Si je peux me permette ce jeux de mot, apparemment la mode est à la mode question exposition. Après les sacs Vuitton et les robes impressionnistes voici Fashioning Fashion. Tous ceux qui aiment les broderies, les crinolines, les jolies robes et les beaux costumes doivent être ravis, et sur cette dernière exposition il y a de quoi.
Cette exposition nous vient tout droit de Los Angeles, du L-A County Museum of art qui suite à la donation de deux collectionneurs (Martin Kamer et Wolfgang Ruf) l’avait organisé en 2010-2011 et la voici chez nous, au Musée des Arts Décoratifs dans une scénographie subtile qui met littéralement en lumière les sublimes tenues venues du passé qui n’ont rien à envier aux costumes de cinéma. Je prends le parti ici d’illustrer mes propos avec quelques tableaux qui ne sont pas dans l’exposition, mais qui font un beau parallèle avec ces mannequins blancs et surtout leurs donnent un peu vie.
La période choisie est relativement large. Nous partons du XVIIIe siècle pour atterrir au début du XXe siècle, autant dire qu’on assiste à une grande métamorphose des apparences, sans aucune comparaison possible avec nos petites tendances saisonnières, « marron cette hiver, vert cet été ». Le vêtement est l’expression d’une conditi
on sociale et exprime des idées, il est une manifestation parmi d’autres de l’histoire et de l’évolution des mœurs et des idées mais aussi des corps eux-mêmes comme en témoignent ces mannequins de petites tailles même pour les hommes. Les formes se complexifient puis se simplifient et ainsi de suite avec des inspirations venues de l’histoire passé ou du bout du monde. L’Orient, les turqueries et les chinoiseries au XVIIIe siècle transforment les tissus en images fantasmées d’un ailleurs lointain, représentations de la faune et de la flore. AU XIXe siècle c’est le japonisme qui avec l’ouverture du Japon en 1853 pénètre tous les arts, y compris le textile. Le Kimono devient un vêtement indispensable, léger et élégant dont les femmes raffolent.
Je ne parle même pas –à moins qu’on s’habille quotidiennement en Chanel, Dior ou Elie Saab, tous les jours ce qui n’est pas mon cas- de cette impression saisissante quand on sort qu’on porte finalement des vêtements un peu fades, voir moches, mais après ça n’engage que moi.
On commence donc au XVIIIe siècle, où la mode française prévaut dans toutes les cours européennes, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Les tissus sont précieux. Les robes sophistiquées vers 1730, se caractérisent par des plis plats dans le dos, les plis à la Watteau et des manches qui arrivent aux coudes, à l’image des portraits de madame Pompadour par exemple. On voit aussi des paniers et des espèces de corsets qui donnent une ampleur et du volume sur le côté mais qui devait être lourd à porter vu l’armature. Les hommes aussi sont élégants avec leurs culottes de soie et leurs boucles de chaussures qui sont de véritables bijoux. Fin XVIIIe siècle la mode anglaise caractérisée par une plus grande simplification et par l’abandon des paniers, prend le dessus aussi bien chez ces dames que chez ces messieurs. Tous aiment les redingotes. Avec la Révolution, cette simplification s’accentue et les idéaux républicains, loin de la solennité et du luxe ostentatoire de la noblesse, sont portés à même le corps comme sur ce gilet d’homme. Les merveilleuses et les incroyables sous le Directoire s’affichent de manière outrageuse, même s’ils ne sont pas si nombreux que ça, ils incarnent un élan de liberté des corps avec pour les femmes une inspiration
de l’Antiquité marquée que l’on retrouve sous le Premier Empire, époque où les rituels de cours sont recréés et une mode officielle avec, incarnée par la coquette Joséphine. Tout devient fluidité, pureté, légèreté, agrémenté de riches étoffes en cachemire importées par la campagne d’Egypte.
Avec le règne de Louis-Philippe et l’époque Romantique on retourne à nouveau vers une complexification et le corps est à nouveau transformé par les vêtements et la réapparition du corset, même pour ces messieurs très soucieux de leurs tours de taille. Après tout, le XIXe siècle est celui des dandys, avec à leurs tête, le précurseur Georges Brummell dont l’apparence était une obsession et qui inspira tout un courant jusqu’à Barbey D’Aurevilly ou Oscar Wilde.
L’aspect le plus frappant de ces tenues romantiques est la forme des manches, ce qu’on appelle les manches gigots. Ceux qui ont vu des films d’époque, type Les Misérables situeront parfaitement, ces espèces de manches énormes et bouffantes qui portées sur une tenues aux jupons aussi imposant et des petites capotes sur les têtes, donnent une allure à mon goût un peu empaquetée.
Avec le Second Empire on est toujours dans une grande complexité, notamment avec l’apparition de la crinoline. L’impératrice est passionnée de mode et avec elle se développe la Haute Couture, dont le premier créateur est, Charles Frederick Worth. Ce dernier est le premier a créé des collections et à lancer cet aspect saisonnier. La société évolue aussi beaucoup, les techniques, les voyages, les loisirs. Tout ceci a bien évidemment un impact sur les apparences, avec des tenues qui se spécialisent pour tel ou tel activité et des accessoires plus pointus et adaptés, comme nous l’avions vu avec l’exposition Vuitton.
Fin XIXe siècle, le corps passe par plusieurs état, le faux culs tout d’abord avec tout le volume qui passe derrière, les formes en S à cause d’imposant corset toujours plus perfectionnés puis à nouveau une certaine sobriété et un retour des inspirations exotiques qui donnent aux tenues quelque chose de beaucoup plus aérien. La ligne devient plus graphique comme en témoigne la création de Paul Poiret, très « Arts Déco » et orientalisante à l’image des Ballets Russes. Ce dernier abandonne le corset et redonne une liberté aux femmes. Et même si cette dernière partie nous situe un siècle en arrière, on est étonnée de voir la modernité des tenues, comme cet ensemble inspiré des 1001 nuits ou ces bottes cuissardes en cuir qui me rappellent en plus coquines, celle d’une amie.
Un vrai plaisir en somme, qui passe très vite grâce à la muséographie très aérienne, en jeux de miroir, de courbes et éclairages qui permettent de savoureux les détails et la technicité de certains costumes.
Malheureusement ça fini bientôt et même si je ne doute pas que le Musée des Arts Décoratifs sera à nouveau nous mettre de beaux vêtements plein la vue avec notamment à partir de Juillet « la mécanique des dessous » qui nous permettra de nous faufiler sous les jupes, celle-ci vaut vraiment le coup d’œil.