vers Fécamp en 1856. Dans les années 1860, le train dessert DeauvilleTrouville et toutes les stations de la Côte Fleurie.
Les barques des pécheurs d’Honfleur, les berges de Dieppe et les falaises d’Etretat se mêlent joyeusement aux belles robes et aux ombrelles des grandes dames venues prendre l’air. Le paysage pur rencontre la peinture de mondanités.
Vous l’aurez compris ce sont deux expositions conçues de manières très indépendantes l’une de l’autre mais qui se révèlent très complémentaires dans le sujet, la naissance du paysage et son épanouissement à travers deux régions essentielles la Normandie et l’Île de France. Alors si vous aimez les peintres de Barbizon ou bien que vous préfériez l’impressionniste aux couleurs chatoyantes, vous serez comblés. Une manière de voyager dans le temps et dans l’espace sans aller trop loin (enfin quand on est parisien:/).
PAYSAGES DU ROMANTISME A L’IMPRESSIONNISME LES ENVIRONS DE PARIS
Du vendredi 18 mars au dimanche 10 juillet 2016
Musée du Domaine départemental de Sceaux
NORMANDIE L’ATELIER EN PLEIN AIR MONET, RENOIR, PISSARRO, SISLEY, GAUGUIN… Musée Jacquemart-André 18 mars – 25 juillet 2016
Claire Durand-Ruel Snollaerts, historienne de l’art, spécialiste et experte de Camille Pissarro. Elle a établi le catalogue raisonné de l’artiste.
Jacques-Sylvain Klein, historien de l’art.
Pierre Curie, Conservateur du Musée Jacquemart-André.