Exhibitions, l’invention du sauvage

Me revoilà sur museis pour vous parler d’une exposition que j’ai eu l’occasion de voir il y a quelques semaines : « Exhibition, l’invention du sauvage », au musée du Quai Branly jusqu’au 06 juin 2012.

Le musée des arts premiers est habitué par ses expos à nous faire voyager, découvrir d’autres civilisations et différents points de vue que le nôtre. Cette fois ci par contre, il ne s’agit pas de partir de l’autre côté des mers mais de rester ici et de voir comment pendant des décennies si ce n’est des siècles, la civilisation dite occidentale a considéré ces autres peuples venus d’ailleurs comme des objets étranges, des curiosités et ensuite des sujets de spectacles.

C’est une exposition à la fois instructive et source de réflexion que je vous propose de découvrir et je vous la conseille avant même de rentrer dans les détails, car je pense sincèrement que rien ne peux mieux faire passer toute son intensité que de s’y trouver soi-même. Elle a d’ailleurs reçu le globe de cristal art et culture de la meilleure exposition le 06 février dernier.

Un petit mot sur le commissaire, pour une fois. J’en parle rarement, mais là le nom parlera forcément même à ceux qui ne connaissent rien à l’univers culturel car il s’agit de Lilian Thuram. Membre et parrain du collectif « Devoir de Mémoire », l’ancien footballeur est très impliqué dans la lutte contre les inégalités et l’intolérance et propose par cette exposition de revenir à la source de beaucoup de préjugés racistes. Il s’est pour cela appuyé sur l’historien Pascal Blanchard, spécialiste de l’histoire coloniale et commissaire scientifique avec Nanette Jacomijn Snoep.

Antonietta Gonsalvus, 1585 par Lavinia Fontana, Musée de Blois

La difficulté de l’exposition a été de ne pas recréer ce voyeurisme qui a pu attirer des foules dans ces exhibitions jusque dans les années 1930. Il s’agit de donner matière à réfléchir sur le regard qu’on peut porter sur l’autre et sur soi, à comprendre l’expansion de ce phénomène d’un point de vue historique et sociologique et aussi à retrouver et connaître ces personnes exposées en leur redonnant simplement un nom, une histoire, une vie propre comme pour leurs restituer cette humanité qu’on leur a ôtée.

Le parcours est conçu comme un spectacle avec scène et coulisses, divisé en 4 actes et jalonné de miroirs qui vous confrontent à votre propre image. Parfois ces derniers sont déformants, comme ceux des fêtes foraines et leur présence est là pour marquer la subjectivité du point de vue que l’on peut avoir sur l’image des autres et de soi.
500 objets sont présentés,  évoquant l’histoire de ces exhibitions qui ont eu lieu dans le monde occidental : l’Europe, l’Amérique mais aussi le Japon.

Acte I Découverte de l’autre. Rapporter, collection, montrer.

Ce sont les débuts de cette histoire qui débute concrètement avec la découverte de l’Amérique en 1492 et les 6 indiens ramenés pour être présentés à la cour d’Espagne. A cette époque, il est surtout question de curiosité mêlée de fascination. Tous les grands d’Europe invitent à leurs cours ces « étranges étrangers ». C’est aussi le temps des cabinets de curiosités qu’on remplit de portraits et d’étranges objets comme cette « petite sirène » bien loin d’Ariel faite à partir d’un corps de singe (voir toute fin de l’article).

On en est encore qu’aux prémices…

Acte II Monstre et exotisme. Observer, classer, hiérarchiser

Le XIXème siècle va amplifier le phénomène jusque-là encore relativement confidentiel, mais surtout il va le rationnaliser. L’anthropologie se développe, on étudie les corps, on les mesure, on fait des moules sur le vivant. Les scientifiques sont persuadés qu’il existe une hiérarchie des êtres vivants, leur volonté de classement s’appliquant également aux humains. Cette hiérarchie est désormais une norme qui légitime les expositions.
Souvent citée en exemple, l’un des symboles les plus forts de ce type d’exhibition et de conception de l’humanité à plusieurs échelles,  est la Vénus Hottentote, Sawtche de son vrai nom, rebaptisée Saartjie Baartman. Née chez les Khoïkhoï, peuple d’Afrique du Sud, Sawtche est ramenée en Europe puis littéralement exposée comme un objet entre Londres et Paris en raison de sa stéatopygie (hypertrophie des hanches et des fesses) et de sa macronymphie. Même après sa mort, son corps continue d’être étudié sans respect pour son humanité. En 2002, il  a été restitué à son peuple et incinéré selon ses rites.

singe qui étudie Darwin

Darwin en 1859 publie « De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie ». C’est une révolution scientifique qui va malheureusement engendrer de nombreuses dérives racistes. On cherche le chaînon manquant entre l’homme moderne et le singe et on exhibe des individus pour combler ce « vide ». C’est ce qu’a vécu la petite Krao. Née au Laos en 1872, cette petite fille fut ramenée à 6ans en Angleterre pour être présentée comme ce fameux maillon manquant, en raison de sa pilosité et de son habitude de se servir de ses pieds comme de ses mains pour attraper des objets.

affiche de Barnum & Bailey

Des êtres humains atteints d’hypertrichose (pilosité excessive) ou juste un peu différents sont également montrés dans des freak show. Barnum & Bailey circus en sont les précurseurs aux Etats-Unis. On y retrouve la petite Krao mais aussi « Lady Olga », la femme à barbe, l’homme lion, le géant ou encore des frères siamois. Même une femme sous prétexte qu’elle a les cheveux très crépue se retrouve sur l’affiche. L’exhibition devient un spectacle, une mise en scène qui attire de plus en plus de monde et de plus en plus « l’exotisme » va s’imposer dans le cadre de ces représentations.

Acte III Le spectacle de la différence. Recruter, exhiber, diffuser.

Désormais ce sont des familles et des peuples entiers qui sont exposés : lapons, aborigènes, zoulous, pygmées, etc. Ces étrangers que l’on regarde comme des bêtes curieuses ne sont plus perçues comme des exceptions car ils appartiennent à un ensemble. Ils sont donc la représentation d’une norme différente que l’on montre comme pour montrer le fossé qui sépare l’occident colonisateur à ses colonies. Les foules sont de plus en plus nombreuses. Il s’agit d’un divertissement de masse et on estime à près d’1 milliard et 400 millions le nombre de spectateurs entre 1800 et 1940. On recrute de véritables troupes d’acteurs pour animer ces shows à l’image du fameux Buffalo Bill’s Wild West. Les indiens d’Amériques sont les peuples les plus exhibés et contribuent à créer le mythe encore vivace du far west sauvage.

L’exhibition se professionnalise, des tournées s’organisent et des lieux sont conçus pour les accueillir, les plus célèbres étant l’Egyptian Hall de Londres et les Folies Bergères de Paris. Les affiches se multiplient, en grand format, pleine de couleurs pour attirer le passant. L’exposition en présente de nombreuses : la charmeuse de serpent, la danseuse du ventre etc.
L’exhibé n’est plus passif, il est acteur de son spectacle et devient célèbre, citons Miss Lala, acrobate antillaise peinte par Degas ou bien entendu la fameuse Joséphine Baker.

Acte IV Mises en scène raciales et coloniales. Exposer, mesurer, scénariser.

3 espaces spécifiques servent  à ces mises en scène : les jardins d’acclimations, les villages exotiques itinérants et les expositions universelles et coloniales.
Les foules s’y pressent et repartent avec leur petit souvenir à l’image de toutes ces cartes postales dans les vitrines.
Vers les années 1930, le succès commence à faiblir. Les visiteurs se désintéressent, ils préfèrent désormais se tourner vers de nouveaux loisirs tel le cinéma.

L’épilogue de cette exposition est une œuvre de l’artiste vidéaste Vincent Elka, «  Qui est votre sauvage ? » une boite de 20m² où apparaissent les stigmatisés d’aujourd’hui, qui racontent leurs quotidiens et les regards des autres. Cette oeuvre fait basculer le sujet de l’expo dans notre monde actuel et rappelle qu’on n’est pas juste dans une histoire appartenant au passé.

On sort forcément bousculé de cette exposition, on est à la fois plein de tristesse pour ces personnes exhibées et plein de questions. Des questions sur ce monde, sur l’humanité dans son ensemble mais aussi sur nous-même. Qu’aurions-nous fait à la place de ces gens du XIXème siècle qui se pressaient devant ces grilles pour voir d’autres humains comme ils n’en avaient jamais vu ? On ne peut pas le savoir, mais ça nous renvoie aussi à notre société contemporaine, tellement basée sur l’image et le paraitre, où quelques kilos en trop font oublier des talents plus importants. Quels regards avons-nous vraiment sur tout ce qui nous entoure ?

Bref, allez-y ! C’est la meilleure façon de se rendre compte par soi-même de toute la portée de cette exposition qui encore une fois est certes angoissante, bouleversante mais essentielle car ne portant pas de jugements, exposant juste des faits qui appartiennent à notre histoire commune.

Liens :

http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/a-l-affiche/exhibitions.html

Échantillon d’expos pour 2012

Voilà 2012 est déjà bien commencée et avec la nouvelle année, plein de nouvelles expositions !
Vu la dose de prévue, je ne fais pas vous faire toute la liste. Je vais juste vous faire ma petite sélection, pour les 6 prochains mois pour la région parisienne et cela sera déjà pas mal du tout ! Surtout qu’étant qu’une petite humaine, salariée, je n’aurai pas le temps de tout faire (ça me rappelle une chanson ça!).

1 ) Pour commencer, les expos toujours en cours (mais que je n’ai pas vu), dans l’ordre chronologique de fin, pour savoir si on est très pressé ou juste un peu :

L’hôtel particulier une ambition parisienne. Cité de l’architecture. Paris. Jusqu’au 19 février.

Si j’arrive à prendre une journée où le musée est ouvert, ça peut être intéressant, d’autant plus que le commissaire est Alexandre Gady, l’un des grands spécialistes du Patrimoine de Paris et accessoirement l’un de mes anciens profs les plus passionnants de la Sorbonne.
http://www.citechaillot.fr/exposition/temporary_exhibitions.php?id=180

Le Siam à Fontainebleau. 150e anniversaire de l’ambassade du roi de Siam reçue par Napoléon III dans la salle de Bal du château de Fontainebleau. Fontainebleau. Jusqu’au 27 février.

http://www.chateau-de-fontainebleau.com/Expositions

Le peuple de Paris au XIXème siècle, des guinguettes aux barricades. Musée Carnavalet, jusqu’au 26 février.

http://carnavalet.paris.fr/fr/expositions/le-peuple-de-paris-au-xixe-siecle

Moi, Sarah Bernhardt. Maxim’s, musée Art Nouveau. Jusqu’au 15 mars

Retour sur l’une des légendes du théâtre, personnalité hors du commun et femme d’exception, à travers des objets lui ayant appartenu, le tout, dans un décor somptueux, chez Pierre Cardin.
J’aimerai bien la faire, mais vu les horaires, le prix et les conditions d’accès, piuf, ça va être compliqué.
http://www.maxims-musee-artnouveau.com/caricature.php

Fantin-Latour, Manet, Baudelaire : L’hommage à Delacroix. Musée Delacroix. Paris. Jusqu’au 19 mars.

L’occasion de mettre enfin les pieds dans ce musée…
http://www.musee-delacroix.fr/fr/les-activites/expositions/nouvelle-exposition-temporaire-fantin-latour-manet-baudelaire-l-hommage-a-delacroix

L’âge d’or hollandais – la collection kremer. Pinacothèque. Paris. Jusqu’au 25 mars 2012.

http://www.pinacotheque.com/fr/accueil/expositions/aujourd-hui/l-age-d-or-hollandais-la-collection-kremer.html?no_cache=1

Sorcières, mythes et réalités. Musée de la Poste, Paris. Jusqu’au 31 mars.

Je dois admettre que le titre m’intrigue. « L’exposition Sorcières, Mythes et réalités aborde la sorcellerie du Moyen-âge à nos jours, suivant des approches artistique, historique et ethnographique. »
http://www.laposte.fr/legroupe/Actualites/Sorcieres-Mythes-et-realites

Rodin, la saisie du modèle. Musée Rodin Paris. Jusqu’au 01 avril.

300 dessins de la dernière période de la vie du grand sculpteur sont présentés, l’occasion de découvrir une autre facette de l’artiste.
http://www.musee-rodin.fr/fr/exposition/la-saisie-du-modele

Exhibition. L’invention du sauvage. Musée du quai Branly. Paris. Jusqu’au 03 juin.

http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/a-l-affiche/exhibitions.html

Présentation du legs Isabella Pakszwer-De Chirico. 61 œuvres de Giorgio de Chirico. Musée d’art moderne de la ville de Paris. Jusqu’en juillet.

http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/presentation-du-legs-isabella-pakszwer-de-chirico

Gaulois, une exposition renversante. Cité des sciences. Paris, jusqu’au 2 septembre.

Celle-ci elle a l’air super chouette, l’occasion de (re)découvrir « nos ancêtres les gaulois » comme disait nos anciens professeurs et revenir sur tout plein d’idées reçues.
http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/expositions/gaulois/

Les histoires de Babar. Musée des arts décoratifs. Paris. Jusqu’au 2 septembre.

Alors celle-ci, obligé je la fais, retour en enfance, au pays de « bababar, mon copain Baba ».
http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/accueil-292/une-486/francais/arts-decoratifs/expositions-23/actuellement/dans-la-galerie-des-jouets/les-histoires-de-babar/

Il reste bien d’autres expositions encore, Phoebus à Cluny, Pompéi à Maillol ou Alexandre au Louvre…

2 ) Celles à venir, classée de manière anarchique :

Les masques de jade mayas. Pinacothèque. Paris. 26 janvier au 10 octobre.

Après l’or des incas, le jade des mayas! Après avoir été annulée l’année dernière suite aux problèmes politiques entre la France et le Mexique, l’exposition est finalement présentée cette année.
http://www.pinacotheque.com/fr/accueil/expositions/bientot/les-masques-de-jade-mayas.html?no_cache=1

Le crépuscule des pharaons. Chefs-d’œuvre des dernières dynasties égyptiennes. Musée Jacquemard André. Du 23 mars au 23 juillet.

« L’art du dernier millénaire de l’histoire pharaonique (1070-30 avant notre ère) investit le Musée Jacquemart-André. Pour la première fois, une exposition dévoile les trésors de ces dernières dynasties au cours desquelles, au rythme des crises et des invasions, »

Ouh que ça sent l’affluence un titre pareil. Je sens que ça va être drôle, surtout vu la configuration des salles d’expo de J-M.
http://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/evenements/crepuscule-pharaons

Les guerres de Napoléon. Louis-François Lejeune, général et peintre (1755-1848). Château de Versailles. 14 février au 13 mai.

http://www.chateauversailles.fr/les-actualites-du-domaine/evenements/evenements/expositions/expositions-a-venir

Louis II de Bavière. Château de Compiègne. 13 avril au 23 juillet.

http://www.musee-chateau-compiegne.fr/homes/home_id24350_u1l2.htm

Cima – Maître de la Renaissance vénitienne. Musée du Luxembourg, Paris. Du 05 avril au 15 juillet.

« Aux côtés de Giovanni Bellini et de Vittore Carpaccio, Giovanni Battista Cima da Conegliano (1459-1517) compte parmi les grands peintres qui travaillent à Venise à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, à l’époque où la ville devient un des pôles les plus brillants de la Renaissance italienne. » http://www.museeduluxembourg.fr/fr/expositions/p_exposition-10/

New Frontier : l’art américain entre au Louvre. Thomas Cole et la naissance de la peinture de paysage en Amérique. Musée du Louvre. 14 Janvier 2012 au 16 Avril 2012

http://www.louvre.fr/expositions/new-frontier-lart-americain-entre-au-louvrebr-thomas-cole-et-la-naissance-de-la-peinture

Les belles heures du duc de Berry. Louvre, salle de la Chapelle. 4 avril au 25 juin.

http://www.louvre.fr/expositions/les-belles-heures-du-duc-de-berry

L’ultime chef-d’œuvre de Léonard de Vinci, la Sainte Anne. Louvre. 29 mars au 25 juin.

« Chef-d’œuvre de Léonard de Vinci restauré avec le concours du Centre de recherche et de restauration des musées de France, la Vierge à l’Enfant avec sainte Anne est au cœur d’une exposition exceptionnelle rassemblant pour la première fois l’ensemble des documents liés à ce panneau. »
http://www.louvre.fr/expositions/lultime-chef-doeuvre-de-leonard-de-vinci-la-isainte-annei

Arles. Les fouilles du Rhône. Un fleuve pour mémoire. Louvre.  9 mars au 25 juin.

« En partenariat avec le musée départemental Arles antique, le musée du Louvre présente dans le cadre d’une grande exposition les pièces les plus emblématiques issues du travail minutieux et complexe qu’a représenté la fouille du Rhône, fleuve à la fois sauvage et chargé d’histoire. »

Hiiiii, j’ai hâte, moi qui avais hésité à me payer le billet de train, Arles vient à moi ! J’aime !
http://www.louvre.fr/expositions/arles-les-fouilles-du-rhonebr-un-fleuve-pour-memoire

ARTEMISIA. Pouvoir, gloire et passions d’une femme peintre (1593-1654). Musée Maillol – Fondation Dina Vierny. Paris. 14 mars au 15 juillet.

« Elle est née « Artemisia Gentileschi », fille d’Orazio Gentileschi, l’un des plus grands peintres de la Rome Baroque.
À l’aube du XVIIe siècle en Italie, quand les femmes étaient mineures à vie, quand elles appartenaient à leur père, à leur mari, à leurs frères ou à leurs fils, Artemisia Gentileschi a brisé toutes les lois de la société en n’appartenant qu’à son art. ».

Tim Burton. Cinémathèque française, Paris. 07 mars au 05 aout.

« Dessins, sculptures (dont plusieurs créations inédites de Tim Burton pour l’exposition), des Polaroïds grand format réalisés par l’artiste, accessoires, maquettes, costumes et extraits de films (longs et courts-métrages inédits). »
http://www.cinematheque.fr/fr/expositions-cinema/printemps-2012-tim-burto/

Eugène Atget. Paris. Musée Carnavalet. Paris. Du 18 avril au 29 juillet.

« Découvrez l’œuvre parisienne de l’un des plus célèbres photographes du XXe siècle, Eugène Atget (Libourne, 1857 – Paris, 1927)! Cette exposition, qui réunit des images très connues et d’autres demeurées inédites, dresse un portrait atypique de la capitale, loin des clichés de la Belle époque. »
http://carnavalet.paris.fr/fr/expositions/eugene-atget-paris

La France en relief. Chefs d’œuvres des collections de Louis XIV à Napoléon III. Grand Palais. 18 janvier au 17 février.

« Sous la nef du Grand Palais, la France s’expose en relief.
Autour d’une carte de France de 650 m², seize plans-reliefs conçus du XVIIe au XIXe siècle investissent le prestigieux monument des Champs-Élysées. Des dispositifs interactifs et multimédias alliés à une scénographie originale permettront d’explorer en détail ces maquettes extraordinaires. »
http://www.rmn.fr/francais/les-musees-et-leurs-expositions/grand-palais-nef-522/expositions-523/la-france-en-relief

Helmut Newton. Grand Palais, Paris. 24 mars au 16 juin.

Première rétrospective de ce grand photographe organisée en France, autour de plus de 200 images.
http://www.rmn.fr/francais/les-musees-et-leurs-expositions/grand-palais-galerie-sud-est-554/expositions-555/helmut-newton

La Beauté animale. Grand Palais, Paris. 21 mars au 16 juillet.

« A travers les siècles les plus grands artistes se sont attachés à représenter l’animal, poursuivant une tradition qui n’a cessé de produire des chefs-d’œuvre. L’exposition réunit environ cent trente œuvres de l’art occidental, de la Renaissance à nos jours, de Dürer à Jeff Koons en passant par Rembrandt, Goya, Géricault, Degas, Bonnard, Giacometti ou César »
http://www.rmn.fr/francais/les-musees-et-leurs-expositions/grand-palais-galeries-nationales-9/expositions/beaute-animale

Matisse, paires et séries. Centre Pompidou, Paris. 07 mars au 18 juin.

Certainement la grande exposition monographique de l’année, autour d’un artiste haut en couleurs.
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-matisse/ENS-matisse.htm

Degas et le nu. Musée d’Orsay, Paris. 08 mars au 01 juillet.

Après Manet et Gérôme, voici la nouvelle exposition monographique du musée d’Orsay autour d’un des grands peintres du XIXème. Après l’exposition de Roubaix, Degas Sculpteur et la grande exposition du Japon en 2010, c’est  la première grande exposition parisienne depuis 1988, sur ce peintre. C’est l’occasion de redécouvrir Degas, autour d’un axe particulier, le nu.
http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=649&tx_ttnews%5Btt_news%5D=30632&no_cache=1

Debussy et les arts. Musée de l’orangerie. Paris. 21 février au 16 juin.

« L’exposition propose d’évoquer les rencontres majeures du musicien avec les artistes et poètes de son temps »
http://www.musee-orangerie.fr/homes/home_id25247_u1l2.htm

Bob Dylan, l’explosion rock (1961-1966). Cité de la musique, Paris. 06 mars au 01 juillet.

« Bob Dylan est assurément un des musiciens les plus emblématiques de la seconde moitié du XXe siècle. Dans son parcours d’une exceptionnelle longévité, les années de 1961 à 1966 furent décisives. L’exposition retrace les moments forts de cette période, qui vit Dylan modifier radicalement son approche artistique et susciter une véritable révolution musicale. »
http://www.citedelamusique.fr/francais/evenement.aspx?id=11990

Louis Vuitton-Marc Jacobs. Musée des Arts Décoratifs. Paris. 9mars au 16 septembre.

Voilà une exposition qui devrait satisfaire ces dames et tous ceux qui font la queue devant la boutique des Champs Elysées.

« Cette exposition présente l’histoire de deux personnalités, Louis Vuitton et Marc Jacobs (directeur artistique de la maison Louis Vuitton), et met en évidence leurs contributions à l’univers de la mode. »
http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/mode-et-textile/expositions-70/prochainement-446/louis-vuitton-marc-jacobs/

Patagonie. Images du bout du monde. Musée du quai Branly. Paris. 06 mars au 13 mai.

http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/prochainement/patagonie.html

Phares ! Musée national de la Marine, Paris. 7mars au 04 novembre.

Si vous avez d’autres idées n’hésitez pas à les soumettre en commentaire ou sur le facebook du site.

Et encore bonne année

La plupart des textes viennent directement des sites mentionnés

 Liens :
http://www.moreeuw.com/histoire-art/expositions-paris-2012.htm
http://www.lemondedesarts.com/Exposparisact.htm

SAMOURAÏ-Armure du guerrier

Musée du Quai Branly du 08/11/11 au 29/01/12.
Commissaire : Gabriel Barbier-Mueller.

Le musée du Quai Branly a pour devise « là où dialoguent les cultures » et c’est vrai que de passer de l’exposition sur les maoris (https://museis.wordpress.com/2011/11/20/les-maoris-debarquent-quai-branly-leurs-tresors-ont-une-ame/) à celle sur les samouraïs c’est un voyage culturel en soi à travers deux civilisations qui ont la fierté ancrée en elles.

Comme c’est une exposition très riche mais surtout parce que j’ai une amie spécialiste du sujet, je vais faire très simple, pour rendre la chose plus facile et ne pas risquer de me faire taper sur les doigts si je m’emmêle les pinceaux.

C’est la première fois qu’une exposition de ce genre est réalisée en France et peut-être même en Europe. Plus de 140 pièces sont présentées et témoignent de la richesse de  l’art de la guerre japonais à travers de magnifiques armures qui ont enflammé l’imagination de plus d’un homme auparavant. L’exposition devrait contribuer à encore plus ancrer dans le fantastique et l’incroyable cette image un peu fantasmagorique et rêvée que nous avons tendance à avoir sur ces civilisations lointaines.

Nimaitachido Tosei Gusoku. Photo Museis

Chaque objet vient de la collection Ann et Gabriel Barbier-Mueller. Issu de générations de collectionneurs de renom, Gabriel Barbier-Mueller, spécialiste des armures samouraï a eu son premier coup de foudre pour une armure à 14ans. Il lui a fallu un peu de temps pour concrétiser cette passion mais depuis, il a su constituer la  plus belle collection de ce type au monde pour laquelle il a fait bâtir à Dallas un musée, The Ann And Gabriel Barbier-Mueller Museum.

Gabriel Barbier-Mueller n’a pas fait que prêter ses œuvres, il a également réalisé cette exposition qui retrace l’évolution de l’armure japonaise entre les XIIème et XIXème siècles, leurs fonctions de protection, signalisation et d’effrayer ainsi que la richesse artistique et symbolique qu’elles possèdent.

L’histoire du Japon est assez complexe, comme toute histoire direz-vous. Voici donc un petit aperçu de la chronologie des périodes traitées.  Je reprends ici, la chronologie de l’exposition qui n’est pas tout à fait la même que celle donnée par Wikipédia par exemple:

Kamakura : 1185-1333. Les Shoguns (commandants militaires) prennent le pas sur l’Empereur dans la gestion du pays. Le pouvoir se déplace à Kamakura après la guerre de Gempei qui oppose deux familles nobles, Minamoto et Taira et qui voit la victoire du shogun Minamoto no Yoritomo. C’est à cette époque que les samouraïs acquièrent leur statut et le prestige.

Nanboku-Chô : 1333-1392. Période de guerre civile entre deux empereurs : celui du Nord basé à Kyoto et celui du Sud à Yoshino, remportée par le Nord en 1392.

Muromachi : 1392-1573. Les shoguns de la famille Ashikaga gouvernent durant cette période et installent le shogunat (ou bakufu) à Kyoto. Leur autorité s’affaiblit sur les seigneurs de la guerre régionaux, les daimyos et ces derniers prennent de plus en plus de pouvoir jusqu’à ce que le daimyo Nobunaga Oda chasse le dernier shogun Ashikaga. C’est également durant la période Muromachi que les premiers européens arrivent. Par hasard, suite à une tempête en 1541 puis avec Fernando Mendez Pinto à partir de 1543. Personnellement je n’avais jamais pensé que cela pouvait être si tard, ça m’a fait tout drôle comme découverte.

Azuchi Momoyama : 1573-1603.  Période d’unification sous l’impulsion de Nobunaga Oda, Toyotomi Hideyoshi qui a notamment expulsé les chrétiens en 1590 et  Ieyasu Tokugawa qui prend le contrôle du pays unifié après quelques batailles bien entendu et donne le pouvoir au shogun Tokugawa Ieyasu.

Tokugawa-Edo : 1603-1868. Période dominée par le shogunat Tokugawa. Edo est le nom de la nouvelle capitale, l’actuelle Tokyo. Le Japon se ferme sur lui-même et c’est une période de paix qui commence. La majeure partie de la collection date de cette époque. Le samouraï n’est plus un guerrier très actif et son armure devient très raffinée, d’une forme d’art très élevée pour les cérémonies de représentation.
Cette période s’achève avec le coup d’Etat de 1868, qui voit la restauration de l’empereur Meiji qui redevient le dirigeant du pays. L’ère Meiji commence avec l’abolition de la société de classes, l’interdiction du port du sabre et la création d’une armée de conscription moderne. Tout cela signifiant la fin des samouraïs.

Maedate (ornement frontal), milieu Epoque Edo, XVIII°. Animal mythique entre le poisson et l'oiseau, en laque sèche

Mais qui sont ces samouraïs qui nous fascinent tant ?

Le mot viendrait du verbe « sauburau » qui signifie « escorter une personne de plus haut rang que soi et l’accompagner dans ses déplacements ». Le samouraï est donc un serviteur avant tout, un gardien.

Il ne faut pas croire que tous les guerriers soient des samouraïs, avant 1603 on parle de Bushi qui littéralement signifie « guerrier gentilhomme». Le samouraï est un bushi serviteur grosso-modo.

C’est surtout à partir du XVIIème que samouraï devient un statut à part entière avec ses codes et ses règles, avec la réorganisation de la société en quatre : les guerriers, les paysans, les artisans et les marchands. Les samouraïs sont des gestionnaires, et des intendants, ils se doivent donc de savoir lire et écrire.

Ainsi le samouraï doit obéir au bushido (« voie du guerrier). Le bushido c’est un peu compliqué à résumer, car ce qu’il englobe a subi quelques évolutions et regroupe plusieurs influences telles le shintoïsme, l’hindouïsme et le confucianisme. C’est un code d’honneur, un ensemble de valeurs que doit respecter le samouraï tout au long de sa vie : droiture, bienveillance, honneur, force, sincérité, sagesse et courtoisie.

armure d'enfant. Warabe Tosei Gusoku

Dès son plus jeune âge, le samouraï est bercé par ces principes. Justement une partie de l’exposition mentionne la famille du samouraï ce qui est très intéressant parce qu’on rentre dans leur intimité, éloignée de l’aspect guerrier solitaire. On découvre l’armure d’un jeune samouraï et son éducation. Le fils reçoit son premier sabre et parfois son armure vers 12/13ans lors de la cérémonie du genpuku qui marque l’entrée dans la vie adulte. Les femmes ne sont pas en reste. Elles ne sont pas de frêles beautés enfermées dans une maison pendant que le mari s’en va en guerre.  Elles sont éduquées et fortes. Elles se doivent de pouvoir protéger leurs foyers et de fait savent souvent manier l’arc ou le naginata (lance à larme courbe).

L’armure du guerrier (gusoku ou yoroi pour les plus anciennes), thème de l’exposition, est un objet complexe composé de très nombreuses pièces qui peuvent être de bois, de cuir, de métal,laquées le plus souvent. Même si l’ensemble est impressionnant à regarder, il ne faut pas oublier qu’elles doivent aussi être pratique à porter et ne pèse « que » 20kg en général.

L’exposition débute par l’ensemble Mori de 18 pièces.  La famille Mori est une famille puissante de daimyos remontant au XIIème siècle. Cet ensemble est sans équivalent dans le monde, car il est rare de retrouver toutes les parties d’un tout. On aperçoit notamment son kirimon (son emblème), la feuille de paulownia. C’est le seul ensemble conservé hors du Japon.

Okegawado tosei gusoku. Fin période Momoyama-début Edo : fin XVIème.

L’armure a bien sûre évoluée dans le temps, ce que montre l’exposition. L’un des plus grands changements c’est l’impact nanban. Le nanban, c’est « l’étranger venu du sud ». Quand les européens arrivent au XVIème siècle avec leurs armes à feu, ils vont pousser à une évolution de l’armure et de l’armement. Par exemple les casques (kabuto) ressemblent parfois aux casques des espagnols de la même époque (le style conquistador) et surtout la cuirasse devant est faite en métal pour résister aux armes. L’une de celles exposées montre différents impact d’ailleurs. Ils inventent également leur propre fusil à mèches, le teppo.

L’armure est composée, je vous l’ai dit est composée de plusieurs parties, les plus importantes étant le kabuto (casque), le mengu (masque), les sode (épaules), le (cuirasse), kote (brassard), kusazuri (jupe), haidate (sous-jupe), suneate (jambières).

Le Kabuto est certainement la partie la plus intéressante. Elle revêt des formes multiples, notamment avec les kawari kabuto(étranges casques) qui ont parfois des formes de cornes de rhinocéros, de bambou ou de coquillage). Ils ont une importance symbolique en dehors de la visibilité qu’ils apportent sur les champs de bataille. Ils sont de petits manifestes de la culture japonaise, de sa mythologie, son folklore, sa philosophie ou de son histoire.

sujibachi kabuto (casque à lamelles). Fin Muromachi-début Edo. Fin XVI-début XVII
Oboshi sujibachi kabuto (casque à lamelles à larges rivets). Milieu époque Edo, v.1730

Les armures les plus anciennes de l’exposition datent des périodes Kamakura, Namboku-Chô, Muramachi et Momoyama (1185-1603), la plupart datent de la période Tokugawa-Edo, là où les samouraïs sont essentiellement dans la représentation et où les armures de fait revêtent un raffinement sans égal.

Bagai (armure de cheval), bamen (chanfrein) et bagu (harnachement) : 1ere moitié Edo XVII-XVIII

A la même époque, les armures de chevaux deviennent luxueuses et très sophistiquées pour les parades. D’ailleurs 3 montures sont reconstituées et pour une fois, les faux chevaux ne font pas peur, et rien que pour ça, cette expo est réussie.

Enfin un petit mot sur les armes, parce que je viens de me rendre compte, que pour un petit article, il commence à être long :

Elles sont nombreuses donc je vais n’en citer que quelque unes : pour le bushido, le katana est l’âme du guerrier. Le waikizachi, un petit sabre, est lui sa lame d’honneur. Ensemble il forme le daisho (« grand et petit »). D’ailleurs l’interdiction de porter le sabre en 1876 annonce la mort du samouraï

L’arc est également très important, le yumi est un très grand arc qu’on utilise souvent à cheval (yabusame). Pour les combats rapprochés, celui-ci est complété par une lance, le yari.

Voilà donc une petite excursion dans le Japon guerrier mais raffiné à travers une exposition bien fichue et plutôt claire. Même si y aller avec une spécialiste du Japon c’est un bonus supplémentaire pour tout comprendre, je pense que même sans, on arrive à saisir deux trois trucs. Et dans le cas contraire, le plaisir des yeux est largement satisfait. C’est une exposition qui doit plaire aux enfants, d’autant plus que le musée du quai Branly a eu l’intelligence de faire un petit fasicule exprès qui se lit à l’envers s’il vous plait, comme les vrais japonais, avec des jeux et un test pour savoir quel samouraï on est. Moi je suis Ôshio Heihachirô (si il le dise…). Un yoshiri (samouraï à cheval) , sensible aux besoins de ceux qui l’entouraient et qui a consacré sa vie au respect du bushido. Une espèce de Robin des Bois apparemment, ça me va ! Sinon pour les plus grands, Paris Match a fait un « guide du visiteur » distribué à l’entrée également, un joli fascicule, plein d’explications supplémentaires.

Conclusion triple A pour les deux visites du Quai Branly, même si les deux ont été organisées par des intervenants extérieurs…

Liens :

http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/a-l-affiche/samourai.html
http://www.tdg.ch/actu/culture/collectionneur-genevois-expose-armures-samourai-paris-2011-11-19 (Interview de Gabriel Barbier-Muller)
http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/11/16/samourai-la-guerre-au-rang-des-beaux-arts_1604506_3246.html
http://samurais.fr/S_Yoroi1.html

Les maoris débarquent quai Branly: leurs trésors ont une âme.

Bienvenue en Nouvelle-Zélande, Aotearoa en langue maori. C’est une véritable exposition ethnologique que propose le musée du Quai Branly, un voyage au cœur d’une civilisation toujours existante (ça me change un peu en tant qu’historienne qui ne travaille que sur des morts) et une civilisation d’une grande force surtout qui est bien loin de se résumer au haka que chacun connait ou au moko (le tatouage).

Ce sont d’ailleurs les maoris eux-mêmes qui ont choisi les objets et organisé l’exposition à travers 250 objets très divers venus du musée Te Papa Tongarewa, « lieu des trésors de cette terre », musée nationale de Nouvelle-Zélande. Au début du parcours vous êtes invités à vous ancrer spirituellement à cette culture en touchant une pierre verte. Ce n’est pas qu’une exposition d’objets, mais aussi de valeurs qui vous attend.

Hei Tiki (pendentif anthropomorphe) 1500-1800©museis

Les « taonga » sont des trésors ancestraux qui racontent le patrimoine culturel de générations successives et qui sont mis en relation avec des œuvres contemporaines ce qui permet d’appréhender cette culture dans toute sa vivacité et sa complexité. Je m’excuse à l’avance auprès des maoris si j’égratigne leurs expressions car ce sont des mots magnifiques à prononcer et qui vous font littéralement voyager. Ces dernières sont de véritables concepts, plus que de simples mots et elles jalonnent le parcours de l’expo.

Sans pour autant suivre à la lettre le parcours de la visite, je vais essayer de vous parler de ces différents principes.

L’un de ces grands concepts c’est le « Tina rangatiratanga », « rangatira » signifie le chef, c’est le contrôle des maoris sur toute chose maorie. C’est pour cela que ce sont eux qui ont choisi quoi montrer dans cette exposition et c’est l’une des bases fondamentales de cette culture qui est affirmée et protégée par ce concept. Il est en quelque sort la colonne dorsale de l’expo.

L’histoire maorie est divisée en 4 périodes qui servent à dater les objets notamment :

– Ngā Kakano, la naissance,  900-1200.

– Te Tipunga, la croissance, 1200-1500. La production artistique devient plus originale.

– Te Puawaitanga, la période classique, 1500-1800.  Les formes deviennent très curvilignes.

– Te Hurgina, le tournant, 1800 à aujourd’hui. C’est le contact avec Pakeha, les européens  qui apporte le changement.

La découverte légendaire de la Nouvelle-Zélande est due à un certain Kupe, navigateur polynésien qui avait quitté son île natale et  mythique d’Hawaiki avec sa femme.  Après plusieurs jours en mer, il aurait trouvé ces terres.  Son épouse en apercevant les îles au-dessus d’un nuage aurait alors prononcé ces paroles qui vont donner son nom au pays (Aotearoa) : « “He ao, he aotea, he Aotearoa » (« c’est un nuage, un nuage blanc, un long nuage blanc »).

D’un point de vue historique, il est difficile de donner une datation précise en raison du peu de traces archéologiques et des récits oraux variant selon les « iwi » (tribu). Il semble que plusieurs vagues venues de l’Est de la Polynésie soient arrivées peut-être dès le VIIIème siècle. Mais les traces d’une réelle installation ne sont datées que du XIII-XIVeme, probablement autour de 1280.

Masque de Wiremu Te Manewha

Ils prennent peu à peu possession des différentes îles et y créent une société hiérarchisé.  Le « iwi », l’os, c’est la colonne dorsale de la société maorie qu’on peut traduire grosso-modo par la tribu. Le iwi se subdivise ensuite en Hapu qui est un clan regroupant plusieurs familles liées par le Whakapapa. Ce terme signifie la succession de plusieurs couches et représente notamment le concept de généalogie. La plus petite structure enfin de la société est le whanau, la famille. Cette organisation régie toujours la vie maorie et un membre d’une famille doit pouvoir réciter oralement sa généalogie.

Abdel Tasman dans Golden Bay, Isaac Gilsemans.

Les européens pour leur part arrivent au XVIIème. Abel Tasman qui travaille pour La Compagnie Hollandaise des Indes découvre les îles en 1642 et les nomme Statenland. Une partie de son équipage se fait tuer par les maoris ce qui vaut à l’actuelle Golden bay le nom de « baie des meurtriers » (Moordenaarsbaai). Il ne poursuit pourtant pas l’exploration et aucun autre européen ne revient avant James Cook en 1769 à bord de l’Endeavour. C’est le début de la colonisation qui dure jusqu’au XIX ème siècle.

En 1840, l’Empire Britannique proclame sa souveraineté sur ses terres, refoulant les prétentions française. Cette date est aussi celle du Traité de Waitanga, « Te Tinti o Waitangi » qui marque l’indépendance de la Nouvelle-Zélande comme nation mais qui surtout confère des droits aux maoris. Seulement celui-ci est vite bafoué, de fait les traductions en anglais et langue maori n’ont pas toujours le même sens. Les colons prennent de plus en plus les terres des maoris. Leur nombre  augmente significativement alors que celui des maoris diminue. Ce traité même s’il n’en reste qu’une infime partie reste pour ce peuple une référence et en 1975, le Treaty of Waitangi Act lui reconnait une valeur officielle.

Voici maintenant les principaux concepts autour desquels tournent l’exposition :

Whakapapa : La généalogie est très importante dans la conception qu’un individu a de lui-même et de son environnement. Car ce terme ne renvoie pas qu’aux interrelations entre êtres animés, il lie aussi les peuples aux régions et aux choses inanimés et s’exprime de différentes façons.

Tauihu d'un waka taua, © museis

– Les pirogues sur lesquelles sont arrivés les premiers maoris sont des « wakas ». La légende veut que 7 pirogues majeures abordent  Aotéaroa et que chacune est liée à un chef qui a guidé sa tribu. Ce qui fait qu’aujourd’hui,ces wakas sont inexorablement liée au principe du clan. Ainsi les proues (tauihu) étaient sculptées et gardées en héritage pour être transmises aux générations suivantes.

Whare Tupuna, appelée Tokopikauhakahau. Iwi Ngati Tukorehe. V.1872

– L’exposition présente aussi une Whare Tupuna, une maison des ancêtres qui est le lieu de réunion de la tribu. La conception et la décoration de la maison répond à des codes précis. Les supports représentent les côtes et la poutre centrale est la colonne vertébrale. A leurs bases se trouvent l’ancêtre tribal dont la représentation renvoie aux principes féminins (main sur le ventre en vertu du pouvoir de donner la vie et d’éduquer) et masculins (la procréation montrée par une main sur le sexe). Des sculptures (ou des photos) montrent les morts de la tribu.

Pou Tokomanawa. 1800-1900. Iwi Ngati Kahungunu. © museis

Enfin, le whakapapa s’exprime à travers le Ta moko, l’art du tatouage. Celui-ci se pratique essentiellement sur tout le visage, les femmes n’ont pour leur part que les lèvres soulignées et le menton tatoué. C’est une vraie pratique culturelle dans tout ce que cela implique,  qui plus est douloureuse (on entaille la peau pour y mettre l’encre, les guerriers ainsi tatoués ne mangeaient que liquide à cause du visage enflé). Chaque trait du dessin a une histoire et représente notamment la généalogie et le statut sociale de l’individu qui le porte.
Cette pratique s’est un peu estompée au XXème mais tend à revenir chez les jeunes générations soucieuses de ne pas oublier leurs racines. On peut voir des instruments anciens mais aussi des très modernes (qui ne m’ont pas tellement décidé à me faire tatouer).

Uhi Ta Moko. 1800-1900, bois, os, cuir acier, © museis

Mana : ce concept n’est pas propre aux maoris. On le retrouve chez plusieurs peuples polynésiens. Les anthropologues n’ont pas tous la même définition de ce principe pourtant essentiel, donc pour reprendre les termes de l’exposition, il s’agit de la force ou la qualité spirituelle qui réside en toute chose et qui lui confère son pouvoir, son autorité et du respect. On distingue notamment le pouvoir qui réside dans un individu, le mana tangata de celui de la terre, le mana whenua. Le moko est par exemple un signe extérieur du mana, tout comme le sont les expressions artistiques comme la musique, les taonga qui plus ils sont vieux plus sont investis de mana et bien entendu la langue (te reo maori, reconnu comme l’une des langues officielles du pays par le Maori Language Act de 1987).

Hunemoa Awatere portant un taiaha lors de la marche pour le littoral. Photo de Michael Hall

Kaitiakitanga. Dans notre société actuelle ou la nature n’est pas toujours respectée et est exploitée jusqu’à l’épuisement, ce concept a une résonnance toute particulière. Il s’agit du devoir de protection et de sauvegarde de l’environnement pour les générations suivantes. Les maoris considèrent que toutes choses, quelle qu’elle soit a été créée  par la Terre-Mère, Papatuanuku et qu’il est de leur devoir de la préserver et de lui rendre ce qui lui appartient, notamment en raison du principe du mauri, l’ interconnexion qui lie tout ce qui existe.

Rei Puta (dent de cétacé) 1500-1800

Par exemple, la pêche est une pratique culturelle avec ses rites et ses croyances. Les maoris observent une gestion des territoires et utilisent des objets soignés, souvent décorés en signe de respect.

Au-delà de ces concepts, l’exposition aborde en filagramme, le combat constant des maoris pour garder leur culture et être reconnus, mais aussi pour la sauvegarde de leur terre. Depuis le traité de Waitangi en 1840, jusqu’à la Marche pour la Terre de 1975 qui a réuni 300 000personnes et plus récemment la Marche pour le littoral de 2004.

Un point fort c’est ce drapeau qui représente leurs luttes, suspendu car il ne doit pas toucher la terre tant que les maoris n’auront pas récupéré totalement leurs terres à eux.

drapeau de revendications. © museis

PS: N’hésitez pas à suivre le site sur facebook et twitter, merci.

Liens :

http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/prochainement/maori/maori-parcours-de-lexposition.html
http://www.moreeuw.com/histoire-art/exposition-maori-quai-branly.htm
http://www.artscape.fr/maori-paris-musee-quai-branly/
http://www.lefigaro.fr/culture/2011/10/20/03004-20111020ARTFIG00812-les-maoris-sans-folklore.php
http://www.franceinter.fr/evenement-maori-leurs-tresors-ont-une-ame?page=3
http://massagema-uri.hautetfort.com/archive/2006/05/03/petit-lexique-de-langue-maori.html