Ces dernières semaines furent très littéraire pour moi. J’ai eu l’occasion de visiter deux expositions organisées par des musées de la ville de Paris (Petit Palais et Vie Romantique) avec pour thème deux grands écrivains du XIXème siècle : Oscar Wilde et Charles Baudelaire.
L’exposition consacrée à Charles Baudelaire au musée de la Vie Romantique a pour ambition de mettre en rapport les œuvres que le poète a pu apprécier ou commenter et ses textes. Les textes autographes sont d’ailleurs le principal intérêt de cet exposition. Voir l’écriture nerveuse de l’auteur des Fleurs du mal est un plaisir, mais pour le reste je l’ai trouvé assez difficile à appréhender. Et en lisant le livre d’or je n’ai pas l’air d’être la seule.
Il s’agit de présenter Baudelaire comme le critique d’art qu’il était, dans la lignée de Diderot ; de présenter ses goûts et ceux de la société à une époque où les mouvements s’enchainent à une certaine vitesse, du Romantisme au Réalisme jusqu’à l’Impressionnisme.
Certes je n’ai pas bien lu tous les textes de l’exposition, notamment leurs petits blocs de planches, mais ceux qui me connaissent un peu savent que je ne vais pas dans les expositions pour lire, lire et encore lire. Cela a tendance à m’ennuyer plus rapidement que je le voudrais. C’est peut-être pour cela que je n’ai pas tout saisi. Heureusement le dossier de presse est là pour combler ma fainéantise.
Vous l’aurez donc compris ce n’est pas vraiment une exposition grand public. Elle est destinée à un public avisé qui saura apprécier leur juste valeur des œuvres peu connues qui témoignent de l’éclectisme du XIXème siècle et du goût pointu de Charles Baudelaire.
Mais venons-en à l’exposition qui m’a fait chavirée, car elle concerne l’un de mes écrivains préférés, peut-être mon écrivain préféré, Oscar Wilde.
Le Petit Palais lui consacré une exposition quasi-parfaite, qui nous renseigne sur sa vie, son œuvre et sur son regard sur l’art à travers des peintures qu’il admira, des écrits, des caricatures, des photographies, des lettres, des citations etc.
Souvent considéré comme un grand écrivain anglais, Oscar Wilde est en réalité irlandais. Il arrive à 20 ans en 1874 au Magdalen College d’Oxford où il suit avec enthousiasme les cours de Walter Pater et John Ruskin qui développent la sensibilité esthétique d’un dandy en pleine construction qui ne cessera de s’affirmer avec les années, gagnant en notoriété.
On découvre ensuite le Wilde critique d’art, se délectant devant les œuvres présentées dans la Grosvenor Gallery. S’attachant surtout aux sujets mythologiques ou d’histoire ancienne, Oscar Wilde admire la peinture d’Edward Burne-Jones et reproche à William Blake Richmond son manque de vraisemblance dans les costumes de ses peintures. L’intérêt de l’exposition c’est de voir en même temps que les critiques, les tableaux en question et ainsi d’apprécier à la fois la peinture anglaise de ce dernier tiers du XIXème siècle et l’avis d’Oscar Wilde concernant la composition des uns, la maitrise de la couleur des autres, la réalité historique d’un décor etc.
John Roddam Spencer Stanhope (1829-1908), L’Amour et la jeune fille, 1877. Crédit : Fine Arts museum de San Francisco Achat du musée, du European Art Trust Fund, du Grover A. Magnin Besquest Fund and du Dorothy Spreckels Munn Bequest Fund
Fort de sa nouvelle réputation Oscar Wilde s’embarque en 1882 pour les Etats Unis d’Amérique ou il est mandaté pour faire une tournée de conférences à travers tout le pays, de New York à la côte Ouest devant des indiens, des mineurs ou des mormons. Il expose sa vision de l’esthétisme mais aussi des sujets plus concrets comme « Les Arts décoratifs ». C’est de cette époque que date la fameuse série de photographies de Napoléon Sarony où on le voit avec ses bas de soie et son veston de velours prenant ses fameuses poses qui sont rentrées dans la légende. La confrontation Wilde/Amérique telle qu’elle nous l’est présentée dans l’exposition est amusante. D’un côté les impressions du poète sur le nouveau monde où tous les habitants lui semblent pressé et de l’autre la flopée d’images le représentant de manière souvent précieuse, dont cette étonnante caricature de Sir Max Berrbohm avec son lys et son brushing.
De retour de ce périple, Oscar Wilde se marie pour satisfaire sa mère avec Constance Lloyd avec qui il a deux garçons, Cyril et Vyvyan. Il se rend également à Paris où il rencontre Victor Hugo, Maurice Rollinard, Pau Verlaine, Edmond e Goncourt et Stéphane Mallarmé qu’il admire. Il sera même peint par Henri de Toulouse Lautrec dans l’une de ses toile représentant La Goulue au à la Foire du Trône.
Son travail d’écriture se développe, il écrit des pièces et devient rédacteur d’un magazine dédié aux femmes qu’il rebaptise Woman’sWorld.
Puis vient l’année 1891, l’année où est publié son seul roman, un chef-d’œuvre de la littérature fantastique et philosophique : The Picture of Dorian Gray. L’histoire de ce beau jeune homme qui se fait portraiturer et dont le portrait justement absorbe tous les vices et méfaits de son double de chair qui de son côté ne vieillit pas jusqu’à la fin tragique. Ce roman est une critique de la société, il reflète les considérations de Wilde sur l’art et l’esthétisme et il y inclut tous les thèmes qui lui sont chers : la morale, la beauté, l’hédonisme. Que c’est magique de pouvoir admirer ses pages manuscrites, son écriture ronde, les ouvrages dédicacés…
Les années 1890-95 sont des années créatives. C’est en 1895 qu’il créé au St. James Theatre, L’Importance d’être constant. Sa pièce la plus célèbre. En 1893 c’est Salomé qui est écrite à Paris et en français pour Sarah Bernhardt. L’actrice ne jouera jamais le rôle et la pièce est interdite en Angleterre mais elle inspira de nombreux artistes dont Aubrey Beardsley qui fut chargé d’en réaliser les illustrations.
C’est également dans ses années qu’il rencontre Lord Alfred Douglas, âgé de 21 ans alors qu’il a lui-même la quarantaine. Cette relation passionné transforme sa vie tout entière et le mènera à sa perte quand il s’oppose au père du jeune homme, le marquis de Queensberry. Les choses se retournent contre lui et il finit par être jugé pour outrage à la pudeur. Nous sommes dans l’Angleterre très puritaine et hypocrite de la reine Victoria où il ne faut pas montrer les scandales. Oscar Wilde est donc condamné à la prison pour ce qu’il est. Durant ses années très dures pour lui, il écrit son De Profundis, longue lettre destinée à Alfred. Il retrouve malgré tout son amant à sa libération en 1897 et ils voyagent ensemble en Italie. Il mourra en 1900 à Paris, loin de chez lui, un peu oublié mais en 1909, le sculpteur Jacob Epstein lui édifie un tombeau en forme de sphinx qui aujourd’hui encore accueillent ses admiratrices et admirateurs venus du monde entier.
J’ai adoré cette exposition, voir ces peintures anglaises, les manuscrits d’Oscar Wilde, les photos, les caricatures qu’on faisait de lui où il apparaissait comme un ogre dévorant la vie à pleine dent. C’est vraiment une très belle exposition qui rend parfaitement hommage à ce grand bonhomme sensible qu’était Wilde.
Bravo !
Petit Palais
Oscar Wilde
L’impertinent absolu
Du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017
COMMISSAIRES : Dominique Morel : conservateur en chef au Petit Palais
Merlin Holland : conseiller scientifique
Musée de la Vie romantique
‘L’oeil de Baudelaire’ / 20 septembre 2016 – 29 janvier 2017
COMMISSAIRES : Robert Kopp, professeur à l’université de Bâle,Suisse, correspondant à l’Institut
Charlotte Manzini, docteur en littérature
Jérôme Farigoule, directeur du musée de la Vie romantique
Sophie Eloy, directrice adjointe, musée de la Vie romantique