Je pensais avoir fait le tour de la plupart des expositions en attendant la nouvelle fournée qui commence essentiellement en mars, mais j’avais oublié le Musée de la Vie Romantique et son exposition sur les « Visages de l’effroi ». A une semaine de sa clôture, je me suis donc dépêchée de m’y rendre et j’ai plus que bien fait. Le musée d’Orsay avait déjà mis en lumière ces œuvres torturées du XIXème siècle, tournées vers l’obscurité de l’âme et les drames historiques et mythiques dans « Crime et Châtiments » et « l’Ange du bizarre ». L’intérêt ici ce sont les œuvres uniquement françaises, des œuvres moins connues d’artistes moins célèbres du courant néoclassique ou romantique.
Les néoclassiques en tant que témoins des troubles révolutionnaires et des guerres napoléoniennes ont une vision très froide de l’horreur, les romantiques de leurs côtés façonnement une nouvelle esthétique, crépusculaire, aux frontières du fantastique.
Le parcours est construit autour de 4 thèmes : La chute des héros, Martyrs profanes, martyrs chrétiens, Violences et réalités et Les affres de l’Au-delà.
La chute des héros fait référence à cette période révolutionnaire et postrévolutionnaire où la conscience d’un monde en plein changement, et que plus rien ne sera comme avant habite les artistes. Les néoclassiques tentent de renouveler les thèmes en puisant dans l’Histoire antique des sujets héroïques. Pour ces héros d’un autre temps, la violence est brute et vertueuse et contribue au sublime. Chez les romantiques, avec le salon de 1824, Delacroix, Boulanger et Devéria font fi des convenances et peignent une violence sans fard. Les œuvres sont poignantes, les héros de ces toiles se tordent de douleurs et le sang coule à flot quand ce n’est pas la misère sordide et froide du quotidien qui est mise en avant.
Cette Révolution qui sacrifie tant et tant d’êtres pas forcément coupables alimente une esthétique nouvelle. Les héros révolutionnaires deviennent des saints martyrisés, comme Marat dans sa baignoire. La Restauration redonne sa place d’honneurs aux œuvres religieuses mais la façon de peindre a changé et l’héritage reste. Cette mère terrorisée peinte par Cogniet pour son « Massacre des Innocents » en 1824 est criante de réalité. Sa douleur est réelle et la violence qui se prépare est presque palpable.
Avec la presse qui se développe, la grande nouveauté pour ces peintres c’est la possibilité de peindre des affaires contemporaines toutes aussi sordides les unes que les autres. Les journaux sont une bible d’histoires sans cesse renouvelées. La terrible affaire Fualdès, ancien procureur impérial Fualdès égorgé dans la nuit du 19 au 20 mars 1817 à Rodez inspire à Géricault une série d’esquisses préparatoires en vue d’un grand tableau monumental qu’il ne réalisera pas au profit du Radeau de la Méduse, autre fait contemporain.
La littérature elle aussi en pleine mutation continue à être une source d’inspiration pour tous ces peintres en quêtes d’histoires nouvelles, ainsi La fiancée de Lammermoor de Walter Scott donne à Emile Signol « La folie de la fiancée de Lammermoor » où la malheureuse Lucy Ashton se tient recroquevillée dans sa cheminée, les yeux remplit de folie.
La dernière partie est consacrée au Romantisme noir et porte sur toute cette production irrationnelle, sombre et fantastique avec une large part consacrée au mythe d’Ossian, invente entre 1760 et 1773 par James Macpherson qui constitue une nouvelle mythologie.
C’est une exposition extraordinaire avec sa part d’ombre comme je les aime. J’avais déjà aimé toutes les précédentes sur le sujet. Ces œuvres sont un volet important de l’Histoire de l’art du XIXème siècle, et c’est toujours très intéressant de les retrouver et d’admirer comment tous ces artistes ont retranscrit la violence de leur époque, une violence qu’on oublie souvent quand on pense au XIXème siècle.
Je sais que je m’y prends tard, mais en cette semaine de vacances, si vous pouvez y faire un petit tour, n’hésitez pas.
VIOLENCE ET FANTASTIQUE DE DAVID À DELACROIX
Musée de la Vie romantique
3 novembre 2015- 28 février 2016