Le Petit Palais une fois n’est pas coutume, nous propose à travers une exposition savamment mise en scène, de découvrir un artiste peu connu du grand public mais dont l’œuvre très éclectique mérite le détour. L’artiste en question c’est Georges Desvallières (1861-1950). Je ne le connaissais que pour ses liens avec Maurice Denis et j’ai découvert un artiste complet à la peinture forte et expressive, qui sait faire vibrer la matière et les couleurs afin de donner le plus de profondeur à ses toiles.
D’une longévité importante (1861-1950), ses styles évoluent avec les époques et reflètent les préoccupations esthétiques de ces dernières.
Il est le petit-fils de l’académicien Ernest Legouvé qui prend en charge son éducation et c’est le peintre Jules-Élie Delaunay qui l’initie à la peinture en lui inculquant l’importance du dessin et de l’observation des maîtres, enseignement qu’il parfait à l’Académie Julian. Mais c’est surtout la rencontre avec Gustave Moreau qui sera importante dans les premières années de sa carrière et son influence est palpable dans certaines de ses œuvres de jeunesse.
Delaunay et Moreau lui apportent chacun à leurs manières une façon de peindre qu’il synthétise. Ainsi dans sa représentation du corps, on retrouve à la fois l’importance de la ligne de Delaunay et l’intériorité psychique d’un Moreau. Cela donne des corps très athlétiques et nerveux qu’on retrouve sur toutes ses toiles mais les oeuvres religieuses qui viendront plus tard.
L’année 1903 est importante dans la carrière déjà bien avancée de G. Desvallières. Avec Frantz Jourdain, Eugène Carrière, Victor Charreton, Félix Vallotton, Édouard Vuillard et Adrien Schulz, il créé le fameux « salon d’Automne » dont « le rôle est d’être excessif parce que le rôle des autres salons est d’être le contraire ». C’est le début d’une grande aventure qui contribuera à faire connaître les impressionnistes ou les fauves à un large public populaire. Celui de 1905 révélera notamment Matisse.
En 1904 un nouveau tournant émerge dans l’art de G. Desvallières qui sera encore plus marqué dans l’entre-deux-guerres. Lui qui était jusqu’alors non pratiquant se converti au christianisme et sa foi nouvelle irradie de son travail. Très marqué par la guerre où il perd son fils Daniel, il participe activement à ce nouvel élan religieux qui naît suite à cette dernière. Abandonnant les œuvres profanes, il consacre tout son art à Dieu, liant dans un même élan créatif la Passion du Christ et le sacrifice des poilus. En résulte des oeuvres vibrantes parfois violentes comme ce Sacré coeur de 1905 où le Christ s’ouvre la poitrine devant la basilique du même nom. Il défend avec Georges Rouault un christianisme militant et social.
En 1919, il fonde avec Maurice Denis, les Ateliers d’art sacré (1919-1947), installés place de Furstenberg (Paris, 6e arrondissement), près de l’ancien atelier d’Eugène Delacroix. Il souhaite avec les Ateliers donner un nouvel art à l’église, un art moderne et poétique, anti-académique mais aussi en marge des nouveaux courants comme le cubisme. Dans l’esprit des corporations médiévales, des jeunes apprentis viennent se former dans les Ateliers pour répondre à des commandes précises, dans le but de redonner un décor aux églises dévastées par la guerre.
Dans les années 30, cet artiste reconnu de ses pairs devient membre de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique et de l’Institut de France.
C’est un très beau parcours que nous propose le musée du Petit Palais avec une exposition pleine de couleurs et de vie à l’image de l’oeuvre de cet homme reconnu comme un grand de son vivant,un peu oublié de nos jours mais qui renaît dans l’antre de ce musée que j’adore toujours autant.
Pour en savoir plus :
Georges Desvallières, la peinture corps et âme au Petit Palais
Jusqu’au 17 Juillet 2016 au Petit Palais.
Commissariat :
Isabelle Collet, conservateur en chef au Petit Palais, commissaire
Catherine Ambroselli de Bayser, conseiller scientifique