Bouchardon, Une idée du beau au Louvre

Edme Bouchardon, L'Amour se taillant un arc dans la massue d'Hercule, 1750, marbre, Musée du Louvre, © RMN
Edme Bouchardon, L’Amour se taillant un arc dans la massue d’Hercule, 1750, marbre, Musée du Louvre, © RMN

Fidèle à sa politique mise en place à l’arrivée de Jean-Luc Martinez à sa tête, le musée du Louvre propose une exposition pointue en lien avec ses collections. Ainsi c’est le méconnu Edme Bouchardon, sculpteur baroque de génie et de grâce qui a le droit à sa première rétrospective.

Comme beaucoup d’artiste de son époque, Edme Bouchardon (1698-1762) appartient à une famille d’artistes. Prix de Rome en 1722, il reste 9 ans dans la Ville Eternelle où il se nourrit d’antiques et d’art baroque. Il présente même un projet pour la fontaine de Trévi et comme il aime bien les fontaines, il réalisera celle de la rue Grenelle (aujourd’hui à côté du musée Maillol) en 1745.
Célébré comme un artiste d’exception, il est nommé sculpteur du roi en 1732 et est reçu à l’Académie en 1744.

625891-500x335
Edme Bouchardon. L’Automne: Enfant couché sur le dos, les bras levés. Cambridge, The Horvitz collection © The Horvitz Collection, Boston

Le parcours de l’exposition retrace  les différents aspects de son œuvre. Son importante production de portraits pour commencer notamment ce fabuleux buste à l’antique de Charles-Frédéric de la Tour du Pin, marquis de Gouvernet, présenté au salon de 1738. Son expression est si…vrai et son regard si doux. C’est fascinant à regarder, cette manière dont le marbre si froid semble prendre vie en figeant une expression. C’est Bouchardon qui ramène à Paris cette mode du portrait antique qui annonce le néo-classicisme à venir.

Il y a aussi les copies romaines comme le fameux Faune endormi, les nombreuses médailles qu’il exécute en tant que dessinateur de l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, les illustrations de livre, assez inattendue mais qui révèlent un travail de graveur notamment l’Histoire naturelle de Buffon ou des partitions de Geminiani.

76558-333x500L’une des particularités de cette exposition c’est de présenter aussi bien le sculpteur que le formidable dessinateur qu’était Bouchardon. J’adore regarder des vieux dessins et il faut dire qu’il avait un sacré coup de crayons.  On découvre tout le travail préparatoire dessiné avant d’arriver à la version en 3D.  Un autoportrait songeur, des académies très sensuelle et des petits chérubins trop mimis font parties en autres des dessins que vous verrez.
L’un des aspects les plus originaux de  son art est la série des soixante Études prises dans le bas Peuple ou les Cris de Paris, sans doute dessinée par Bouchardon en 1737 et publiée sous forme d’estampes gravées par le comte de Caylus et Etienne Fessard. On y découvre pleins de petits métiers, comme si nous étions plongés dans les rues parisiennes du XVIIIème siècle Chaque personnage est traité avec une authenticité toute naturaliste. On rencontre le Chaudronnier auvergnat, le décrotteur, l’écosseuse de pois, le vinaigrier et j’en passe.

gri_2015_pr_2_b01_015Puis il y a les chefs d’œuvre comme le monument équestre de Louis XV disparu à la Révolution et ce plus délicat Amour se faisant un arc de la massue d’hercule où le travail sur les plumes et la tête de lion est particulièrement poussé.

Alors certes, ce n’est pas une exposition grand public dans le sens où nous sommes loin des sujets attractifs et vendeurs mais c’est aussi cela le rôle d’un grand musée, faire redecouvrir des grands artistes  un peu tomber dans l’ombre et en ce sens c’est réussi.

 

Commissaire(s) :

Guilhem Scherf, Juliette Trey, musée du Louvre, Anne-Lise Desmas, Getty Museum, Los Angeles, et Édouard Kopp, Fogg Museum, Harvard.

 

Musée du Louvre
Du 14 septembre au 5 décembre 2016

 

Une (très) brève histoire de l’avenir au Louvre. L’exposition qui invite à la réflexion…

La semaine dernière je suis allée voir la dernière exposition du Louvre dont le titre « Une brève histoire de l’avenir » et l’affiche m’attiraient et m’intriguaient. Inspirée du livre éponyme de Jacques Attali sorti en 2005 chez Fayard, cette expo est un dialogue entre art ancien et contemporain à travers différentes thématiques : l’ordonnancement du monde, les grands empires, l’élargissement du monde et le monde d’aujourd’hui.

C’est un peu un aperçu d’une certaine histoire de l’Humanité vu par un prisme artistique très large allant de l’art très ancien, à des objets archéologiques et  des installations contemporaines.

Tomás Saraceno (né en 1973), Vue de l’exposition « Hybrid Solitary... Semi- Social Quintet... On Cosmic Webs... » à Tanya Bonakdar Gallery et à la Biennale d’architecture de Chicago, avec les oeuvres Hybrid semi-social solitary musical instrument Arp87: built by a couple of Cyrtophora citricola-one month, one Agelena labyrintica-two months, one Cyrtophora moluccensis-two weeks, and one Tegenria domestica-four months (turned 4 times 180 degrees on Zaxis). 2015. Soie d’araignée, fibre de carbone, éclairage, trépied. Atelier de l’artiste© Tomás Saraceno
Tomás Saraceno (né en 1973), Vue de l’exposition « Hybrid Solitary… Semi-
Social Quintet… On Cosmic Webs… » à Tanya Bonakdar Gallery et à la
Biennale d’architecture de Chicago, avec les oeuvres Hybrid semi-social solitary
musical instrument Arp87: built by a couple of Cyrtophora citricola-one month, one
Agelena labyrintica-two months, one Cyrtophora moluccensis-two weeks, and one
Tegenria domestica-four months (turned 4 times 180 degrees on Zaxis). 2015. Soie
d’araignée, fibre de carbone, éclairage, trépied. Atelier de l’artiste© Tomás Saraceno

En fait c’est un peu difficile à expliquer, au début je lisais consciencieusement les panneaux explicatifs mais je me suis rendue assez rapidement compte que le meilleur moyen d’essayer d’apprécier le message c’était de se laisser porter par les œuvres. Alors certes on risque ainsi de louper une partie du message, mais ce dernier était à mon goût trop philosophique pour me garder attentive de long en large.

Le fond repose sur un questionnement par rapport à notre regard actuel sur comment s’est façonnée l’Humanité aux grés d’inventions (l’écriture), de changements de société (les premières grandes villes), d’échanges commerciaux et culturels, de guerres, de découvertes, d’élargissement du monde connu, de révolutions humaines et industrielles etc etc. Et cette réflexion doit nous mener à nous interroger sur notre avenir.

Le dossier de presse est très bien fichu et j’aurai peut-être dû le lire avant d’y aller, car je dois avouer que je me suis sentie un peu démunie devant certaines œuvres, surtout contemporaines. Après il faut dire que j’ai souvent du mal avec le fait de faire se parler des formes d’art de différentes époques, c’est toujours très subjectif. On adhère ou on est perdu. Et quand c’est pour résumer des dizaines de milliers d’années d’histoire…ce n’est pas évident de suivre le fil.

Mais ça reste une exposition très intelligente, pas seulement une succession de peinture présentées pour attirer des visiteurs et faire marcher la billetterie et en cela on ne peut que féliciter le musée du Louvre qui se place dans une ligne scientifique très pointue  appréciable pour le plus grand musée du monde. Il ne se contente pas de faire venir des millions de touristes, il leurs parle et fait appel à leurs intelligences et pas seulement à leur propension à tout prendre en photo.

Composition1Pour ma part, j’adoré la série de peintures de Thomas Cole, The course of Empire, présentée pour la première fois en France. Ces 5 peintures racontent le schéma classique de la naissance d’un Empire, son ascension, son apogée et sa chute. Ces toiles peintes entre 1833 et 1836 sont très belles mais invitent aussi à une réflexion sur l’Histoire de l’homme et des civilisations qui s’achèvent toutes à un moment ou à un autre ; la conquête du paysage et comment finalement la nature reprend ses droits à la fin. Magnifique !
Autre jolie découverte, le panorama de Zuber, les Zones terrestres, très coloré, et dans le contemporain j’ai bien aimé les toiles d’araignée de Tomás Saraceno qui expose ainsi des toiles tissées par des araignées de différentes régions du monde, filées successivement les unes sur les autres ou les compositions fleurales de Camille Henrot qui traduit dans le langage poétique ou scientifique des fleurs des ouvrages littéraires qu’elle a particulièrement aimé.

En bref, une impression de joyeux bric à brac mais non dénué d’intérêt.

Du 24 Septembre 2015 au 4 Janvier 2016

Commissaire(s) :

Dominique de Font-Réaulx, musée du Louvre, Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo, avec la collaboration de Sandra Adam-Couralet, critique d’art, et de Martin Kiefer, musée du Louvre.

Conseiller scientifique :
Jacques Attali

Le Louvre ouvre de nouvelles salles : les arts décoratifs de Louis XIV à Louis XVI

Dans cet article il ne sera pas question d’exposition temporaire mais de redécouverte d’une collection permanente. Ceux qui me suivent sur Facebook et Twitter auront peut-être deviné que je vous emmène au Louvre pour l’ouverture des nouvelles salles du Département des Objets d’Art. Consacrées aux arts décoratifs de Louis XIV jusqu’à la Révolution, ces salles sont un voyage temporel réussi et magnifique. Une nouvelle pépite pour le plus beau musée du monde d’autant plus que cette collection dont l’origine remonte à Louis XVI pour son projet de musée non abouti est l’une des plus belles du monde avec la particularité d’être en grande partie constituée d’objets à provenance royale et princière.

WP_20140623_16_30_16_Pro2183m², 33 salles, plus de 2000 objets. Ces chiffres donnent le tournis tout comme les 26millions d’euros qui ont été nécessaires pour y parvenir, et ce projet aussi pharaonique soit-il n’a été financé que par le mécénat. Ils seraient trop long de citer ces nombreux donateurs mais citons quand même les deux principaux à savoir les Montres Breguet et le cercle Cressent du Louvre présidé par Maryvonne Pinault.

Le parcours se veut chronologique, ce qui pour ce type d’œuvres est plus cohérent pour bien comprendre l’évolution des styles. Ainsi trois axes se dégagent :

–          1660 – 1725 : le règne de Louis XIV et la Régence
–          1725- 1755 : le style Rocaille (ou rococo pour les étrangers)
–          1755- 1790 : le retour du classicisme et le règne de Louis XVI

Salle dite de l'hôtel Le Bas de Montargis © 2014 Musée du Louvre, dist.RMN - GP / Olivier Ouadah
Salle dite de l’hôtel Le Bas de Montargis © 2014 Musée du Louvre, dist.RMN – GP / Olivier Ouadah
salle du conseil d'état
salle du conseil d’état

La muséographie s’oriente sur deux points principaux, d’un côté des vitrines thématiques (vaisselles, faïence, instruments scientifiques etc.),  de l’autre, ce qui est plus rare en France, la création de 14 period rooms. Ces dernières sont très présentes dans les musées anglo-saxons, il s’agit de reconstitutions muséales de pièces qui servent à évoquer une période et un style. Ces dernières, très jolies, nous font pénétrer dans le passé et nous présentent à chaque fois des pièces exceptionnelles. On pénètre ainsi dans  le palais Bourbon de Louis-Joseph de Bourbon avec sa belle coupole d’A-F Callet de 1774 ; dans  l’hôtel Le Bas de Montargis qui appartenait au gendre de Jules Hardouin-Mansart avec ses boiseries et sa pendule ; dans le grand salon du château de Voré de Louis Fagon, intendant des Finances et  fils du premier médecin de Louis XIV qui possède l’un des rares exemples conservés de décor d’arabesque exécuté par J-B Oudry sur le thème des plaisirs champêtres…Tout est si délicat et somptueux à la fois.
Personnellement je vois dans ces salles une manière de rappeler qu’avant d’être un musée, le lieu a été une demeure royale de premier ordre, où la décoration était soignée, ce que beaucoup oublie. Combien sont ceux en effet qui lèvent les yeux sur les plafonds peints ou sur les boiseries de la chambre d’Henri II ?

Décor d’arabesques du salon du château de Voré : Les Divertissements champêtres, La Danse, 1720- 1723. Jean-Baptiste Oudry. Trésor national. (C) RMN-GP (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda
Décor d’arabesques du salon du château de Voré : Les divertissements champêtres, La Danse, 1720- 1723. Jean-Baptiste Oudry. Trésor national.
(C) RMN-GP (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda
coupole du salon de compagnie du petit hôtel (dit « Petits-Appartements ») du palais Bourbon
coupole du salon de compagnie du petit hôtel (dit « Petits-Appartements ») du palais
Bourbon

Après vous aurez toujours des sceptiques pour vous dire qu’en réalité ces pièces sont reconstituées avec une partie seulement du mobilier original, le reste étant seulement du mobilier similaire. C’est l’éternel débat autour des period rooms et je ne préfère pas rentrer dedans aujourd’hui, n’ayant pas encore d’avis tranché même si je conçois qu’on puisse voir ce type de muséographie comme un attrape touriste, mais d’un stricte point de vue esthétique, il faut admettre que ça rend mieux qu’un meuble isolé dans un coin.

Dans les salles du Conseil d’Etat vous retrouverez une évocation de la production du Grand Siècle des manufactures royales et des ateliers de la couronne confiés à la direction de Charles Le Brun en 1667 sous le regard attentionné et strict de Louis XIV par Rigaud accroché ici pour l’occasion. C’est là entre autres que j’ai pu enfin retrouver mon mobilier Boule. Car oui, ils m’ont beaucoup manqués tous ces meubles en marqueterie Boulle en écaille, laiton ou étain. Ce que le mobilier français a fait de plus beau à mes yeux.

Dans la salle du pavillon de Beauvais vous verrez de la faïencerie et de l’orfèvrerie de la seconde moitié du XVIIIème siècle jusqu’au rocaille de 1750 exposé au centre de la pièce. Là je dois admettre que la muséographie m’a laissé perplexe, me donnant davantage l’impression d’être dans un petit labyrinthe. Mais bon, j’ai le droit de ne pas être satisfaite de tout. Heureusement les pièces exposées rattrapaient en partie le coup comme cet immense surtout de table rocaille de Jacques Roettiers (1707-1784) pour le prince de Condé et son hôtel parisien.

WP_20140623_16_20_42_ProLe goût pour l’Antiquité et l’arrivé du néoclassicisme sont joliment évoqués pour leur part dans la salle Piranèse où on a remonté pour l’occasion la collection d’antiques du comte d’Orsay.

Vous pourrez également tomber sur la galerie Louis XV avec ces vitrines pleines de montres et de tabatières toutes plus riches les unes que les autres et dans le fond le portrait du roi et de la reine par Quentin de La Tour, un peu plus loin c’est la reine Marie-Antoinette qui est à l’honneur avec son petit cabinet.

Il faudra peut-être que je revienne dans quelques mois  à tête reposée quand l’attrait de la nouveauté se sera estompé pour voir si le succès est toujours au rendez-vous car je dois avouer que je n’ai jamais vu autant de monde dans cette partie de l’aile Richelieu, c’était presque perturbant pour moi qui aime me retrouver dans l’aile réputée la plus calme et oublier la foule de Mona Lisa devant le trésor de Saint-Denis.

Pot-pourri de Madame de Pompadour à l’hôtel d’Évreux. Sèvres, manufacture royale de porcelaine, 1760-1761. D’après des modèles de Jean -Claude Duplessis, Charles- Nicolas Dodin, peintre. Porcelaine tendre, bronze doré. H. 39 cm ; L. 36 cm. Achat, 1984. Paris, musée du Louvre © Musée du Louvre, dist. RMN-GP / Thierry Ollivier
Pot-pourri de Madame
de Pompadour à l’hôtel
d’Évreux.
Sèvres, manufacture royale
de porcelaine, 1760-1761.
D’après des modèles de Jean
-Claude Duplessis, Charles-
Nicolas Dodin, peintre.
Porcelaine tendre, bronze
doré. H. 39 cm ; L. 36 cm.
Achat, 1984. Paris, musée
du Louvre © Musée du
Louvre, dist. RMN-GP /
Thierry Ollivier

Ce sera l’occasion de regarder de plus près les 7 dispositifs numériques installés. J’ai dû en apercevoir 2, je ne sais pas où sont les autres mais à la lecture du dossier de presse, ils ont l’air intéressant, expliquant notamment l’utilisation des différents objets du quotidien, le service à la française ou la différence entre le style rocaille et le néoclassique, même si pour ce dernier point, suffit d’ouvrir les yeux…

Ces nouvelles salles quoi qu’un peu tape à l’œil sont donc plutôt réussies, il faut que je m’habitue à cette nouvelle muséographie mais dans l’ensemble je suis vraiment contente de retrouver ou de trouver toutes ces pièces. À moi Cressent, Boulle,  Baumhauer, Riesener, Criaerd, Jacob et les autres.

Le Printemps resiste à l’hiver au Louvre : le printemps de la Renaissance-La sculpture et les arts à Florence, 1400-1460

Alors qu’ici-bas l’automne devient peu à peu hiver, le Louvre nous offre un printemps artistique, le printemps de la Renaissance.WP_000682

Après avoir honoré Raphaël, il semblait logique pour le plus grand musée de France, qui possède l’une des plus belles collections du quattrocento d’élargir son propos et de nous raconter l’histoire d’un miracle artistique, ou comment dans une ville, Florence, tous les facteurs ont convergé pour faire émerger une nouvelle forme d’expression.
C’est une très belle exposition, bien ficelée et qui a l’originalité de choisir la sculpture comme art principal, le premier qui rompt peu à peu avec le gothique ce qui donne une nouvelle vision de la Renaissance connue de tous, et ce sont des sculpteurs comme Donatello surtout mais aussi Ghiberti, Nanni di Banco, Luca della Robbia, Nanni di Bartolo, Michelozzo, Agostino di Duccio, Desiderio da Settignano ou Mino da Fiesole qui sont à l’honneur.

Le propos débute avec ceux qui ont mené à ce renouveau artistique dès les XIIIème et XIVème sicèles avant même qu’on ne parle de Renaissance avec la redécouverte de l’Antiquité et de ces œuvres qui vont profondément influencer les artistes comme les Pisano à l’image du Cratère des talents de Pise qui trône au milieu de la première salle. De nombreuses autres œuvres antiques jalonnent subtilement le parcours pour toujours renvoyer à cette influence très net et ainsi offrir à voir le rapport entre l’original et sa réappropriation par les artistes du XVème siècle et d’après. Une idée simple mais judicieuse qui nous permet de mieux appréhender le propos.

Lorenzo Ghiberti   Le Sacrifice d'Isaac, 1401,Florence, musée national du Bargello, inv. 203 Bronzi © Lorenzo Mennonna, courtesy of Italian Ministry for Cultural Heritage and Activities
Lorenzo Ghiberti
Le Sacrifice d’Isaac, 1401,Florence, musée national
du Bargello, inv. 203 Bronzi © Lorenzo
Mennonna, courtesy of Italian Ministry for
Cultural Heritage and Activities

On arrive ensuite à Florence et ses dômes qui surplombent la ville, le foyer créatif par excellence avec deux sculpteurs qui ensemble créent ce qui est considérée comme la première œuvre de la Renaissance, le sacrifice d’Abraham pour les portes de bronze du battistero di San Giovanni de Florence. Lorenzo Ghiberti et Filippo Brunelleschi, concourent en 1401 pour la décoration de la porte nord avec des influences de la statuaires greco-romaine, le fameux tireur d’épines(Spinario) et le torse du centaure. Ghiberti remporte le concours et devient avec Donatello le grand initiateur de ce nouveau langage.
Mais revenons brièvement sur Florence qui a vu émerger entre ses murs cette Renaissance. La ville vit une apogée commerciale, la république se place en héritière de Rome et les chantiers religieux et civiques fleurissent dans la capitale de Toscane, donnant aux artistes un terrain d’expérimentation sans précédents avec des appuis puissants. Les mécènes sont mis l’honneur à la toute fin de l’exposition par une série de bustes-portraits, empreint de solennité et de réalisme romain, notamment le puissant Côme de Médicis.

Donatello, Saint Louis de Toulouse, 1422-1425,Florence, musée de l’Oeuvre de S a n ta Cr o c e© Studio Antonio Quattrone, Florence, by permission of Fondo Edifici di Culto, Ministero dell’Interno – Dipartimento per le Libertà civili e l’Immigrazione – Direzione Centrale per l’Amministrazione del FEC-Ghiberti , Saint Matthieu, 1419-1422, bronze, argent et traces de dorure. Florence, église et musée d’Orsanmichele © Lorenzo Mennonna, courtesy of Italian Ministry for Cultural Heritage and Activitie
Donatello, Saint Louis de Toulouse,1422-1425,Florence,musée de l’Oeuvre de Santa Croce© Studio Antonio Quattrone, Florence, by permission of Fondo Edifici di Culto, Ministero dell’Interno– Dipartimento per le Libertà civili e l’Immigrazione –Direzione Centrale per l’Amministrazione del FEC-Ghiberti , Saint Matthieu, 1419-1422, Florence, église et musée d’Orsanmichele © Lorenzo Mennonna, courtesy of Italian Ministry for Cultural Heritage and Activitie

De superbes statues monumentales ornent les monuments de la ville, deux géants sont confrontés l’un à l’autre, le délicat et raffiné Saint Louis de Toulouse par Donatello pour la basilique Santa Croce (1422-1425) et la puissance du saint Mathieu de Ghiberti pour la chapelle Orsanmichele (1421-1422). Ce dernier dégage une intensité dans le regard vraiment émouvante. Il est tellement grand (2m70) qu’on a du mal à le regarder dans les yeux, mais quand on capte ce regard, il est difficile de s’en détacher. Une superbe rencontre qui me rappelle pourquoi j’aime tant l’art. Ghiberti a mis de la vie dans le bronze.

Donatello, “Spiritelli” (de la “cantoria” de la cathédrale),1439, Paris, Institut de France, Musée Jacquemart-André, inv. MJAP-S 1773-1 et 2 © musée du Louvre/Philippe Fuzeau
Donatello, “Spiritelli” (de la “cantoria” de la cathédrale),1439, Paris, Institut de France, Musée Jacquemart-André, inv. MJAP-S 1773-1 et 2 © musée du Louvre/Philippe Fuzeau

L’influence romaine se dévoile également à travers ces petits putti, les spiretelli venus des sarcophages antiques et qui rentrent peu à peu dans l’iconographie chrétienne en tant que petits anges et qui symbolisent visuellement ce nouveau langage de la Renaissance. Ceux de Donatello exécutés pour la “cantoria” de la cathédrale sont d’ailleurs les têtes d’affiche de l’exposition avec leurs ailes d’une ciselure si fine qu’on croirait voir de vrais plumes. L’art équestre bénéficie aussi d’un nouveau souffle. Le célèbre Marc-Aurèle du Capitole inspire à Donatello, toujours lui deux œuvres majeures le Gattamelata de Padoue (1447-50) et le Protomé Carafa (1455) pour Alphonse V d’Aragon, roi de Naples. A noter que la statuaire équestre ne fleurit pas dans Florence mais hors de la ville, car elle rappelle un art jugé trop aristocratique pour une cité fière de son organisation républicaine.
La peinture fait enfin son apparition dans l’exposition, mais une peinture fortement inspirée de la sculpture. Avec des corps très modelés et des mises en perspectives révolutionnaires. Et en parlant de perspective, on parle souvent de Massaccio ou de Pierro de la Francesca, mais c’est encore Donatello qui la fait entrer dans la sculpture d’abord avec le Prédelle du saint Georges (1415-1417).

Donatello Saint Georges et le dragon, vers 1417, marbre. Florence, musée national du Bargello, inv. 517 Sculture © Lorenzo Mennonna, courtesy of Italian Ministry for Cultural Heritage and Activities
Donatello Saint Georges et le dragon, vers 1417, marbre. Florence, musée national du
Bargello, inv. 517 Sculture © Lorenzo Mennonna, courtesy of Italian Ministry
for Cultural Heritage and Activities

La Renaissance est désormais bien installée et va pouvoir se diffuser avec succès, dépasser les frontières des commandes officielles et rentrer dans les demeures privées, comme toutes ses Vierge à l’enfant en terre cuite émaillée, mise au point par Luca della Robbia dans les années 1430 et qui forment comme une allée d’honneur.
Et c’est ainsi que naquit l’une des périodes les plus riches et inspirées de l’Histoire de l’Art, l’une des plus appréciées aussi.
Pour aller plus loin, le Louvre propose de découvrir la version française de la Renaissance, plus tardif, avec Jean Cousin, père et fils qui dominent la production française du XVIème siècle. Un magnifique ensemble de dessins ainsi qu’une peinture, Eva Prima Pandora, récemment restaurée et pleine de mystères sont exposés dans les salles Mollien. Cette dernière tient aussi son inspiration dans la sculpture, celle de Cellini cette-fois ci…c’est l’école de Fontainebleau.

ousin le Père, Eva Prima Pandora, Paris, musée du Louvre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado
Cousin le Père, Eva Prima Pandora, Paris, musée du Louvre. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado


Le printemps est décidément une bien jolie saison quand il se déploie au Louvre. J’avais plus qu’adoré l’exposition sur Raphaël, celle-ci tient également de belles promesses.

Le printemps de la Renaissance
La sculpture et les arts à Florence, 1400-1460
du 26 Septembre 2013 au 6 Janvier 2014
Commissaire : Marc Bormand, conservateur en chef au département des Sculptures du musée du Louvre et Beatrice Paolozzi Strozzi, directrice du musée national du Bargello.

De l’Allemagne. L’art allemand se dévoile au Louvre

Cette saison, pour commémorer les 50 ans du Traité de l’Elysée, le Louvre organise une grande exposition sur l’Allemagne, dénommée « de l’Allemagne », en référence à Madame de Staël, et qui a pour ambition de dresser un panorama de l’art Allemand de 1800 à 1940. Vaste programme.

7759875547_l-affiche-de-la-nouvelle-exposition-du-louvre-a-parisLe second but de l’exposition, plus ou moins avoué est aussi de nous faire découvrir, à nous français un art qui il faut l’avouer est loin d’être très connu hormis quelques noms et qui est peu représenté dans nos musées nationaux. Et c’est vrai qu’au cours de l’exposition je me suis beaucoup plus dit « tiens je ne connais pas » que « ha mais oui bien sûre ». Donc rien que pour ça, cette exposition est une réussite, car elle présente tout un ensemble artistique méconnu et ce qui ne gâche à rien, à travers des pièces d’une grande valeur artistique.

Plus de deux cent œuvres sont exposées de manière chronologique pour essayer de comprendre l’évolution artistique de l’Allemagne, mais pour saisir ceci, il fut aussi appréhender la politique même du pays qui en 1800 n’est pas encore cet état unifié que nous connaissons. Le saint Empire Romain Germanique, démembré en 1806 sous la pression de Napoléon, se compose de quelques 400 entités politiques différentes et les lier entre elles, sera long. Il faudra attendre Bismarck et la victoire contre l’Autriche en 1866 puis celle sur la France en 1871 pour qu’une unité germanique soit enfin palpable à travers l’Empire fédéral allemand.

Ce désir d’unité existait pourtant avant, et la notion de « Kultur » mise en avant au siècle des Lumières, était une base pour définir une tradition typiquement allemande.  Goethe sera l’un des premiers à louer un art allemand et non germanique.

Femme devant le lever de soleil (Femme devant le coucher de soleil) 1818-1820, Museum Folkwang, Essen
Femme devant le lever de soleil
(Femme devant le coucher de soleil)
1818-1820, Museum Folkwang, Essen

L’exposition est coupée en trois parties plus ou moins égales. La première, placée sous l’égide d’Apollon et de Dionysos, explique comment justement dans ce début de XIXe siècle, il n’y a pas d’art allemand, mais qu’au contraire les artistes sont plus inspirés par ce qui se passe hors de leurs frontières. On découvre ainsi les nazaréens, qui vivaient à Rome et qui étaient fortement inspirés par Dürer et Raphael. L’exposition début par l’un de leurs manifestes, une exquise d’Italia et Germania d’Overbeck. Malheureusement l’œuvre peinte n’est pas là, mais c’est déjà un plaisir de voir ce dessin. Le titre en lui-même  est tout un programme, il montre cet attrait pour l’Italie puis la Grèce qui marque l’art de cette époque.

Italia et Germania, 1815-1828  Craie noire sur papier - 92,3 x 101,2 cm  Munich, Staatliche Graphische Sammlung  Photo Staatliche Graphische Sammlung
Italia et Germania, 1815-1828
Craie noire sur papier – 92,3 x 101,2 cm
Munich, Staatliche Graphische Sammlung
Photo Staatliche Graphische Sammlung

Il y a aussi tout une série de peinture néo-gothique. C’est assez amusant d’être devant ses œuvres, avoir l’impression de regarder un tableau du XVe ou du XVIe siècle mais d’être au XIXe siècle. L’originalité n’est pas encore de mise, on est dans une certaine copie, même si on sent déjà émerger un certain goût pour le romantisme et le fantastique. Une petite partie de l’exposition est consacrée à cet imaginaire si vaste des récits avec leurs personnages curieux et intriguant.

Arnold Böcklin, Jeux des Néréides, 1886. © Martin Bühler/Kunstmuseum Bâle
Arnold Böcklin, Jeux des Néréides, 1886. © Martin Bühler/Kunstmuseum Bâle

La seconde partie est celle qui reçoit le plus de suffrage parmi les critiques et pour cause, elle est consacrée au paysage, genre qui n’est plus du tout secondaire à cette époque mais qui au contraire, va devenir le genre de prédilection de tout une série de peintres, à commencer par Caspard Friedrich dont une vingtaine de toiles sont exposées, ce qui en fait une mini-monographie. C’est une occasion unique de pouvoir admirer des toiles sublimes comme l’entrée du cimetière, à bord du voilier, ou la femme devant un coucher de soleil. Il s’agit d’une exaltation de la nature et du paysage allemand autant qu’une expression profonde et intérieure « « Ferme ton œil corporel, afin de voir d’abord ton tableau avec l’œil de l’esprit. »

W. Tischbein, Goethe dans la campagne romaine, 1787. © U. Edelmann/Musée Städel/Artothek
W. Tischbein, Goethe dans la campagne romaine, 1787. © U. Edelmann/Musée Städel/Artothek

C’est Goethe qui garde un œil bienveillant sur cette partie, avec son portrait dans un paysage d’Italie, très néo-classique et ce grand buste qui surveille les visiteurs. Homme de lettre et scientifique, amateur de biologie, il théorise la couleur et une représentation de la nature la plus fidèle qui soit.

Enfin, la dernière partie cherche à mettre en lumière le traumatisme qu’a été la guerre de 14-18, comment il est retranscrit par les artistes à travers des œuvres sublimes et poignantes. Le conflit entre l’humain et ce qui ne l’est plus, comment l’industrie, la guerre, la misère, altère l’humanité : la forge de Von Menzel,  ecce homo de Lovis Corinth, les photographies d’August Sander sur un monde qui disparait ou  la série de gravure, la guerre d’Otto Dix sont autant de témoignages saisissant d’une nation blessée.

L’entre-deux-guerres est une période trouble ou le nationalisme a cette fois-ci trop pris, sur un terreau de peur et de misère et qui va mener au National-socialisme où l’art sert à exalter une idée bien précise et est mis au service d’une idéologie destructrice.

Cette dernière partie a, ces dernières semaines, alimenté un sérieux mécontentement chez certains intellectuels et journalistes allemands qui accusent le Louvre d’avoir trop simplifié son propos au point qu’il laisse à croire que tout dans l’histoire allemande menait au nazisme, notamment parce que l’expo se fini par un extrait d’Olympia de Leni Riefenstalh, cinéaste adorée d’Hitler.

Van Menzel, la forge, © BPK, Berlin, Dist RMN-Grand Palais - Klaus Göken
Van Menzel, la forge, © BPK, Berlin, Dist RMN-Grand Palais – Klaus Göken

Je ne vais pas rentrer dans ce débat dont la portée me dépasse, même si je peux comprendre la blessure portée. Mais après avoir lu différents articles, je pense qu’il s’agit surtout d’un manque de communication entre le Louvre (défendu par l’ambassadeur d’Allemagne) et le centre culturel d’histoire de l’art allemand. En visitant l’exposition, je n’ai pas ressenti cette glissade irrévocable vers le nazisme, ou alors je n’ai pas fait attention, je n’en sais trop rien.

Lovis Corinth, ecce homo, 1925
Lovis Corinth, ecce homo, 1925

Après il est vrai que la grande marge chronologique donne quelque chose d’au final très copieux à digérer, pas toujours très clair, mais je préfère m’attacher aux œuvres en elles-mêmes, à leurs qualités et à leurs beautés. Et même si cette exposition ne reflète qu’une parcelle de l’art allemand, qu’elle ne prend pas en compte par exemple des mouvements plus européens comme le Bauhauss, preuve que l’Allemagne n’était pas refermée sur elle-même elle offre tout de même à voir un ensemble superbe et surprenant. Le but de faire découvrir un art peu connu alors qu’il est si proche de nous finalement est parfaitement atteint et ça me suffit pour aujourd’hui.

Les dernières années de Raphael exposées au Louvre

Pour bien commencer 2013 que je vous souhaite très riche, voici une belle exposition consacrée aux dernières années du prodigieux Raffaello Santi, mieux connu sous le nom de Raphaël.

Raphaël (dit), Sanzio Raffaello (1483-1520)Tête de jeune homme, de profil vers la droite(C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) - @Michèle Bellot
Raphaël (dit), Sanzio Raffaello (1483-1520)
 étude pour la chambre d’Héliodore
(C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) – @Michèle Bellot

Avec Léonard de Vinci et Michel Ange, ils forment la géniale triade artistique de la Renaissance italienne. Pour certains il pourrait se trouver dans l’ombre des deux autres, mais il n’en est rien, au contraire. Raphaël est un artiste plus que complet, il met en place des projets décoratifs impressionnants, ses peintures sont toutes des chefs-d’œuvre, il est aussi architecte, archéologue, il recense les antiquités de Rome et est dans l’histoire, le seul peintre à avoir le privilège d’être inhumé au Panthéon.

Voici donc, grâce au Louvre, en collaboration avec Le Prado, l’occasion de découvrir ou redécouvrir ce génie qu’est Raphaël et son évolution stylistique durant les sept dernières années de sa vie.

Raphaël (?) et atelier, Saint Jean Baptiste dans ledésert, vers 1517-1518. Huile sur toile. H. 163 ; l. 147cm. Florence, Galleria degli Uffizi, SoprintendenzaSpeciale per il Polo Museale Fiorentino, inv. 1890,n.o1446 © 2012 Photo Scala, Florence
Raphaël (?) et atelier, Saint Jean Baptiste dans le désert, vers 1517-1518. Florence, Galleria degli Uffizi, Soprintendenza Speciale per il Polo Museale Fiorentino
 © 2012 Photo Scala, Florence

Né à Urbino en 1483, il est le fils du peintre et poète officiel de la cour du duc d’Urbino, Giovanni Santi, qui meurt lorsqu’il n’a que 9ans. Il forme son art en parti chez le Pérugin à Pérouse et il rencontre et étudie les deux grands maîtres de son temps, que sont Michel Ange et Leonard de Vinci à Florence. En s’inspirant de leurs arts respectifs, Raphaël façonne le sien. Son art est puissant tant au point de vue dessin que dans l’utilisation des couleurs, ce qui le démarque de la plupart des artistes de son temps qui privilégiaient soit l’un soit l’autre. Tout chez lui est dominé par un souci constant d’équilibre et d’harmonie dans la forme et dans la composition.

L’exposition ne retrace pas toute sa carrière, elle se concentre sur l’apogée de cette dernière, sa période romaine. Raphaël arrive dans la Città Eterna., appelé par le pape Jules II en 1508. A cette époque, Rome est indéniablement la capitale artistique de l’Italie et peut-être même du monde occidental. Cela est le fait d’importants chantiers que sont la reconstruction de la Basilique Saint-Pierre décidée en 1505 par Jules II et la construction et la décoration du palais apostolique.

La Madone au poisson, 1513-1514, Prado
La Madone au poisson, 1513-1514, Prado

Raphaël réalise ainsi la décoration des « stanze » que Jules II dédia à ses appartements privés (1503-1513), ce qu’on appelle en français« les chambres de Raphaël » : la salle des signatures tout d’abord qui impressionne tellement le pape qu’il lui confie les autres, la salle d’Héliodore, la salle de l’incendie du Bourg et la salle de Constantin, effaçant même le travail de ses prédécesseurs. Le nouveau pape Léon X, bien qu’un Médicis, apporte également tout son soutien au peintre, il devient son plus grand mécène et quand 1514, meurt Bramante,  l’architecte de la basilique et soutien de Raphaël, il lui confie le chantier en qualité d’architecte.

Sainte Marguerite, 1518, musée du louvre, photo C2RMF
Sainte Marguerite, 1518, musée du louvre, photo C2RMF

L’intérêt de cette exposition est aussi de mettre en lumière l’atelier du peintre. Pour répondre aux commandes croissantes, Raphaël s’est entouré de nombreux collaborateurs. Vasari en dénombre une cinquantaine mais ils étaient peut-être plus car aux funérailles du maître en 1520, une centaine de peintres portaient des torches sur le cortège funéraire. Pourtant malgré le nombre imposant de disciples, l’unité a toujours régné, les individualités s’effaçaient devant le collectif et c’est là, la force de Raphaël. Un maître talentueux, affectueux et sujet d’admiration, qui donnaient les lignes directrices et faisait régner l’harmonie entre les différents intervenants qu’ils savaient encourager pour qu’ils donnent le meilleur. Seuls des yeux très experts savent parfaitement déceler les interventions extérieures à celles de Raphaël dans ses productions. C’est fascinant en ce sens de lire dans le catalogue d’exposition comment les historiens de l’art réussissent sur une œuvre donnée à dire quelle partie est de la main de Raphaël et quelle partie ne l’est pas, par manque de rigueur, de douceur ou autre. Plusieurs exemples peuvent être donnés, même si elle n’est

Madonna dell Impanata, 1513/14 - palais Pitti
Madonna dell Impanata, 1513/14 – palais Pitti

pas exposée, je peux vous citer la Madone de l’impannata dont la facture montre l’intervention d’au moins deux artistes. Raphaël aurait fait l’enfant et les de têtes de saints, mais un autre peintre aurait fait la tête de la vierge, ses vêtements et les draperies de sainte Elisabeth. Toujours sur ce même tableau, il semblerait que le petit saint Jean Baptiste soit également trop maladroitement exécuté pour être de la main de Raphael. Comme autres exemples exposés cette fois-ci, citons La Sainte Margueritte, apparemment été exécutée par Giulo Romano sur un motif de Raphael ou la Vierge au Poisson dont les draperies et les têtes à gauche seraient de Penni.

Ces deux derniers collaborateurs, Giovan Francisco Penni et Giulio Romano, se démarquent suffisamment pour que leurs noms soient connus. La place qui leur est donnée pousse les limites chronologiques de l’exposition jusqu’en 1524-25, après la mort du maître pour appréhender la survie de son atelier et surtout la carrière personnelle de ses deux prestigieux élèves.

Romano et Penni (?), V.1517, la visitation, © Museo nacional del Prado, Madrid
Romano et Penni (?), V.1517, la visitation, © Museo nacional del Prado, Madrid

Les deux ont collaboré à l’exécution de nombreuses œuvres, notamment la Visitation de 1517 commandée par Giovanni Battista Branconio dell’Aquila, un ami de Raphaël. Romano connu pour ses formes dures et denses qui vont donner naissance au maniérisme aurait fait les têtes et peut-être les corps et les draperies, un peu maladroits dans l’exécution (bras trop long, étole qui ne repose pas normalement sur l’épaule, ventre étrangement arrondi), quant à Penni, considéré par Vasari comme un très bon paysagiste, il aurait exécuté le fond où on reconnait sa douceur.

Commençons par Penni, le plus âgé des deux. Malheureusement celui-ci étant mort assez tôt, en 1528, son style personnel caractérisé par une douceur des formes, une homogénéité de l’éclairage et un manque d’attention aux contours, n’ pas eu le temps de s’épanouir et est très difficile à identifier avec certitude. C’est surtout dans son rôle de dessinateur qu’on reconnaît sa main. Il rejoint Raphaël avant son installation à Rome et c’est à lui que le maître confi l’exécution des modelli entre 1511 et 1520, toujours aux pinceaux et aux lavis. Il met au propre les motifs de Raphaël. Vasari le surnomme « il fattore », le recopieur. Il a également certainement joué le rôle d’administrateur et de contrôleur artistique de l’atelier. Une originalité de Penni c’est son intérêt pour la tapisserie, qu’il va développer après la mort de Raphaël.

Giulo Romano est né pour sa part à Rome en 1492 ou en 1499. Si la deuxième date est la bonne, cela voudrait dire qu’il rentre dans l’atelier de Raphaël à seulement 16/17ans et qu’il n’a que 21ans quand il hérite de cet atelier en 1520, ce qui fait de lui un jeune prodige.

Giulio Romano, peut-être avec l’intervention de Raphaël, Portrait de Doña Isabel de Requesens y Enríquezde Cardona-Anglesola, 1518.  musée du Louvre © RMN (Musée duLouvre) / Hervé Lewandowski
Giulio Romano, peut-être avec l’intervention de Raphaël, Portrait de Doña Isabel de Requesens y Enríquez
de Cardona-Anglesola, 1518. musée du Louvre © RMN (Musée du
Louvre) / Hervé Lewandowski

Très tôt d’ailleurs, il va se démarquer de ses congénères, de par sa forte personnalité, son talent et son inventivité. Il gagne ainsi la confiance du maître qui lui confie l’exploitation des cartons où il apporte sa vitalité, c’est lui qui réalise les études de figure et il n’hésite pas à lui confier l’exécutions d’importantes commandes comme le portrait de Doña Isabel de Requesens dont on est certain qu’il est de lui grâce à des documents écrits de la main de Raphael.

Cette relation de confiances presque filiale mais aussi d’émulations respectives se retrouve dans le fameux autoportrait avec Giulio Romano, l’une des dernières œuvres de Raphael. Romano semble montrer quelque chose à Raphaël qui tempère son ardeur en posant la main sur son épaule.

A la mort de son mentor, Romano vole vite de ses propres ailes, il concrétise les dernières commandes de Raphaël, comme la transfiguration, la chapelle de La Madeleine à la Trinité des Monts, la loggia de la Villa Stati Mattei ou les chantiers de décorations du Vatican avec Gian Francesco Penni, mais ils finissent par se séparer en 1524, suite à une brouille. Puis en 1527, il s’installe à Mantoue sous la protection de la famille Gonzague. Une exposition d’art graphique lui est consacrée dans le pavillon Mollien, ce qui permet de mieux apprécier son talent de dessinateur.

Raphaël, Autoportrait avec Giulio Romano, 1519-1520.Paris, musée du Louvre,  photo RMN (Musée du Louvre) / Gérard Blot
Raphaël, Autoportrait avec Giulio Romano, 1519-1520.
Paris, musée du Louvre, photo RMN (Musée du Louvre) / Gérard Blot

Cette exposition est une plongée dans un art absolument fascinant. On découvre les grands projets décoratifs que sont « les chambres de Raphael » essentiellement représentées par ses dessins, des tapisseries également, de nombreuses études et un grand nombre de toiles. A Rome, la peinture de chevalet n’est pourtant pas sa principale activité, elle arrive derrière les projets architecturaux et de décorations. On retrouve quelques rares grands formats dont les cadeaux diplomatiques (aujourd’hui au Louvre), envoyés par le pape en 1518  à François Ier pour sceller l’union de Laurent de Médicis et Madeleine de la Tour d’Auvergne. Parmi ses dons, le somptueux et le plus important, Saint Michel souvent délaissé dans la Grande Galerie mais qui retrouve ici toute sa force, bien qu’il est certainement perdu une partie de sa splendeur.  En effet, Raphaël l’a exécuté très rapidement, Vasari pense qu’il est entièrement de sa main, mais par manque de temps, il n’a pas peu bien le préparer, ce qui fait qu’en 1540, il doit déjà être restauré par Le Primatice. La radiographie montre d’ailleurs que les défauts actuels et maladresse d’exécution ne sont certainement pas d’origine.

Saint Michel terrassant le démon, dit Le Grand Saint Michel, Louvre, photo RMN (Musée du Louvre) / Thierry OllivierSainte Cécile et quatre saints, vers 1515-1516., Pinacothèque Nationale de Bologne, © 2012 Photo Scala, Florence – courtesy of the
Ministero Beni e Att. Culturali
Saint Michel terrassant le démon, dit Le Grand Saint Michel, Louvre, photo RMN (Musée du Louvre) / Thierry Ollivier
Sainte Cécile et quatre saints, vers 1515-1516., Pinacothèque Nationale de Bologne, © 2012 Photo Scala, Florence – courtesy of the
Ministero Beni e Att. Culturali

On reste également en admiration devant l’extase de Sainte Cécile, exposée juste à côté et qui est l’un des rares grands tableaux du dernier tiers de sa carrière, commandé par Elena dall’Olio pour la chapelle de San Giovanni in Monte à Bologne. On découvre y avec joie, l’influence qu’a pu avoir Leonard de Vinci, de séjour à Rome en  1513-1516 dans le choix des coloris et plus loin à travers les différents saint Jean-Baptiste, fortement inspirés de celui du florentin, dans la pose notamment. A partir de cette date, la peinture de Raphael devient également plus sombre et utilise volontiers le sfumato.

La peinture religieuse domine très clairement sa production et le seul genre profane qu’il aborde en matière de peinture de chevalet c’est le portait, qui clôt l’exposition. Et là il faut distinguer deux types de portraits, à savoir les officiels, souvent innovants (Jules II) où le travail de composition formelle est très poussé et les portraits privés, où c’est cette fois ci l’exécution qui tire au génie tant il guide son pinceau avec ses sentiments d’amour et d’amitié. Les deux plus beaux à ce titre sont celui de Bindo Altoviti  dont les cheveux sont peints un à un et surtout cette sublime jeune femme, la Donna velata, probablement Margherita Luti, sa maitresse plus connue sous le surnom de  Fornarina, pleine de douceur et de beauté.

Bindo Altoviti, vers 1516-1518, Washington, National Gallery of art, ©Image courtesy of the National Gallery of Art
La Donna Velata, vers
1512-1518. palazzo pitti, © 2012
Photo Scala, Florence – courtesy of the Ministero Beni e Att.
Culturali
Bindo Altoviti, vers 1516-1518, Washington, National Gallery of art, ©
Image courtesy of the National Gallery of Art
La Donna Velata, vers
1512-1518. palazzo pitti, © 2012
Photo Scala, Florence – courtesy of the Ministero Beni e Att.
Culturali

Un très bel épilogue pour une exposition qui passe très vite, trop vite même.

Inauguration du 8eme département du Louvre : L’art de l’Islam se dévoile cette semaine

 

ACTUALISATION : 

Comme promis j’ai donc été faire un tour au Louvre voir le nouveau département tout beau tout neuf dont tout le monde parle…Et bien je n’étais pas la seule. Sauf impératif il faut peut-être attendre un petit peu pour bien profiter de ce nouvel espace car la foule est telle qu’elle ne permet pas une bonne approche du contenu surtout vu la disposition. Si vous êtes habitués à une muséographie bien proprette, cadrée, géométrique, collée aux murs…ce n’est pas du tout ça. Il s’agit d’une muséographie très moderne, une grande salle ponctuée de vitrines, deux niveaux, des œuvres mises en valeur par un éclairage savamment étudié, beaucoup beaucoup d’explications et des espaces numériques avec vidéos explicatives, projections sur les murs etc. C’est plutôt réussi, il faut le dire. C’est beau, on en a plein la vue, surtout qu’en plus des Arts de l’Islam, on trouve ou retrouve les salles consacrées à l’Orient dans le monde romain, avec notamment les superbes salles de l’Egypte copte et la reconstitution de l’église de Baouit (qui m’avait bien manqué).

On pourrait simplement regretter pour les puristes un espace d’exposition plus proche d’une exposition temporaire avec tellement d’informations qu’il ne faut venir que pour cela et le manque de mise en valeur des œuvres phares perdues dans l’ensemble. Mais cela ne doit pas gâcher le plaisir de découvrir ces trésors. L’exposition des mosaïques qu’on peut voir de haut, les portes en bois ouvragées, les murs de céramiques, la tapisserie iranienne,  les armes d’une délicatesse extrême de l’Inde moghole  aux manches de jade incrustés d’or, de rubis ou d’autres gemmes, le chasse mouche en plumes de paons, tout ceci est un émerveillement pour les yeux qui devrait attirer beaucoup de visiteurs et peut-être laisser respirer quelques temps notre chère Mona Lisa.

 

C’est aujourd’hui que le président de la République François Hollande a officiellement inauguré le huitième département du Louvre consacré aux arts de l’Islam. En ces temps troublés par des conflits très violents ayant pour prétexte la religion, le président a tenu a rappelé que l’Islam c’est bien plus que ce qui passe aux journaux de 20h « «L’honneur des civilisations islamiques est d’être plus anciennes, plus vivantes et plus tolérantes que certains de ceux qui prétendent abusivement aujourd’hui parler en leur nom. Il est l’exact contraire de l’obscurantisme qui anéantit les principes et détruit les valeurs de l’Islam en portant la violence et la haine.»(source : http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2012/09/18/03015-20120918ARTFIG00538-hollande-au-louvre-un-plaidoyer-pour-l-islam.php). L’art de l’Islam, pour l’avoir un peu étudié, il y a fort fort longtemps sait être d’une beauté époustouflante et c’est cette beauté, cette complexité, cette maitrise que le Louvre offre aux yeux du monde avec ce département.

Initié par J. Chirac en 2003, ce projet fut LE grand projet du musée de ces dernières années après le « Grand Louvre », faisant languir d’impatience tous ceux qui passaient devant ces murs clos, ces affiches promesses de réouverture en 2012 et surtout cette maquette plus qu’intrigante. Je n’ai pas encore eu l’occasion de voir la version finale étant donné qu’elle ne s’ouvre au public que ce week-end, mais j’ai hâte de voir ce que donne en vrai cette drôle de composition des architectes Rudy Ricciotti et Mario Bellini censé représentée une aile de libellule. Sur la maquette c’est intriguant et décalé, espérons que le résultat final soit aussi imposant de majesté tout en s’harmonisant au « murs historiques » que le fut la pyramide de Ieoh Ming Pei.

Rappelons que la collection du Louvre es,t avec ses 14000pièces enrichies du dépôt de 3500 œuvres du musée des Arts Déco, la plus grande collection de ce type dans le monde occidentale. Elle dresse un panorama chronologique des débuts de l’Islam au VIIe siècle en 632 jusqu’au début du XIXe siècle, le tout sur trois continents.

C’est donc un réel projet d’envergure (100millions d’€ financés à 57% par le mécénat) qui devrait attirer encore de très nombreux visiteurs aux Louvre (qui n’en manque pas vraiment) mais aussi conforter sa place parmi les plus grands musées du monde avec des collections touchant à chacune des grandes civilisations.

Vivement l’ouverture au public, samedi 22 septembre pour contempler toutes ces splendeurs et dès que j’y mets les pieds, comptez sur moi pour vous partager mon idée là-dessus et en attendant si d’autres peuvent voir de leurs yeux ce nouveau département qu’ils n’hésitent pas à partager avec nous leurs impressions.

Au Royaume d’Alexandre : la Macédoine Antique.

Musée du Louvre : hall Napoléon, du 13/10/11 au 16/01/12.

Commissariats : Sophie Descamps, conservateur en chef du Patrimoine, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre. Lillian Acheilara, Directrice de la 16e Ephorie des Antiquités préhistoriques et classiques. Polyxeni Adam-Véleni, Directrice du musée archéologique de Thessalonique. Maria Lilimpaki-Akamati, Ephore honoraire des Antiquités


Cette saison, la grande exposition du Louvre nous raconte l’histoire du royaume d’Alexandre, la Macédoine antique. Autant dire que l’annoncé est alléchant, Alexandre le Grand étant certainement l’un des personnages les plus atypiques et passionnants de l’Histoire mondiale. Pourtant si vous vous attendez à voir une exposition sur lui, sa vie ou son expédition jusqu’à l’Indus, vous serez peut-être un peu sur vos faims. Il n’est ici qu’un aspect parmi tant d’autres. C’est sa terre natale le véritable sujet : la Macédoine. 500 objets sont présentés, beaucoup pour la première fois, grâce à une exposition exceptionnelle, à la muséographie claire, montée conjointement entre le Louvre et le ministère de la Culture et du Tourisme de la République Hellénique.

Contrairement à ses régions voisines, le Péloponnèse, l’Attique, l’Etolie ou même l’Italie et la Turquie, qui ont très tôt attirées les érudits, la Macédoine a longtemps été mise à l’écart, considérée comme peu intéressante, grossière, demi-barbare et rustre à l’image de son roi Philippe II tel qu’il est décrit dans certaines sources écrites (Démosthène). Le but de cette exposition est de revenir sur ces aprioris et de faire partager les découvertes archéologiques pour retrouver une civilisation raffinée dans tous les sens du terme.

Les premiers habitants de la Macédoine sont des bergers. Selon la légende, le fondateur mythique de la capitale Aigai est Karanos, qui poursuivait une chèvre dans les environs et qui donna à la ville le nom de cette dernière. L’économie  repose  sur l’agriculture, le pays est malgré tout très riche, il possède de l’eau, de vastes forêts (durant les guerres médiques Alexandre Ier envoya de grandes quantités de bois à Athènes pour construire sa flotte) mais surtout le pays possède un fleuve aurifère et des mines d’or et d’argent.

L’exposition commence par une évocation de différentes campagnes de fouilles et des découvertes qui ont suivies au cours des dernières décennies.
Les premières « vraies » découvertes, ne remontent qu’au XIXème siècle.   En 1861, sous l’égide de Napoléon III, le futur conservateur du Louvre, Léon Heuzey et l’architecte Honoré Daumet partent fouiller la région pour retrouver des traces de batailles des guerres civiles romaines. Et sans le savoir, il met au jour l’immense palais de Philippe II (site de 12 500m² tout de même) sur le site d’Aigai (Vergina), l’ancienne capitale macédonienne, qu’il a découvert lors d’un premier voyage en 1851.
Au début du XXème siècle, durant la Grande Guerre, le général français Maurice Sarrail, créé le Service Archéologique de l’Armée d’Orient (SAAO). Ce service, actif entre 1916 et 1919 est composé de militaires qui autrefois étaient archéologues, membres de l’Ecole Française d’Athènes, historiens, archivistes etc. Il a eu pour rôle essentiel durant cette période de troubles, la préservation et l’étude des vestiges. Il est évoqué à travers une vitrine de l’exposition.

OEnochoé d’argent V. 350-336 av. J.-C. Vergina, Tombe de Philippe II © Hellenic Ministry of Culture and Tourism / Archaeological Receipts Fund

Mais la plus grande découverte, celle qui va ouvrir le monde aux richesses de la Macédoine antique est en 1977, la découverte par Manolis Andronikos de trois sépultures royales cachées sous un énorme tumulus de 110m de diamètre et 12m de haut. L’une d’entre elles, étant celle supposée du roi Philippe II. Comme avec la découverte de la tombe de Toutankhamon par Carter autrefois, c’est tout un univers de raffinement qui s’offre aux yeux des savants et fait tomber l’idée reçue d’un roi rustre et sans goût, longtemps dans l’ombre de son illustre fils, Alexandre. Trois objets sont exceptionnellement présentés : un oenoché, une coupelle en argent et un trépied gagné aux jeux d’Argos par l’un de ses ancêtres.

Né en 382 avant JC, fils d’Amyntas III, Philippe fait partie de la dynastie des Argéades qui a pour ancêtre légendaire, Héraclès. Il accède tôt au pouvoir, à l’âge de 23ans, à la mort de ses frères et après une enfance à Thèbes où il apprend l’art de la guerre. Il réforme l’armée en profondeur, avec un équipement plus léger, moins coûteux qui permet l’enrôlement de plus d’hommes et l’adoption de la sarisse (lance de 5m de long), fondement de la phalange macédonienne, qui permet à cette nouvelle armée d’être la plus puissante de Grèce. Philippe II est un conquérant, en 337 avt JC, toutes les cités grecques, exceptée Spartes, l’acceptent comme commandant suprême pour lancer une expédition vengeresse vers la Perse. Sans les actions de son père, Alexandre ne serait peut-être pas devenu le roi légendaire qu’il est devenu par la suite, en lui succédant en 336, après son assassinat.

Couronne de feuilles de chêne en or 2° moitié du IVe s. avt J.C. Vergina , sanctuaire d’Eukleia Or © Fouilles Université Aristote, Thessalonique

La découverte archéologique la plus récente évoquée ici, est celle d’une tombe princière, d’un jeune adolescent en 2008 à Aigai. Il s’agit probablement de la sépulture d’Hérakles, le fils illégitime d’Alexandre et de la princesse Perse Barsine, assassiné par Cassandre, l’un des diadoques (généraux successeurs d’Alexandre), qui va prendre le trône de Macédoine. Trouvée dans ce tombeau, une magnifique couronne de feuilles de chêne en or est exposée. C’est un objet d’un raffinement inouï qui à l’œil semble d’une légèreté totale. Elle fait partie de la tradition funéraire des couronnes en Macédoine centrale dans la seconde moitié du IVème siècle avant JC.

A travers le résultat de ces fouilles effectuées en grande partie dans les sépultures et le palais d’Aigai, l’exposition évoque l’architecture et la ville, les objets de la vie terrestre et les objets funéraires entre la fin de l’âge du bronze et l’époque romaine impériale.

L’incantada, E. Cousinéry, Voyage dans la Macédoine , 1831

Le dernier roi macédonien, Persée, a été vaincu à Pydna en 168 avant JC, faisant de la Macédoine une province romaine reliée à Rome par la voix Egnatia. La présence romaine est manifeste par l’introduction de nouveaux cultes, comme ceux d’Isis et Sérapis très en vogues à Rome, mais aussi dans la représentation de plusieurs Empereurs romains, dont Caracalla et Constantin. Ce dernier a fait ériger les fortifications de Thessalonique fondée par Cassandre en -315, elle est la capitale de la province romaine.

Las incantadas. Léda. Louvre

La ville est évoquée à travers l’exposition d’une partie de Las Incantadas (les enchantées), une colonnade à claire voie, décorée de piliers sculptés, bâtie entre le dernier quart du IIème et le premier tiers du IIIème siècle de notre ère. Il devait s’agir d’un passage monumental reliant deux édifices de l’Agora. Une légende locale raconte que le roi de Thrace, son épouse et ses suivantes ont été pétrifiés suite à un mauvais sort destiné primitivement à Alexandre. Aujourd’hui seule une partie de la colonnade a survécu, ce qui rend l’interprétation de son iconographie incomplète. Il y a notamment le cortège bachique, avec Bacchus, Ariane et des ménades, ainsi que les amours de Zeus, avec Léda et son cygne.

Toutes les sépultures fouillées des nécropoles de Toroné, Mendé, Methoné et Akanthos, dont une partie des objets trouvés est présentée ici, permettent d’apprécier les rites funéraires macédoniens. La crémation est le modèle le plus rependu. Les cendres et les os sont ensuite déposés dans un larnax, un coffre de bois, d’or et d’argent pour les plus riches entouré d’offrandes en tout genre. Les tombeaux eux-mêmes sont des lieux somptueux, des petits temples décorés, colorés, fermés par des portes monumentales que l’on peut apercevoir dans le parcours de l’exposition. La polychromie retrouvée ici, dans les peintures murales et les sculptures a permis de voir d’un œil nouveau l’art grec, bien loin de sa blancheur immaculée.

Mais plus important, ou du moins, aussi important, ces tombes, ne nous dévoilent pas uniquement le visage de la mort, elles nous révèlent aussi le monde des vivants. Les macédoniens, comme beaucoup de peuples, emportaient avec eux des objets rappelant leurs vies terrestres, ce qui nous permet de mieux apprécier leurs vies quotidiennes, comme le rôle de la femme, ses parures et l’importance du banquet.  L’extraordinaire raffinement de la production artistique notamment du IVème siècle avant JC, l’apogée de la création dans tous les domaines,  frappe également notre regard, entre autre avec l’invention du verre transparent.
Il faut rappeler que les plus grands artistes sont passés par la Macédoine. Sous Archélos (413-399), le fameux peintre Zeuxis, décore le palais de Pella et le grand dramaturge Euripide vient y composer des pièces.

Calice chiote : 575-550 av. J.-C. Agia Paraskevi, © Hellenic Ministry of Culture and Tourism / Archaeological Receipts Fund

Ces objets témoignent aussi des échanges commerciaux avec Athènes, Corinthe, l’Asie Mineure etc. Même si la Macédoine vivait à l’écart des autres cités grecques et n’a pas créé comme ses consœurs de nombreuses colonies, elle en a accueillie sur ses côtes, d’où des échanges manifestes par la présence de vases attiques ou d’un magnifique calice chiote du deuxième quart du IVème avant JC.

Je vous ai dit, qu’Alexandre n’est dans cette exposition, qu’une partie d’un tout. Mais quelle partie! On ne peut décemment pas évoquer la Macédoine sans mentionner son plus célèbre représentant. Alexandre III, dit le Grand, est né vers 356 avant JC à Pella. Il est le fils du roi Philippe II et de sa quatrième épouse, Olympias, princesse d’Epire de la tribu des Molosses.
Une légende nait dès l’Antiquité, racontant qu’Olympias, ancienne prêtresse de Zeus aurait conçu Alexandre avec le dieu en personne. Le jeune prince reçoit une éducation idéale sous la tutelle d’Aristote. Il connait l’Iliade sur le bout des doigts et lit également les historiens comme Xénophon et Hérodote.

Portrait d’Alexandre dit Hermès Azara, réplique romaine de l’Alexandre à la lance de Lysippe Tivoli, © RMN / Hervé Lewandowski

A la mort de son père, assassiné lors du mariage de sa sœur Cléopâtre en 336, Alexandre a 20ans et hérite du royaume de Macédoine forgé en grande partie par Philippe II et de son expédition prévue contre les Perses. Empire qu’il va conquérir peu à peu, à travers des batailles mémorables aux yeux de l’Histoire, Granique, Issos, ou Gaugamèles, mettant à genoux Darius III.
Lors de son expédition, Alexandre va jusqu’en Inde, contrée inconnue et semi-légendaire pour lui. Ce n’est pas qu’une simple conquête militaire qui forme le plus grand empire n’ayant jamais existé. C’est aussi une expédition scientifique, autour du roi, des tas de personnes sont là pour arpenter, observer la faune et la flore et consigner les coutumes locales.
Sur sa route, ce sont plus de 70 cités qu’il créé à son nom pour mieux contrôler les territoires soumis.

De son vivant, Alexandre est déjà divinisé, assimilé à un nouvel Achille, à Héraclès dont il descend selon la légende et également comme fils de Zeus. Seuls trois artistes ont l’autorisation de représenter officiellement le jeune souverain : Lysippe pour la sculpture, Apelle en peinture et Pyrgotélès en glyptique. L’exposition présente notamment deux œuvres dérivées du portrait fait par Lysippe : le petit Alexandre à la lance, en bronze, de la fin du IVème avt JC, où Alexandre est représenté en conquérant, sa main sur l’épée. Cette petite statuette est presque contemporaine de l’originale et reprend les canons de Lysippe, à savoir un corps élancé et une petite tête. L’autre est l’Hermès Azara du Ier –IIème siècle. C’est une œuvre romaine, mais on reconnait parfaitement le jeune roi macédonien, dans ce portrait très typique, notamment par sa coiffure léonine, avec les mèches recourbées au-dessus du front.

Alexandre à la lance Hellénistique Egypte (Basse Egypte) © RMN / Stéphane Maréchalle – 2011

Son portrait sert également de base de vénération et est diffusé par des copies dans tous l’Empire, surtout après sa disparition.
Alexandre est décédé en -323 à Babylone et à sa mort c’est un long conflit (-323,-381) qui va opposer ses successeurs, les Diadoques, pour se partager l’immense empire. La dernière descendante de ces généraux, est Cléopâtre VII, des Lagides issus de Ptolémée.

Le tombeau d’Alexandre, le Sôma, placé en Egypte a longtemps été un lieu d’adoration, notamment par Jules César ou encore les empereurs Auguste, Caligula et Caracalla qui ont pris quelques « souvenirs » sur les lieux. Mais dès le IVème siècle de notre ère, son emplacement devient un mystère et un enjeu archéologique de taille.

Il reste encore beaucoup à découvrir sur la Macédoine, les archéologues travaillent toujours dans le pays dans l’espoir de mettre au jour d’autres vestiges dissimulés sous les tumuli. C’est une civilisation antique qui par ces découvertes et cette exposition se hisse au même niveau que ses voisines grecques et qui a la particularité d’être encore un champs de surprises à venir.

Hydrie cinéraire à vernis noir avec couvercle en plomb 350 av. J.C Amphipolis, © Hellenic Ministry of Culture and Tourism / Archaeological Receipts Fund

PS: N’hésitez pas à me suivre sur facebook ou twitter. Merci!

Liens :

http://alexandre-le-grand.louvre.fr/fr/ http://www.orserie.fr/culture-tentations/article/au-royaume-d-alexandre-le-grand-la-13765 http://www.villemagne.net/blog/au-royaume-d-alexandre-le-grand-la-macedoine-antique-une-exposition-au-musee-du-louvre http://www.artactu.com/exposition-au-royaume-d-alexandre-le-grand.-la-macedoine-antique-musee-du-louvre-article001113.html http://www.clio.fr/WM_SITECLIO/nouvellesdeclio/articles/au_royaume_dalexandre_le_grand.asp http://www.telerama.fr/art/au-royaume-d-alexandre-le-grand-la-macedoine-antique,74096.php http://www.franceinter.fr/evenement-au-royaume-d-alexandre-le-grand-la-macedoine-antique