Un retour furtif en enfance le temps d’une visite à Marmottan

Afficher l'image d'origineJe suis désolée de vous parler si tard de cette sympathique petite exposition qui finit dans une semaine, mais entre les grèves et autres, je n’ai pu y aller que la semaine dernière.

Nous sommes dans le charmant musée Marmottan dont je vous ai déjà parlé 2 ou 3 fois. Très mimi dans son hôtel particulier perdu au fin fond du 16° où  des collections sur le 1er Empire côtoient une belle collection d’enluminures mais surtout de très nombreux impressionnistes à commencer par Claude Monet et Berthe Morisot.

Aujourd’hui ce qui nous intéresse c’est l’exposition et son thème très très vaste : l’enfance.  Le musée décide de nous présenter à travers une centaine d’oeuvre l’évolution de la place de l’enfant dans notre société et notamment par_rapport_à l’adulte et ce du XVème au XXème siècle. Oui quand je dis très vaste, c’est  en fait encore en dessous de la réalité.

On commence donc pas les représentations de l’enfant Dieu et de l’enfant roi, longtemps les seuls bambins réellement présent dans l’art. Et pour cause. Le taux de mortalité infantile était tel qu’on devait en faire le plus possible pour espérer en voir un atteindre l’âge adulte.  On évitait donc de les représenter trop tôt.
De nombreux petits Louis XIV sont présentés avec ses tenues de mini-roi.  Il incarne l’espoir enfin retrouvé d’un futur pour la dynastie. Oui c’est que notre cher Louis Dieudonné a quand même mis 23 ans avant de pointer le bout de son auguste petit nez. On va le voir grandir en peinture, bébé, bambin, enfant, ado…et à chaque fois un rappel de son statut de d’héritier  puis de roi mais également une légitimation du pouvoir de la régente, sa maman, la reine Anne d’Autriche. En fait la représentation de l’enfance  de ce roi ou même plus tard de Louis XV est déjà un thème assez riche pour en faire une exposition à part. Mais ce n’est que mon avis. Messieurs de Versailles si vous me lisez….

Revenons donc chez le commun des mortels qui ne portent point de couronne ni d’ordre du Saint Esprit sur ses langes.

Je vous ai dit que la mortalité infantile est forte et que de fait on a peu de portraits d’enfant, mais il y en a quand même, j’en ai vu dans de nombreuses expositions et notamment des portraits posthumes  très touchants d’enfants déjà disparus. Ici c’est le portrait par Pierre Mignard de la petite Mademoiselle de Tours morte à l’âge de 7ans qui est particulièrement poignant. On y voit la fille naturelle de Louis XIV, toute charmante, comme une petite poupée en train de jouer avec ses bulles de savon qui sont une cruelle allégorie de la fragilité de la vie. Et je ne vous parle même pas du « Portrait d’un enfant mort » de Philippe de Champaigne ( ?) d’une tristesse absolu.

Heureusement l’innocence revient avec tout l’intérêt du Siècle des Lumières pour l’enfant et son éducation. L’allaitement est de nouveau à la mode, on se soucie de ces petits êtres, on commande de charmants portraits (Vigée Lebrun, François-André Vincent) et l’esprit de famille est célébré en peinture (Jacques-Augustin-Catherine Pajou) témoignant de l’amour que se portent les membres mais aussi de la continuité de la vie. J’ai beaucoup aimé le « Portrait de famille, dit autrefois Michel Gérard, membre de l’Assemblée nationale et sa famille en 1789 » par un artiste de l’entourage de David, en particulier la figure du père très attendrissante avec ses trois fils et sa fille qui veille sur eux en l’absence de la mère probablement décédée.
Le XVIIIème siècle est aussi celui des sciences pure, ainsi nous ne serons pas étonné de trouver des réflexions sur les avancements de l’obstétriques à travers des fascinantes gravures de Jacques-Fabien Gautier-Dagoty montrant une femme enceinte de l’intérieure ou encore ce petit Mannequin viscéral en ivoire des alentours de 1700 qui me rappelle ma poupée Maman surprise de quand j’étais moi aussi une enfant.

On passe ensuite au XIXème siècle où l’enfant est clairement plus présent dans les représentations artistiques aux aspects très différentes les unes des autres.  Comme le dit très bien le dossier de presse : « L’enfant est donc investi de toutes parts : médecins et savants, pédagogues et philanthropes, industriels, juristes, sans oublier bien entendu les familles ».

On a l’enfant-petit adulte et donc petit soldat qui prend les armes pour défendre la patrie à l’image des « Petits Patriotes » de Philippe-Auguste Jeanron  de 1830. J’ai regrettée dans ce thème l’absence de Barra par David. Il faut rappeler que les petits garçons seront éduqués au maniement des armes dans l’optique dans faire de futurs soldats pendant une bonne partie de ce siècle.  Mais nous avons aussi l’enfant des rues et miséreux (Pelez et Lepage magnifiques et poignants), l’enfant de la campagne et l’enfant impressionniste plus innocent, frais et idéal.

pates-de-sableLa partie XXème siècle ne s’intéresse pas tant à l’intérêt des artistes pour l’enfance qu’à l’intérêt pour l’art enfantin considéré comme plus brut et donc plus vrai. On cherche à retrouver cette innocence, ce synthétisme à l’image d’un Dubuffet et comme disait Picasso avec sa modestie légendaire : « Quand j’étais enfant, je dessinais comme Raphaël mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant. »

Le Peintre et l'enfant
Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musée Picasso. MP1990-36.

Et il est déjà l’heure de retrouver le monde des adultes. L’exposition était très sympathique avec de jolies œuvres, très variées et pour tous les goûts. Le seul petit bémol et il est vraiment petit c’est que le sujet est peut-être un peu trop vaste et que j’ai eu l’impression d’effleurer qu’une infime partie de ce dernier et je suis restée un peu sur ma faim. Mais encore une fois rien de dramatique.

L’ART ET L’ENFANT
Chefs-d’œuvre de la peinture française : Cézanne, Chardin, Corot, Manet, Monet, Matisse, Renoir, Picasso…
Du 10 mars 2016 au 03 juillet 2016.

 

Georges Desvallières, portrait d’un homme de foi et de peinture

Le Petit Palais une fois n’est pas coutume, nous propose à travers une exposition savamment mise en scène, de découvrir un artiste peu connu du grand public mais dont l’œuvre très éclectique mérite le détour.  L’artiste en question c’est Georges Desvallières (1861-1950). Je ne le connaissais que pour ses liens avec Maurice Denis et j’ai découvert un artiste complet à la peinture forte et expressive, qui sait faire vibrer la matière et les couleurs afin de donner le plus de profondeur à ses toiles.

George Desvallières, Autoportrait, 1891 Collection Domitille Desvallières-Rousse
autoportrait, 1891

 

D’une longévité importante (1861-1950), ses styles évoluent avec les époques et reflètent les préoccupations esthétiques de ces dernières.
Il est le petit-fils de l’académicien Ernest Legouvé qui prend en charge son éducation et c’est le peintre Jules-Élie Delaunay qui l’initie à la peinture en lui inculquant l’importance du dessin et de l’observation des maîtres, enseignement qu’il parfait à l’Académie Julian.  Mais c’est surtout la rencontre avec Gustave Moreau qui sera importante dans les premières années de sa carrière et son influence est palpable dans certaines de ses œuvres de jeunesse.

Delaunay et Moreau lui apportent chacun à leurs manières une façon de peindre qu’il synthétise. Ainsi dans sa représentation du corps, on retrouve à la fois l’importance de la ligne de Delaunay et l’intériorité psychique d’un Moreau. Cela donne des corps très athlétiques et nerveux qu’on retrouve sur toutes ses toiles mais les oeuvres religieuses qui viendront plus tard.

L’année 1903 est importante dans la carrière déjà bien avancée de G. Desvallières.  Avec Frantz Jourdain, Eugène Carrière, Victor Charreton, Félix Vallotton, Édouard Vuillard et Adrien Schulz, il créé le fameux « salon d’Automne » dont « le rôle est d’être excessif parce que le rôle des autres salons est d’être le contraire ». C’est le début d’une grande aventure qui contribuera à faire connaître les impressionnistes ou  les fauves à un large public populaire. Celui de 1905 révélera notamment Matisse.
En 1904 un nouveau tournant émerge dans l’art de G. Desvallières qui sera encore plus marqué dans l’entre-deux-guerres. Lui qui était jusqu’alors non pratiquant se converti au christianisme et sa foi nouvelle irradie de son travail. Très marqué par la guerre où il perd son fils Daniel, il participe activement à ce nouvel élan religieux qui naît suite à cette dernière. Abandonnant les œuvres profanes, il consacre tout son art à Dieu, liant dans un même élan créatif la Passion du Christ et le sacrifice des poilus. En résulte des oeuvres vibrantes parfois violentes comme ce Sacré coeur de 1905 où le Christ s’ouvre la poitrine devant la basilique du même nom. Il défend avec Georges Rouault un christianisme militant et social.
En 1919, il fonde avec Maurice Denis, les Ateliers d’art sacré (1919-1947), installés place de Furstenberg (Paris, 6e arrondissement), près de l’ancien atelier d’Eugène Delacroix. Il souhaite avec les Ateliers donner un nouvel art à l’église, un art moderne et poétique, anti-académique mais aussi en marge des nouveaux courants comme le cubisme. Dans l’esprit des corporations médiévales, des jeunes apprentis viennent se former dans les Ateliers pour répondre à des commandes précises, dans le but de redonner un décor aux églises dévastées par la guerre.

Dans les années 30, cet artiste reconnu de ses pairs devient membre de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique et de l’Institut de France.

C’est un très beau parcours que nous propose le musée du Petit Palais avec une exposition pleine de couleurs et de vie à l’image de l’oeuvre de cet homme reconnu comme un grand de son vivant,un peu oublié de nos jours mais qui renaît dans  l’antre de ce musée que j’adore toujours autant.

Pour en savoir plus :

Georges Desvallières, la peinture corps et âme au Petit Palais
Jusqu’au 17 Juillet 2016 au Petit Palais.

Commissariat :

Isabelle Collet, conservateur en chef au Petit Palais, commissaire
Catherine Ambroselli de Bayser, conseiller scientifique

http://www.georgedesvallieres.com/

plus que quelques jours pour admirer la garde robe de la « divine comtesse »

imageIl vous reste quelques jours pour profiter de l’exposition consacrée à la fascinante comtesse Greffulhe, une femme étonnante, cultivée, protectrice des arts et amatrice de mode d’où sa présence au musée Galliera.

Élisabeth de Riquet de Caraman-Chimay (1860-1952) appartient à la très bonne société, elle est la nièce de Robert de Montesquiou et elle épouse à 18 ans, en 1878 le future comte Henry Greffulhe. Mais c’est sous les traits de la duchesse de Guermantes, personnage de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust qu’elle devient immortelle.

En plus d’être une très belle femme dont la beauté éblouie ses contemporains – Proust disait d’elle, « tout le mystère de sa beauté est dans l’éclat, dans l’énigme surtout de ses yeux. Je n’ai jamais vu une femme aussi belle. »- la comtesse a aussi de l’esprit. Dans son salon rue d’Astorg, ou dans son château, de Bois-Boudran ou encore dans sa villa de Dieppe, elle reçoit Anatole France, prend des cours avec Nadar, organise aussi des représentations lyriques, comme celle de Béatrice et Bénédict d’Hector Berlioz au théâtre de l’Odéon en 1890 et la première représentation parisienne de Tristan et Isolde de Richard Wagner, elle favorise avec la princesse Edmond de Polignac la venue à Paris des Ballets russes, soutient Marie Curie, se passionne pour les travaux d’Edouard Branly et est également un soutient du colonel Dreyfus ou du Front populaire malgré ses origines aristocratiques. Une femme aussi belle qu’étonnante je vous dis !!!

Elégante, elle sait se mettre en scène et prépare ses apparitions avec minutie, prenant grand soin de sa toilette. Une cinquantaine de modèles sont présentés dans l’exposition, griffés Worth, Fortuny, Babani, Lanvin, Nina Ricci. Chacune des tenues témoigne d’une part du bon goût de la duchesse, d’autre part de sa grande modernité. Elle suit la mode et s’habille dans l’air du temps, et elle en a connu des époques : elle vécut la fin du Second Empire, deux républiques, deux guerres mondiales, connut la Belle Époque et les Années folles.

Certaines pièces sont absolument merveilleuses et donne envie de se glisser dedans pour faire revivre les fastes du passé comme cette cape russe offerte par Nicolas II lors de sa visite à la comtesse en 1896 qui fit encore sensation quelques années plus tard comme en témoigne un article du Figaro du 15 avril 1904. Elle avait en effet fait mettre sa cape au gout du jour par Worth et la porta lors d’une soirée lors d’une soirée de gala organisée au théâtre Sarah-Bernhardt au bénéfice des blessés russes.
Les robes de Worth sont celles que j’ai le plus aimées, elles sont magiques :
– la robe de tea-gown, en velours ciselé bleu foncé sur fond de satin vert qui mettait sa chevelure auburn en valeur, met parfaitement sa ligne en évidence.
– la robe byzantine portée pour le mariage de sa fille, dut quant à elle faire bien des jalouses, elle était « […] fascinante jusqu’à l’éblouissement, dans une sensationnelle toilette d’impératrice byzantine : robe de brocart d’argent couverte d’artistiques broderies à reflets nacrés rehaussés d’or et de perles fines, ourlée d’une bande de zibeline. Splendide collier de chien et sautoir en perles fines. Immense chapeau en tulle argent bordé de zibeline, avec, de chaque côté, de volumineux Paradis, entre lesquels se dressait droit et fier, un énorme diamant brillant comme une grosse larme de joie irisée de soleil […] » (La Femme d’aujourd’hui, décembre 1904).
Et que dire de la « robe aux lys », faite spécialement pour elle, avec sa taille princesse et se motif de lys rappelant le poème de Robert de Montesquiou
« Comme un beau Lis d’argent aux yeux de pistils noirs
Ainsi vous fleurissez profonde et liliale,
Et, tout autour de vous, la troupe filiale
Des fleurettes s’incline avec des encensoirs. »

C’est cette robe fabuleuse qu’elle porte sur de nombreuses photos dont sa photo d’identité.
image
Une belle exposition, surtout pour femmes il faut l’avouer où on découvre une belle personne à travers ses robes, ce qui est une manière originale de découvrir quelqu’un, mais quand on dit que ce que l’on porte est le reflet de notre personnalité, ce n’est que trop vrai dans ce cas.
Le seul bémol revient aux armatures de bois des podiums trop visibles qui gâchent un peu la mise en scène, très jolie au demeurant, mais qui du coup a un côté pas fini. Rien de bien grave en somme au regard de la qualité de l’exposition. Le seul problème de ce genre d’exposition, c’est qu’après on veut gagner au loto pour être aussi élégante avec toutes ses toilettes….

LES ROBES TRÉSORS DE LA COMTESSE GREFFULHE

Du 7 novembre 2015 au 20 mars 2016
Musée Galliera
Commissariat :
Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera,
Et l’équipe de la conservation et de la documention du Musée de la Mode de la Ville de Paris,
Alexandra Bosc, Laurent Cotta, Sophie Grossiord, Sylvie Lécallier et Sylvie Roy.

 

Orsay impressionne avec la prostitution comme vous ne l’avez jamais vu!

Pour ne pas trop changer les bonnes habitudes, le musée d’Orsay frappe encore les consciences avec une exposition qui bouscule les bien-pensants, Splendeurs et misères. Images de la prostitution, 1850-1910.

Giovanni Boldini Traversant la rue © Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown, Massachusetts, USA / Photo Michael Agee / Bridgeman Images
Giovanni Boldini
Traversant la rue
© Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown, Massachusetts, USA / Photo Michael Agee / Bridgeman Images

J’avais très envie de faire cette expo car je le sujet, très riche, promettait des œuvres de choix mais je ne m’attendais pas à ça. C’est une véritable exposition fleuve que nous propose Orsay (je ne crois pas en avoir déjà vu de plus longue), et surtout un traitement de fond très impressionnant. On frôle l’étude sociologique. Tous les aspects de la prostitution sont abordés, de l’image flatteuse de la courtisane à la pauvreté et la solitude de ces femmes, en passant par celle qui se prostitue occasionnellement pour boucler les fins de mois, les maisons closes, le débat politique et la question médicale.
Le titre est particulièrement bien choisi car on observe aussi bien la splendeur mise en scène par nombres d’artistes que la misère absolue de toute une époque. La plupart des mouvements artistiques du XIXème siècle vont s’approprier le phénomène, le traitant chacun à leur façon, l’académisme, le naturalisme, l’impressionnisme, le fauvisme ou l’expressionnisme.

"L’Attente" (1880) de Jean Béraud (1849-1935) © Dist. RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Franck Raux - Paris, musée d’Orsay
« L’Attente » (1880) de Jean Béraud (1849-1935) © Dist. RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Franck Raux – Paris, musée d’Orsay

Dans un premier temps, il convient de réussir à identifier la prostituée, celle-ci en plein jours se distingue difficilement des femmes honnêtes comme on le disait. Cela peut-être la blanchisseuse assise sur un banc comme chez Dagnan-Bouveret ou cette femme élégante qui traverse la rue chez Boldini. Parfois un léger indice la trahit mais encore faut-il être très observateur. Ainsi dans l’attente de Jean Béraud, la dame soulève légèrement sa jupe pour faire entrevoir sa cheville et dans le tableau d’après, l’homme l’a rejointe pour convenir d’un rendez-vous.

Les lieux de rencontres sont très variés. La prostitution fait partie intégrante des loisirs de sociabilité  que l’on peut pratiquer seul ou avec ses amis et des guides pour touristes intéressés sont édités.

Edouard Manet La prune © Courtesy The National Gallery of Art, Washington
Edouard Manet
La prune
© Courtesy The National Gallery of Art, Washington

L’un des lieux les plus propices est le café puis plus tard le café-concert et le cabaret. Les femmes honnêtes ne peuvent se présenter accoudées à une table avec un verre devant elle. Souvent, il s’agit d’une professionnelle qui attend là le client, avec son verre d’absinthe. Ce genre de scène a inspiré nombres d’artistes : Toulouse-Lautrec, Van Gogh ou Edouard Manet.
Mais là où tout devient plus clair et où les faux semblants s’estompent demeurent l’heure où la nuit pointe le bout de son nez et où les éclairages modernes s’allument. Les belles de nuit surgissent le long des grands boulevards et jouent des éclairages pour prendre des positions non équivoques.
Certains lieux pourtant gardent leurs secrets. Ainsi l’Opéra, lieu de rencontres mondaines de la bourgeoisie et de l’aristocratie cache bien des dessous sombres. Les petits rats sont souvent offertes comme privilèges aux riches protecteurs qui les entretiennent. C’est là aussi que l’on peut croiser des demi-mondaines en pleine démonstration dans les loges ou les escaliers monumentaux. Degas, Manet, Giraud, Gervex en sont des témoins précieux.

Vient l’heure de passer les portes des maisons closes. Cette institution légalisée en 1804, permettait une surveillance policière et médicale efficace des pensionnaires, chacune étant inscrite sur le livre de la tenancière et pourvue d’un numéro. Autant dire qu’il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Du taudis miteux à la maison luxueuse et distinguée. Ces lieux clos sont l’objet de fantasmes chez les artistes qui viennent y trouver des sujets et des modèles et parmi ces derniers, Toulouse-Lautrec qui partagent leur vie quotidienne est leur interprète le plus fidèle. Les scènes de toilettes intimes sont traitées avec beaucoup de justesse par ces peintres et témoignent aussi des relations de proximité qui existent entre les filles.

Henri Gervex Le bal de l'Opéra, Paris © Photo courtesy of Galerie Jean-François Heim, Basel / cliché Julien Pépy
Henri Gervex
Le bal de l’Opéra, Paris
© Photo courtesy of Galerie Jean-François Heim, Basel / cliché Julien Pépy

Mais la peinture n’est pas le seul art à passer les portes de ces maisons. La photographie prend de plus en plus de place et des images licencieuses produites en atelier sont éditées en nombre afin de servir de publicité et d’attirer le client. Je dois l’avouer que cette partie de l’exposition est assez dérangeante. Même si on est prévenu pour une fois car il faut passer un lourd rideau avec l’interdiction aux mineurs de le franchir. Toujours est-il que je ne sais pas si c’est dérangeant ou amusant de voir toutes ces personnes, bien sûre d’elles,  observer avec minutie et intérêt presque scientifique chacun  de ces clichés très clairement pornographiques pour certains. Le summum de ce malaise venant avec la diffusion d’un film d’époque où l’on voit le monsieur entré dans la chambre de la prostituée qui se prépare et fait son travail avec un fond de petite musique de film du XIXème siècle et les rires gênés des spectateurs qui se demandent s’ils doivent rester ou  non jusqu’à la « conclusion ».

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« L’Inspection médicale : femme de maison blonde » (1893-1894) d’Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski – Paris, musée d’Orsay

Puis vient tout l’envers du décor. On découvre tout lé côté législatif qui entoure la profession et notamment l’aspect hygiénique de la chose avec des contrôles médicaux obligatoires pour lutter contre la propagation des maladies vénériennes. Car ces pauvres femmes sont souvent les victimes de la syphilis ou autre. La hausse de la prostitution clandestine et la prise de conscience du mode de vie de ces femmes pousse en avant l’abolitionnisme, soutenu par des mouvements féministes et aboutie à la fermeture des maisons closes en 1946.

L’exposition s’amuse de son propos car après nous avoir bien présenté la misère, revoici la splendeur incarnée par ces demi-mondaines, ces courtisanes au train de vie à faire pâlir d’envie plus d’une femme de l’époque. Vivant dans des hôtels particuliers, décorés au goût du jour et tous frais payés et réussissant même parfois à se faire épouser par un riche monsieur à particule, ces femmes incarnent un rêve chimérique et fascinent. On peut citer Madame Valtesse de la Bigne, La Païva ou la Castiglione.  Mais la réalité peut être autre comme le souligne Alexandre Parent du Châtelet, médecin et spécialiste de la prostitution du XIXème siècle : « personne ne niera que […] ces femmes soient de véritables prostituées ; elles en font le métier ; elles propagent plus que toutes les autres les maladies graves et les infirmités précoces ; elles détruisent la fortune aussi bien que la santé, et peuvent être considérées comme les êtres les plus dangereux que renferme la société. »

Dans le Paris de cette seconde moitié du XIXème siècle, considéré comme une nouvelle Babylone, la prostituée devient l’image de la femme dangereuse par excellence. Elle est à la fois source de vice et fascinante. Elle devient l’image de la femme fatale qu’on ne sait si on doit l’aimer ou s’en méfier.
Le peintre symboliste Mossa illustre bien cette dichotomie dans sa peinture Elle. Une femme hypersexualisée mais au visage de poupée est assise sur une montagne d’hommes nus, soumis et sanguinolent.

Gustav-Adolf Mossa Elle © ADAGP, Paris 2015 - RMN-Grand Palais / Droits réservés
Gustav-Adolf Mossa
Elle
© ADAGP, Paris 2015 – RMN-Grand Palais / Droits réservés

Cette exposition très bien mise en scène aborde toutes les facettes de la prostituée. Tous ce que des dizaines d’artistes et avec eux leur époque ont pu voir en ces femmes qui incarnent une partie de cette société. Le côté fascinant, mystérieux, langoureux et violent. C’est à la fois la lumière et l’ombre qu’Orsay nous présente de façon magistrale et grandiose. On sent le vrai travail de recherche et encore une fois, on n’a pas seulement l’impression de sortir d’une exposition de beaux-arts mais plutôt d’avoir vu un reportage très complet sur le phénomène de la prostitution au XIXème siècle et au début du XXème siècle. Et même s’il faut préciser que certains publics peuvent être dérangés par des parties du propos et son illustration, c’est un travail grandiose.

Bravo !

Commissariat

Marie Robert et Isolde Pludermacher, conservateurs au musée d’Orsay
Richard Thomson, professeur d’histoire de l’art à l’Université d’Edimbourg,
Nienke Bakker, conservateur au van Gogh Museum, Amsterdam

Scénographie

Robert Carsen, scénographe et directeur artistique

22 septembre 2015 – 17 janvier 2016

Les héroïnes de l’Opéra-Comique vous attendent…

1160-affiche-comique-petitpalaisIl y a quelques année, j’avais été littéralement émerveillée par l’exposition consacrée à la Comédie française au Petit Palais. C’est pourquoi celle sur l’Opéra Comique me faisait de l’oeil.

Mais l’Opéra-Comique c’est quoi ? Contrairement à ce que le nom laisse à penser, il ne se définit pas par l’humour. C’est un spectacle avec une alternance de dialogues chantés et parlés. Un peu comme l’ancêtre des comédies musicales.
Organisée à l’occasion du tricentenaire de la maison fondée sous Louis XIV, cette dernière ne retrace pas l’histoire de l’institution mais est centrée sur les grandes figures théâtrales, Carmen, Mélissandre, Manon et tant d’autres. Autant de figures féminines qui ont bouleversé leurs contemporains et ébranlés les bonnes moeurs de l’époque, à l’image de la flamboyante et libre Carmen.

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7 opéras sont présentés, tous conçus entre 1870 et 1902, la période la plus marquante en création et inventivité :  Carmen, Les Contes d’Hoffmann, Lakmé, Manon, Le Rêve, Louise et enfin Pelléas et Mélisande. On découvre leurs créateurs, les partitions, les costumes prêtés par le centre du costume de Moulin, les affiches et d’autres oeuvres.

Marie Van Zandt en Lakmé
Marie Van Zandt en Lakmé

C’est une immersion complète dans chacun de ces opéras, comme des pages d’un livre que l’on parcourt. Tous les arts sont représentés et on apprend à mieux connaître la genèse de ces pièces et de l’Opéra-Comique à travers elles.

Après pour être totalement honnête j’ai trouvé cette exposition beaucoup moins complète et magique que celle sur la Comédie Française et je suis sortie avec un goût de trop peu, l’impression de n’avoir que survolé ces opéras. Les passionnés de musique trouveront avec ravissement des partitions originales ou des extraits d’opéra et les néophytes apprendront deux trois trucs.
En dehors des deux magnifiques portraits qui nous accueillent, ceux de Carmen sous les traits de Jeanne Gerville-Réache et Célestine Galli-Marié et qui nous plongent d’emblée dans un univers onirique haut en couleurs ; la partie sur l’incendie du 25 mai 1887 de la salle Favart nous emmène pour sa part dans la réalité de cette fin du XIXème siècle, de ces drames qui conduisent à l’adoption de la modernité, ici l’électricité obligatoire dans les  théâtres et cafés-concerts. Cette partie de l’exposition est l’une des plus instructive à mon goût.

Jean Louis Talagrand, l'intérieur de l'Opera-Comique après l'incendie de 1887
Jean Louis Talagrand, l’intérieur de l’Opera-Comique après l’incendie de 1887

En bref, une très belle exposition mais qui aurait mérité d’être plus étoffée même si je suis consciente de la difficulté de la chose. Mais les passionnés de musique doivent absolument s’y rendre.

De Carmen à Melissandre, drames de l’Opéra-Comique.
Jusqu’au 28 juin au Petit Palais

Commissariat général :
Jérôme Deschamps, directeur de l’Opéra Comique
Christophe Leribault, directeur du Petit Palais

 

Commissariat scientifique :
Agnès Terrier, dramaturge de l’Opéra Comique
Cécile Reynaud, conservateur en chef au département de la Musique de la BnF

st Michel : Delacroix, Michel terrassant le dragon

Aujourd’hui nous nous fêtons les Michel, j’ai donc décidé de jeter un coup d’œil sur Saint Michel. Vous savez  cet archange en cuirasse qui terrasse le dragon ? Entre celui du mont st Michel ou celui de la place st Michel, le choix iconographique est vaste. J’ai préféré choisir une œuvre plus colorée : le St Michel de Delacroix exécuté pour l’église St Sulpice de Paris.

 

E. Delacroix, Michel terrassant le Dragon, 1849-61. St-Sulpice, Paris.

Eugène Delacroix (1798-1863) est aujourd’hui l’un de nos peintres les plus connus et les salles rouges du Louvre en témoignent quotidiennement.  Mais au regard de sa vie et de son œuvre, il n’y a rien d’étonnant à cela. Célèbre de son vivant, il est avec quelque chose comme 800 tableaux et peintures murales et 600 dessins, le peintre emblématique du XIX ème siècle, quelque part entre classicisme et modernité féroce.

Delacroix qu’on soupçonne (plus que fortement) d’être le fils naturel de Talleyrand est du moins officiellement le fils de Charles Delacroix, secrétaire de Turgot, conventionnel devenu ministre des Affaires extérieures sous le Directoire puis ambassadeur et enfin préfet des Bouches-du-Rhône et de Gironde.

Le jeune Eugène commence en 1816 dans l’atelier de Guérin et très tôt il se montre hostile à l’académisme de son maître qu’il considère d’un ancien temps.  Ses premières œuvres reflètent l’influence de l’Italie de la Renaissance et du XVIIème mais dès 1822 c’est de Géricault qu’il se rapproche avec la présentation de la Barque de Dante au salon. Sa participation y devient régulière et deux ans plus tard en 1824, Le massacre de Scio fait de lui le chef de file incontesté des Romantiques.

Une dizaine d’années plus tard, après un voyage au Maroc, en Algérie et en Espagne où il accompagne le comte de Mornay, chargé de mission auprès du Sultan du Maroc, il ramène dans ses valises tout un monde de couleurs et d’Orient fantasmé : l’Orientalisme est en marche et encore une fois, c’est lui, Eugène Delacroix, le fer de lance de ce mouvement.

Il devient l’artiste que l’on s’arrache, passant tous les régimes pour lesquels il exécute de  grands ensembles décoratifs : la Salon du Roi au Palais Bourbon (1833-38) ; la bibliothèque du Sénat (1840-46) ; la Galerie d’Apollon au Louvre (1850-51) ; le Salon de la Paix de l’Hôtel de Ville de Paris, aujourd’hui détruit (1851-54) ; la Comédie Française (1852-53).

1855 est également une année importante dans sa carrière : c’est l’année où la France organise pour la première fois une exposition universelle à Paris.  A cet occasion Delacroix est invité à présenter une rétrospective de son  œuvre en compagnie d’un autre peintre non moins célèbre et souvent présenté comme l’anthithèse de Delacroix : Jean-Auguste Ingres.

Elu à l’Institut de France en 1857, il est également l’un  des membres fondateurs de la Société des Beaux-Arts.

Il meurt à 65ans en 1863 des suites d’une Tuberculose et est inhumé au Père Lachaise.

Bien que se réclamant souvent athée, l’œuvre religieuse de Delacroix est l’une des plus poignantes de son temps. Il décore ainsi plusieurs édifices religieux et se voit confié en 1849 le décor de la Chapelle des Saints-Anges de l’Eglise st-Sulpice, l’une des plus grandes églises parisiennes.

Les plans actuels de l’église datent du XVIIème siècle. Le chœur a été achevé et béni en 1673 mais l’ensemble de l’édifice  ne fut achevé qu’en 1870. Seulement des travaux de restaurations furent vite nécessaire à cause des obus prussiens de 1871.

La chapelle des Saints-Anges est la première chapelle latérale droite de la nef. Il avait aussi, en 1847 reçu une autre commande pour le transept mais le projet fut abandonné.

Du fait d’un état de santé mauvais et d’autres commandes en cours, les retards s’accumulent et  Delacroix ne commence pas le gros-œuvre avant 1854. Il ne vient que de temps en temps jusqu’en 1858 avant de se mettre avec acharnement au travail jusqu’en 1861, année où la chapelle est présentée au public.

Il réalise pour cette chapelle trois de ces dernières œuvres dont le thème est la lutte, le combat entre l’homme et les créatures divines.

–          Le plafond, qui est une huile sur toile marouflée représente Saint Michel Terrassant le Dragon, épisode tiré de l’Apocalypse.

–          sur les murs, deux peintures à l’encaustique (et non des fresques) (715 x 485cm) : La lutte de Jacob avec l’Ange (Genèse) et Héliodore chassé du Temple (Livre des Maccabées).

Heliodore chassé du Temple / Lutte de Jacob avec l'ange (1849-61), st-Sulpice, Paris

Saint Michel terrassant le dragon.

Delacroix illustre ici le chapitre XII de l’Apocalypse selon st Jean.  Satan se rebelle dans les cieux et y amène le Mal. Il est alors chassé par les anges et la guerre céleste menée par Michel continue sur la terre.

Apocalypse XII, 7-9

« Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. »

Les archanges ne sont pas hiérarchiquement les plus hauts placés, mais seuls eux ont la possibilité d’agir au nom de Dieu sans avoir besoin de sa permission.

Michel est le plus célèbre d’entre eux. « Michel » étymologiquement signifie « Qui est semblable à Dieu ».  Il apparait dans l’Ancien et le Nouveau Testament, ainsi que dans le Coran. Il est d’ailleurs le seul archange que la Bible désigne comme tel (Jude, 9 : « Or, l’archange Michel, lorsqu’il contestait avec le diable et lui disputait le corps de Moïse, n’osa pas porter contre lui un jugement injurieux, mais il dit: Que le Seigneur te réprime! »). Il est présenté comme chef des armées célestes, d’où sa représentation en tenue militaire la plupart du temps. Dans l’Apocalypse il est aussi le bras de Jésus qui l’aide à juger les âmes lors du Jugement Dernier.

On est dans un paysage bien ouvert, n’oublions pas que nous sommes sur un plafond. Crevant les cieux, tout nimbé de lumière d’or manifestant sans doute la puissance divine qui l’accompagne, Michel s’abat sur le démon avec sa lance et le précipite sur la terre.

Il est le centre de l’œuvre.  Son corps et sa lance en sont  le pilier vertical et ses ailes déployées majestueusement apportent un équilibre horizontal à la manière d’une croix. Le ciel derrière lui occupe les ¾ de la toile et les couleurs de ce dernier  rappelant la luminosité d’un orage, se reflètent dans les ailes de Michel, entre gris et or.

Les couleurs ici manifestent le talent de coloriste de Delacroix. Elles se répondent entre-elles. Les nuances chaudes du rouge, de l’orange ou du jaune répondent à la froideur du bleu et du gris.

La partie inférieure représente la terre. Une terre hostile et rocailleuse dont s’élèvent de sombres montagnes en colères et des volcans d’où jaillissent la lave et la fumée qui obscurcissent les cieux.

Ce sol est jonché de corps sans vie, dont certains semblent disloqués par leur chute. Des anges déchus.  Au centre, sur un rocher plus haut que les autres et poussé à terre par le pied de Michel : Satan. Il tient toujours sa fourche fermement mais il a perdu son bouclier tombé à côté du serpent. Son corps devenu monstrueux est comme plié de toute part sous le poids de l’archange dans une posture très nerveuse. Pourtant Michel au-dessus n’est pas dans l’effort. Il le maintien  simplement avec son talon. La bataille est finie. Satan est vaincu.

Esquisse pour Michel

L’accueil reçut par cet ensemble décoratif fut tout de même un peu froid. Pour l’inauguration aucun membre du gouvernement ne se présenta.  Les critiques lui reprochèrent un excès d’académisme, ce qui est un comble pour cet artiste qui se voulait novateur. Mais Baudelaire et Gauthier admirèrent le travail de leur ami et d’autres peintres vinrent voir son travail et lui assurer qu’ « il n’était pas encore mort ».

 

Liens :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Delacroix

http://fr.wikisource.org/wiki/Peintures_murales_d%E2%80%99Eug%C3%A8ne_Delacroix_%C3%A0_Saint-Sulpice

http://www.musee-delacroix.fr

http://www.creteil.iufm.fr/fileadmin/documents/siteFFO/Service/Productions/Delacroix-la_Chapelle_des_Saints-Anges.pdf

http://www.peintre-analyse.com/delacroix.htm

http://www.correspondance-delacroix.fr

http://www.creteil.iufm.fr/fileadmin/documents/siteFFO/Service/Productions/T_Gautier_sur_Delacroix.pdf