Il y a 500 ans disparaissait Leonardo Da Vinci à Amboise. Ce fils illégitime d’un notable florentin, devenu avec le temps l’un des plus grands artistes du fait de son talent et son érudition ne cesse encore aujourd’hui de fasciner et d’attirer les foules. Pour le célébrer comme il se doit, le Louvre qui possède la plus grande collection au monde de ses œuvres (merci François Ier) organise après 10 ans de travail l’exposition de tous les superlatifs. « Grandiose », « historique », « exceptionnelle », « seul le Louvre pouvait le faire ». N’en jetez plus !
Et il est vrai que cette exposition était sans doute l’une des plus attendues et donc très fréquentées (330.000 réservations fin octobre). Mais qu’en est-il vraiment ?
L’exposition commence par la formation de Leonardo Da Vinci dans l’atelier de Verrocchio, sculpteur, peintre et orfèvre florentin. Chez lui notre Leonardo apprend l’importance de la lumière sur le rendu des formes. Comment les ombres et les clairs façonnent un objet, plus que la ligne. Vers 1478, il va plus loin en élaborant le componimento inculto (« composition inculte »). Un dessin libre, instinctif, en rupture avec la réalité des lignes fixes et en recherche de mouvement. Cette recherche picturale aboutira au fameux sfumato. Une superposition de léger glacis qui finit par gommer les contours et donner un aspect vaporeux à ses œuvres.
Puis vient la période milanaise, jusqu’à l’invasion française par Louis XII en 1499. L‘artiste se diversifie et devient scénographe, mais aussi concepteur d’engins militaires. En 1500, il revient à Florence. La cité a subi quelques remous politiques, mais est désormais stable. Le gonfalonier de justice ouvre alors en 1503-1504, une compétition célèbre pour la réalisation de deux fresques sur des batailles florentines. Une sera réalisée par Leonardo, l’autre par Michel-Ange. Leonardo se frotte pour sa part à la bataille d’Anghiari. Malheureusement aucune de ces œuvres n’a survécu. Il ne nous reste que des dessins préparatoires pour avoir une idée de la fougue de cette fresque innovante à la composition déchaînée.
La partie de l’exposition qui est peut-être la plus fascinante est celle consacrée à l’homme de sciences. Grand humaniste de la Renaissance, Leonardo Da Vinci s’intéressait au monde qui l’entoure et ce depuis son enfance, quand son grand-père lui enseignait « Po l’occhio ! » (Ouvre l’œil !). Il étudie l’anatomie, l’optique, l’astronomie, la mécanique, la botanique, la zoologie et j’en passe. Ses feuilles (écrites de droite à gauche), illustrées de dessins techniques sont des merveilles à regarder. C’est dans cette partie que vous verrez dans le fond, l’Homme de Vitruve, prêtée à la dernière minute par l’Italie et qui restera que quelques semaines dans l’exposition du fait de sa grande fragilité.
Avec 10 peintures du maître, plus la Joconde en salle des états sur 20 connues et reconnues, on pourrait se dire waouh. Et pourtant, on sort de cette exposition avec un je ne sais quoi de manque. On est clairement sur notre faim. En fait, on a l’impression d’avoir vu beaucoup de dessin, du moins si on a réussi à se frayer un passage jusqu’à ces derniers. Alors oui, un dessin de Léonard c’est toujours merveilleux, c’est vivant, dynamique, et je ne parle pas de ses dessins scientifiques juste extraordinaires. Mais quand même ! De plus, si on regarde bien, dans le fond, une grande partie de l’exposition est consacrée à sa formation et présente donc des œuvres du maître Verrocchio. Se rajoute à cela l’impression de ne pas avoir eu beaucoup d’informations, et c’est peu dire, si on ne paye pas de guides ou d’audioguides. J’ai découvert aujourd’hui qu’il existait un livret sur le site du musée avec toutes les informations sur les tableaux, tout ce qui m’a manqué dans ma visite ! Peut-être que dans la précipitation et perdue dans la cohue j’ai manqué l’info sur place, mais un peu plus de textes sur les tableaux n’aurait pas fait de mal quoi qu’il en soit. Pour résumer, même si l’exposition regorge d’œuvres de premier plan, de dessins sublimes et tout et tout. On en sort un peu déçue et pour en avoir parlé autour de moi. Je ne suis pas la seule à me dire « beaucoup de bruit pas pour rien, mais beaucoup de bruit par rapport au contenu ». En comparaison, l’exposition sur Raphael était davantage complète et à plus d’un titre. Le propos était plus étoffé, la vie de l’artiste mieux expliquée et le corpus de peintures plus imposant.
Après, il est vrai qu’organiser cette exposition a été un parcours semé d’embûches diplomatiques et stratégiques. Quand un musée a un tableau de Léonard, il n’est pas fou, il ne veut pas le prêter et risquer de se priver d’une pièce majeure, privant l’exposition d’autres peintures majeures. Pas de Salavdor mundi non plus. L’oeuvre achetée pour une petite fortune soit disant pour être prêtée au Louvre pour cette exposition a tout simplement….disparu !
Malgré tout cela, je vous conseillerai de la faire cette exposition, car ça reste Léonard de Vinci, qu’on y voit des pièces sublimes, des pages de codex, et l’Homme de Vitruve, tout de même ! Mais n’oubliez pas de réserver sinon vous n’irez pas bien loin, et de choisir un créneau pas trop fréquenté, car être bousculé toutes les 2min gâche un tantinet l’expérience.
LEONARD DE VINCI
Musée du Louvre
Du 24 octobre 2019 au 24 février 2020
Commissaire(s) :
Vincent Delieuvin, conservateur en chef du Patrimoine, département des Peintures, et Louis Frank, conservateur en chef du Patrimoine, département des Arts graphiques, musée du Louvre.