Le Pérugin, finesse et raffinement à l’aube de Raphaël

Quelques années après Fra Angelico, le musée Jacquemart-André remet à l’honneur la Renaissance italienne très présente dans ses collections à travers l’œuvre d’un des plus grands noms de cette époque charnière, le passage du XVème au XVIème siècle : Pietro Vannucci mieux connu comme Le Pérugin.
Sans titreLe titre «  Pérugin, maître de Raphael » est clairement destiné à attirer le badaud qui rêve encore de la sublime expo consacrée à Raphaël au musée du Louvre (au hasard, moi). Mais soyons honnête il faut en fait attendre l’avant-dernière et petits salle pour que le lien soit clairement établi entre les deux peintres. Et encore, car sans vous spoiler la fin, la commissaire de l’exposition Vittoria Garibaldi a choisi de ne pas trop se mouiller sur ce débat : Pérugin a-t-il vraiment été le maître de Raphaël ou juste une immense source d’admiration et d’influence ? Elle choisit plus subtilement de montrer des liens évidents entre les deux artistes, des rapprochements stylistiques, dans la finesse des visage, la ligne des figures, le paysage en arrière-plan, les drapés etc.
Sont notamment mis en lumière deux œuvres de Raphaël où les liens avec Le Pérugin sont particulièrement frappant : la prédelle du Retable Oddi et les éléments du Retable de Saint Nicolas de Tolentino, conservés dans 3 musées différents (Pinacoteca Tosio Martinengo, Brescia ; Museo di Capodimonte, Naples ; Musée du Louvre, Paris) et exceptionnellement réunis pour l’exposition.

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Mais le plus intéressant ce n’est pas de démontrer de manière irréfutable l’influence du Pérugin sur le jeune Raphaël mais plutôt le dialogue artistique qui naît entre les deux et comment finalement Raphaël finit lui aussi par inspiré son aîné. Et alors que Raphaël restera une référence, rappelons la citation de Vasari « Quand Raphaël mourut, la peinture disparut avec lui. Quand il ferma les yeux, elle devint aveugle », Le Pérugin ne sera plus guère apprécié, ces dernières productions perdant en qualité à force de déléguer à ses deux ateliers. Mais ça, l’exposition ne le dit pas, donc chut !

Voilà pour ce qui est de l’aspect Pérugin/Raphaël. Car il ne faut pas se méprendre c’est Le Pérugin le véritable sujet de cette exposition, c’est son style et son travail qui sont étudiés et c’est son talent qui nous est expliqué.  Moins connu peut-être que des Raphaël, Michel-Ange, Leonardo da Vinci et autre Botticelli, Pérugin n’en demeure pas moins l’un des peintres les plus importants de sa génération, le plus influent de l’Occident en ce changement de siècle selon Vasari.
L’exposition tente de faire comprendre cela, son influence et son rapport avec l’art de son époque.
Le Pérugin n’est pas né à Pérouse comme son nom le laisse supposé. Il est le fils d’une très bonne famille d’une bourgade voisine, Città della Pieve.
Deux artistes vont avoir de l’influence sur lui. Pietro della Francesca connu pour son travail mathématique appliqué à sa peinture, avec le travail de perspective et d’Andrea de Verrocchio dans l’atelier duquel il rencontre Leonardo Da Vinci et Botticelli.
Quand il rentre chez lui, en Ombrie vers 1470, il apporte dans ses bagages toutes les innovations de l’art florentin. Il devient peu à peu un peintre d’importance, jusqu’à être demandé par le plus grand des commanditaires de l’époque, le pape en personne, Sixte IV. Il est appelé à Rome en 1479 pour la chapelle de la conception et va également participer au chantier de la chapelle Sixtine.

Portrait de don Baldassarre d’Angelo 1500 Huile sur bois, 26 x 27 cm Florence, Istituti museali della Soprintendenza Speciale per il Polo Museale Fiorentino - Galleria dell’Accademia © Soprintendenza Speciale per il Patrimonio Storico Artistico ed Etnoantropologico e per il Polo Museale della Città di Firenze
Portrait de don Baldassarre d’Angelo
1500
Huile sur bois, 26 x 27 cm
Florence, Istituti museali della Soprintendenza Speciale per il Polo
Museale Fiorentino – Galleria dell’Accademia
© Soprintendenza Speciale per il Patrimonio Storico Artistico ed Etnoantropologico e per il Polo Museale della Città di Firenze

Cette période romaine est évoquée de manière plus que détournée. En effet ce sont des portraits peints par Le Pérugin et d’autres peintres du chantier qui servent d’œuvres de référence pour cette partie. Le lien est peut-être étroit mais il est vrai que les portraits exposés sont d’une beauté exceptionnelle. Rares dans le corpus d’œuvres du Pérugin, ces portraits sont d’une grande finesse dans la représentation de la physionomie propre à chaque modèle. Le modelé des chaires, les zones d’ombre, tout contribue à donner vie à ces visages d’hommes comme ceux de don Biagio Milanesi et don Baldassarre d’Angelo.

Sainte Marie Madeleine Vers 1500-1502 Huile sur bois, 47 x 35 cm Florence, Istituti museali della Soprintendenza Speciale per il Polo Museale Fiorentino - Galleria Palatina, Palazzo Pitti © Soprintendenza Speciale per il Patrimonio Storico Artistico ed Etnoantropologico e per il Polo Museale della Città di Firenze
Sainte Marie Madeleine
Vers 1500-1502
Huile sur bois, 47 x 35 cm
Florence, Istituti museali della Soprintendenza Speciale per il Polo Museale Fiorentino – Galleria Palatina, Palazzo Pitti
© Soprintendenza Speciale per il Patrimonio Storico Artistico ed Etnoantropologico e per il Polo Museale della Città di Firenze

La figure humaine prend ainsi de plus en plus d’importance dans son travail. La peinture du Pérugin se tourne davantage vers le classicisme mais se teinte aussi d’une influence Vénitienne, notamment de Bellini et « Léonardesque » avec des emplois de glacis superposés qui donnent toute leur profondeur aux modelés, les sfumatos qui rendent les paysages plus mystérieux et le travail sur la lumière accentuant l’intimité entre le spectateur et le sujet. L’une des plus belles œuvres de l’exposition est à ce titre la sainte Marie Madeleine du Palazzo Pitti.
Comme chez beaucoup de peintres de son temps, l’art sacré tient une place prépondérante dans son œuvre. Le thème de la Vierge à l’enfant est l’un des thèmes iconographiques les plus traités par l’artiste et de nombreuses variantes de ce sujet largement rependu nous montrent comme Le Pérugin sut innover grâce aux modèles qu’il découvrit dans l’atelier florentin de Verrocchio. Il délaisse les fonds dorés de Carporali au profit de paysages où l’on reconnait tantôt l’influence flamande, tantôt les collines ombriennes. Ces derniers ne sont pas de simples éléments décoratifs. Le peintre instaure un dialogue entre le fond et le premier-plan. C’est une quête d’harmonie entre le monde réel et le monde spirituel qu’il cherche à nous montrer. Il donne également plus d’importance aux expressions des personnages, cherchant à rendre les liens de tendresse qui unissent la mère et l’enfant ; quant à la Vierge, elle est toujours toute en raffinement et délicatesse, prenant parfois les traits de son épouse Chiara Fancelli, comme dans la Madone de la National Gallery of Art à Washington.

Vierge à l’Enfant Vers 1500 Huile sur bois, 70,2 x 50 cm Washington, National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection © Courtesy National Gallery of Art, Washington
Vierge à l’Enfant
Vers 1500
Huile sur bois, 70,2 x 50 cm
Washington, National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection
© Courtesy National Gallery of Art, Washington

Beaucoup moins caractéristique de son œuvre, Le Pérugin s’adonna pourtant  à la peinture profane pour de grands commanditaires. Ces deux œuvres les plus connues sur ce thème sont ainsi réunies. Le combat de l’amour et de la chasteté commandé par Isabelle d’Este pour son studiolo privé de Mantoue. La toile foisonne de détails et répond à la passion humaniste d’Isabelle. Une cinquantaine de lettres entre la marquise et le peintre furent nécessaires pour arriver à ce résultat qui déplu pourtant à cette-dernière, lui reprochant d’avoir utilisé la tempera et non la peinture à l’huile et préférant le travail de Mantegna qui lui peint le Parnasse et Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu.

Apollon et Daphnis Années 1490 Huile sur bois, 39 x 29 cm Paris, Musée du Louvre - Département des Peintures © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot
Apollon et Daphnis
Années 1490
Huile sur bois, 39 x 29 cm
Paris, Musée du Louvre – Département des Peintures
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot

L’autre toile représente Apollon et Daphnis ou Apollon et Marsyas commandé (peut-être)  dans les années 1490 par Laurent de Médicis. L’importance du paysage est encore très nette, il se faufile jusqu’au premier plan. Les figures rappellent les antiques qu’a étudiés Le Pérugin à Rome avec leurs lignes parfaitement dessinées et ce déhanchement du bassin récurent dans l’art du peintre ombrien. Longtemps attribuée à Raphaël, cette peinture témoigne encore une fois du lien étroit qui uni l’art des deux artistes. 
Un très agréable moment en somme. Après je vous l’accorde si à la base les Vierge à l’enfant et autres saints ne sont pas votre tasse de thé, il vaudrait mieux passer votre chemin, mais ce serait dommage de se passer de ces magnifiques peintures, pleines de délicatesses et de couleurs douces. Certaines valent vraiment le coup d’œil, puis je radote, je le sais, mais le musée Jacquemart-André, c’est toujours un plaisir.

Raphaël, Raffaello Sanzio, dit (1483-1520) et Evangelista da Pian di Meleto (vers 1460-1549) Buste d’ange (retable de saint Nicolas de Tolentino) 1500-1501 Huile sur bois, transférée sur toile 31 x 26,5 cm Brescia, Pinacoteca Tosio Martinengo © Pinacoteca Tosio Martinengo – Brescia
Raphaël, Raffaello Sanzio, dit (1483-1520)
et Evangelista da Pian di Meleto (vers 1460-1549)
Buste d’ange 
1500-1501
HsB, transférée sur toile
© Pinacoteca Tosio Martinengo – Brescia

Pérugin, maître de Raphaël
12 septembre 2014-19 janvier 2015
http://expo-leperugin.com/fr/home-perugin-fr

Les dernières années de Raphael exposées au Louvre

Pour bien commencer 2013 que je vous souhaite très riche, voici une belle exposition consacrée aux dernières années du prodigieux Raffaello Santi, mieux connu sous le nom de Raphaël.

Raphaël (dit), Sanzio Raffaello (1483-1520)Tête de jeune homme, de profil vers la droite(C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) - @Michèle Bellot
Raphaël (dit), Sanzio Raffaello (1483-1520)
 étude pour la chambre d’Héliodore
(C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) – @Michèle Bellot

Avec Léonard de Vinci et Michel Ange, ils forment la géniale triade artistique de la Renaissance italienne. Pour certains il pourrait se trouver dans l’ombre des deux autres, mais il n’en est rien, au contraire. Raphaël est un artiste plus que complet, il met en place des projets décoratifs impressionnants, ses peintures sont toutes des chefs-d’œuvre, il est aussi architecte, archéologue, il recense les antiquités de Rome et est dans l’histoire, le seul peintre à avoir le privilège d’être inhumé au Panthéon.

Voici donc, grâce au Louvre, en collaboration avec Le Prado, l’occasion de découvrir ou redécouvrir ce génie qu’est Raphaël et son évolution stylistique durant les sept dernières années de sa vie.

Raphaël (?) et atelier, Saint Jean Baptiste dans ledésert, vers 1517-1518. Huile sur toile. H. 163 ; l. 147cm. Florence, Galleria degli Uffizi, SoprintendenzaSpeciale per il Polo Museale Fiorentino, inv. 1890,n.o1446 © 2012 Photo Scala, Florence
Raphaël (?) et atelier, Saint Jean Baptiste dans le désert, vers 1517-1518. Florence, Galleria degli Uffizi, Soprintendenza Speciale per il Polo Museale Fiorentino
 © 2012 Photo Scala, Florence

Né à Urbino en 1483, il est le fils du peintre et poète officiel de la cour du duc d’Urbino, Giovanni Santi, qui meurt lorsqu’il n’a que 9ans. Il forme son art en parti chez le Pérugin à Pérouse et il rencontre et étudie les deux grands maîtres de son temps, que sont Michel Ange et Leonard de Vinci à Florence. En s’inspirant de leurs arts respectifs, Raphaël façonne le sien. Son art est puissant tant au point de vue dessin que dans l’utilisation des couleurs, ce qui le démarque de la plupart des artistes de son temps qui privilégiaient soit l’un soit l’autre. Tout chez lui est dominé par un souci constant d’équilibre et d’harmonie dans la forme et dans la composition.

L’exposition ne retrace pas toute sa carrière, elle se concentre sur l’apogée de cette dernière, sa période romaine. Raphaël arrive dans la Città Eterna., appelé par le pape Jules II en 1508. A cette époque, Rome est indéniablement la capitale artistique de l’Italie et peut-être même du monde occidental. Cela est le fait d’importants chantiers que sont la reconstruction de la Basilique Saint-Pierre décidée en 1505 par Jules II et la construction et la décoration du palais apostolique.

La Madone au poisson, 1513-1514, Prado
La Madone au poisson, 1513-1514, Prado

Raphaël réalise ainsi la décoration des « stanze » que Jules II dédia à ses appartements privés (1503-1513), ce qu’on appelle en français« les chambres de Raphaël » : la salle des signatures tout d’abord qui impressionne tellement le pape qu’il lui confie les autres, la salle d’Héliodore, la salle de l’incendie du Bourg et la salle de Constantin, effaçant même le travail de ses prédécesseurs. Le nouveau pape Léon X, bien qu’un Médicis, apporte également tout son soutien au peintre, il devient son plus grand mécène et quand 1514, meurt Bramante,  l’architecte de la basilique et soutien de Raphaël, il lui confie le chantier en qualité d’architecte.

Sainte Marguerite, 1518, musée du louvre, photo C2RMF
Sainte Marguerite, 1518, musée du louvre, photo C2RMF

L’intérêt de cette exposition est aussi de mettre en lumière l’atelier du peintre. Pour répondre aux commandes croissantes, Raphaël s’est entouré de nombreux collaborateurs. Vasari en dénombre une cinquantaine mais ils étaient peut-être plus car aux funérailles du maître en 1520, une centaine de peintres portaient des torches sur le cortège funéraire. Pourtant malgré le nombre imposant de disciples, l’unité a toujours régné, les individualités s’effaçaient devant le collectif et c’est là, la force de Raphaël. Un maître talentueux, affectueux et sujet d’admiration, qui donnaient les lignes directrices et faisait régner l’harmonie entre les différents intervenants qu’ils savaient encourager pour qu’ils donnent le meilleur. Seuls des yeux très experts savent parfaitement déceler les interventions extérieures à celles de Raphaël dans ses productions. C’est fascinant en ce sens de lire dans le catalogue d’exposition comment les historiens de l’art réussissent sur une œuvre donnée à dire quelle partie est de la main de Raphaël et quelle partie ne l’est pas, par manque de rigueur, de douceur ou autre. Plusieurs exemples peuvent être donnés, même si elle n’est

Madonna dell Impanata, 1513/14 - palais Pitti
Madonna dell Impanata, 1513/14 – palais Pitti

pas exposée, je peux vous citer la Madone de l’impannata dont la facture montre l’intervention d’au moins deux artistes. Raphaël aurait fait l’enfant et les de têtes de saints, mais un autre peintre aurait fait la tête de la vierge, ses vêtements et les draperies de sainte Elisabeth. Toujours sur ce même tableau, il semblerait que le petit saint Jean Baptiste soit également trop maladroitement exécuté pour être de la main de Raphael. Comme autres exemples exposés cette fois-ci, citons La Sainte Margueritte, apparemment été exécutée par Giulo Romano sur un motif de Raphael ou la Vierge au Poisson dont les draperies et les têtes à gauche seraient de Penni.

Ces deux derniers collaborateurs, Giovan Francisco Penni et Giulio Romano, se démarquent suffisamment pour que leurs noms soient connus. La place qui leur est donnée pousse les limites chronologiques de l’exposition jusqu’en 1524-25, après la mort du maître pour appréhender la survie de son atelier et surtout la carrière personnelle de ses deux prestigieux élèves.

Romano et Penni (?), V.1517, la visitation, © Museo nacional del Prado, Madrid
Romano et Penni (?), V.1517, la visitation, © Museo nacional del Prado, Madrid

Les deux ont collaboré à l’exécution de nombreuses œuvres, notamment la Visitation de 1517 commandée par Giovanni Battista Branconio dell’Aquila, un ami de Raphaël. Romano connu pour ses formes dures et denses qui vont donner naissance au maniérisme aurait fait les têtes et peut-être les corps et les draperies, un peu maladroits dans l’exécution (bras trop long, étole qui ne repose pas normalement sur l’épaule, ventre étrangement arrondi), quant à Penni, considéré par Vasari comme un très bon paysagiste, il aurait exécuté le fond où on reconnait sa douceur.

Commençons par Penni, le plus âgé des deux. Malheureusement celui-ci étant mort assez tôt, en 1528, son style personnel caractérisé par une douceur des formes, une homogénéité de l’éclairage et un manque d’attention aux contours, n’ pas eu le temps de s’épanouir et est très difficile à identifier avec certitude. C’est surtout dans son rôle de dessinateur qu’on reconnaît sa main. Il rejoint Raphaël avant son installation à Rome et c’est à lui que le maître confi l’exécution des modelli entre 1511 et 1520, toujours aux pinceaux et aux lavis. Il met au propre les motifs de Raphaël. Vasari le surnomme « il fattore », le recopieur. Il a également certainement joué le rôle d’administrateur et de contrôleur artistique de l’atelier. Une originalité de Penni c’est son intérêt pour la tapisserie, qu’il va développer après la mort de Raphaël.

Giulo Romano est né pour sa part à Rome en 1492 ou en 1499. Si la deuxième date est la bonne, cela voudrait dire qu’il rentre dans l’atelier de Raphaël à seulement 16/17ans et qu’il n’a que 21ans quand il hérite de cet atelier en 1520, ce qui fait de lui un jeune prodige.

Giulio Romano, peut-être avec l’intervention de Raphaël, Portrait de Doña Isabel de Requesens y Enríquezde Cardona-Anglesola, 1518.  musée du Louvre © RMN (Musée duLouvre) / Hervé Lewandowski
Giulio Romano, peut-être avec l’intervention de Raphaël, Portrait de Doña Isabel de Requesens y Enríquez
de Cardona-Anglesola, 1518. musée du Louvre © RMN (Musée du
Louvre) / Hervé Lewandowski

Très tôt d’ailleurs, il va se démarquer de ses congénères, de par sa forte personnalité, son talent et son inventivité. Il gagne ainsi la confiance du maître qui lui confie l’exploitation des cartons où il apporte sa vitalité, c’est lui qui réalise les études de figure et il n’hésite pas à lui confier l’exécutions d’importantes commandes comme le portrait de Doña Isabel de Requesens dont on est certain qu’il est de lui grâce à des documents écrits de la main de Raphael.

Cette relation de confiances presque filiale mais aussi d’émulations respectives se retrouve dans le fameux autoportrait avec Giulio Romano, l’une des dernières œuvres de Raphael. Romano semble montrer quelque chose à Raphaël qui tempère son ardeur en posant la main sur son épaule.

A la mort de son mentor, Romano vole vite de ses propres ailes, il concrétise les dernières commandes de Raphaël, comme la transfiguration, la chapelle de La Madeleine à la Trinité des Monts, la loggia de la Villa Stati Mattei ou les chantiers de décorations du Vatican avec Gian Francesco Penni, mais ils finissent par se séparer en 1524, suite à une brouille. Puis en 1527, il s’installe à Mantoue sous la protection de la famille Gonzague. Une exposition d’art graphique lui est consacrée dans le pavillon Mollien, ce qui permet de mieux apprécier son talent de dessinateur.

Raphaël, Autoportrait avec Giulio Romano, 1519-1520.Paris, musée du Louvre,  photo RMN (Musée du Louvre) / Gérard Blot
Raphaël, Autoportrait avec Giulio Romano, 1519-1520.
Paris, musée du Louvre, photo RMN (Musée du Louvre) / Gérard Blot

Cette exposition est une plongée dans un art absolument fascinant. On découvre les grands projets décoratifs que sont « les chambres de Raphael » essentiellement représentées par ses dessins, des tapisseries également, de nombreuses études et un grand nombre de toiles. A Rome, la peinture de chevalet n’est pourtant pas sa principale activité, elle arrive derrière les projets architecturaux et de décorations. On retrouve quelques rares grands formats dont les cadeaux diplomatiques (aujourd’hui au Louvre), envoyés par le pape en 1518  à François Ier pour sceller l’union de Laurent de Médicis et Madeleine de la Tour d’Auvergne. Parmi ses dons, le somptueux et le plus important, Saint Michel souvent délaissé dans la Grande Galerie mais qui retrouve ici toute sa force, bien qu’il est certainement perdu une partie de sa splendeur.  En effet, Raphaël l’a exécuté très rapidement, Vasari pense qu’il est entièrement de sa main, mais par manque de temps, il n’a pas peu bien le préparer, ce qui fait qu’en 1540, il doit déjà être restauré par Le Primatice. La radiographie montre d’ailleurs que les défauts actuels et maladresse d’exécution ne sont certainement pas d’origine.

Saint Michel terrassant le démon, dit Le Grand Saint Michel, Louvre, photo RMN (Musée du Louvre) / Thierry OllivierSainte Cécile et quatre saints, vers 1515-1516., Pinacothèque Nationale de Bologne, © 2012 Photo Scala, Florence – courtesy of the
Ministero Beni e Att. Culturali
Saint Michel terrassant le démon, dit Le Grand Saint Michel, Louvre, photo RMN (Musée du Louvre) / Thierry Ollivier
Sainte Cécile et quatre saints, vers 1515-1516., Pinacothèque Nationale de Bologne, © 2012 Photo Scala, Florence – courtesy of the
Ministero Beni e Att. Culturali

On reste également en admiration devant l’extase de Sainte Cécile, exposée juste à côté et qui est l’un des rares grands tableaux du dernier tiers de sa carrière, commandé par Elena dall’Olio pour la chapelle de San Giovanni in Monte à Bologne. On découvre y avec joie, l’influence qu’a pu avoir Leonard de Vinci, de séjour à Rome en  1513-1516 dans le choix des coloris et plus loin à travers les différents saint Jean-Baptiste, fortement inspirés de celui du florentin, dans la pose notamment. A partir de cette date, la peinture de Raphael devient également plus sombre et utilise volontiers le sfumato.

La peinture religieuse domine très clairement sa production et le seul genre profane qu’il aborde en matière de peinture de chevalet c’est le portait, qui clôt l’exposition. Et là il faut distinguer deux types de portraits, à savoir les officiels, souvent innovants (Jules II) où le travail de composition formelle est très poussé et les portraits privés, où c’est cette fois ci l’exécution qui tire au génie tant il guide son pinceau avec ses sentiments d’amour et d’amitié. Les deux plus beaux à ce titre sont celui de Bindo Altoviti  dont les cheveux sont peints un à un et surtout cette sublime jeune femme, la Donna velata, probablement Margherita Luti, sa maitresse plus connue sous le surnom de  Fornarina, pleine de douceur et de beauté.

Bindo Altoviti, vers 1516-1518, Washington, National Gallery of art, ©Image courtesy of the National Gallery of Art
La Donna Velata, vers
1512-1518. palazzo pitti, © 2012
Photo Scala, Florence – courtesy of the Ministero Beni e Att.
Culturali
Bindo Altoviti, vers 1516-1518, Washington, National Gallery of art, ©
Image courtesy of the National Gallery of Art
La Donna Velata, vers
1512-1518. palazzo pitti, © 2012
Photo Scala, Florence – courtesy of the Ministero Beni e Att.
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Un très bel épilogue pour une exposition qui passe très vite, trop vite même.