Cette semaine nous faisons un petit tour rapide au musée Jacquemart-André qui nous emmène dans un lointain passé sur les berges du Nil, en Egypte. Je l’ai certainement déjà dit et je le redirai, mais le lieu en lui-même vaut vraiment le déplacement. Ce petit hôtel particulier est un bijou en lui-même qui une fois n’est pas coutume se transforme en écrin pour une belle exposition.
N’étant pas du tout égyptologue malgré une période de fascination au collège où j’avais imprimé toutes les pages sur le sujet de l’encyclopédie Encarta, cet article sera léger et pour une période estivale et de repos, c’est parfait.
Autant vous dire que lorsque je suis entrée dans le musée, j’ai eu un peu peur. En effet, des œuvres égyptiennes sont exposées au milieu des collections et moi qui n’avais pas d’audioguide, je n’avais aucune explication sur le qui du quoi. Ou je ne les ai tout simplement pas trouvées, c’est possible aussi. Mais heureusement pour moi, ce n’était qu’un aperçu et une fois qu’on est dans les salles d’expo à proprement parlé, il y a un peu plus d’explications ce qui permet d’aborder les œuvres avec un minimum de bagages en tête.
Mais revenons au sujet en lui-même. Des expositions sur l’Egypte, on en a souvent. Rien que sur cette période à Paris il y a donc celle de Jacquemart-André et celle sur le tombeau de Toutankhamon, porte de Versailles.
Le Crépuscule des pharaons s’attarde sur une période de 10 siècles, entre 1069 et la mort de Cléopâtre VII en 30 avant JC. Le dernier millénaire de la grande civilisation égyptienne. D’un point de vue historique c’est un découpage un peu aléatoire qui regroupe en fait plusieurs époques de l’Histoire égyptienne antique : la Troisième Période intermédiaire (-1085 à -663) et la Basse Epoque (-663 à -332), les dernières de l’Egypte pharaonique, par la suite, le pays devient une province. On peut aussi y adjoindre les périodes macédoniennes (- 332 à – 304) et ptolémaïques (-304 à – 30).
Durant cette longue période l’Egypte souffre de nombreuses menaces extérieures et est gouvernées par différents souverains étrangers, libyens (XXII°, XXIII° et XXIV dynasties), kouchites, perses (XXVII° dynastie), nubiens ou macédoniens (Lagides). Tous ces troubles laissent l’image d’un millénaire déclinant mais l’exposition tend justement à montrer le contraire, ou du moins qu’il ne se résume pas à cela. D’un point de vue artistique,ces influences étrangères apportent un renouveau culturel. Renouveau particulièrement marquant durant la XXVI° dynastie, la période Saïte (-672 à -525).
Durant cette dynastie, le pharaon Psammetique Ier rend son unité au pays et s’en suit une période florissante, une « renaissance saïte » caractérisée par une prospérité économique qui conduit au redéveloppement d’un art d’état.
Cette exposition qui bénéficie des prêts de grands musées internationaux (Ägyptisches Museum, Louvre, British Museum) tourne autour de quatre thèmes assez récurrents quand il s’agit d’évoquer l’Egypte Antique: le monde des vivants, le monde des morts, l’image de Pharaon et le panthéon égyptien.
Sans plus rentrer dans les détails, sachez que vous découvrirez dans la première partie différentes statues d’hommes et de femmes témoignant de la perfection technique encore bien présente et surtout de la diversité de la représentation humaine dans les attitudes adoptées (assis, debout, agenouillé). On retrouve notamment les statues cubes, développées au Moyen Empire mais encore appréciées par la suite. Il s’agit de personnages représentés accroupis sur le sol, les bras croisés, posés sur les genoux serrés contre leurs poitrines.
L’étude et la représentation du corps, notamment des jambes, deviennent plus précises grâce à une histoire de mode. En effet entre la période libyenne et la XXVI° dynastie, les vêtements courts sont au goût du jour, poussant les artistes à un meilleur rendu des membres.
Mais ce qui se développe surtout à partir de la Basse Epoque c’est un type de représentation très réaliste. Les artistes portent notamment une très grande attention aux visages, comme en témoigne la magnifique « tête verte de Berlin » datée sans certitude de la période Lagide au premier siècle avant notre ère, ce qui révèlerait une influence de la statuaire gréco-romaine. Elle allie à la fois les critères d’idéalisation égyptienne, dans le poli lisse et brillant de la pierre à une individualisation marquée par les signes de vieillissement. Celle qui ne vieillit pas du moins dans l’art, c’est la femme. Bien que son image évolue, un coup mince, puis plus ronde, elle suit les modes vestimentaires et capillaires mais son visage reste inéluctablement lisse de tout signe de vieillesse.
On distingue aussi comme innovation visuelle de l’époque Ptolémaïque ces têtes en « crâne d’œuf » qui doivent leur nom à leur crâne chauve allongé.
Le monde des morts est illustré par tout ce qu’on peut trouver dans un tombeau : le mobilier funéraire (le cercueil, les vases canopes, l’armée de serviteurs de l’au-delà, les divinités etc.), les objets traditionnellement présents dans une chapelle funéraire (table d’offrande, stèle) et surtout un ensemble de pièces qui se trouvait dans la tombe d’un prêtre d’Héracleopolis, un certain Ânkhemmaât qui vécut au IVe siècle avant notre ère.
L’abondance ne définit plus les tombeaux de cette période, mais pour les riches notables, la qualité et le raffinement ont toujours leurs places dans l’exécution de tel ou tel objet comme le montre parfaitement cet ensemble lié à Ânkhemmaât. Son cercueil momiforme conservait l’intégralité de son corps pour le passage dans le monde des morts. Il est entouré de l’effigie d’Osiris qui juge si le défunt est apte ou non à le rejoindre. Il y a aussi 78 oushebtis, des serviteurs qui travaillaient à la place du mort aux travaux des champs qu’il devait faire. Le vase canope qu’on voit dans de nombreux musées, aux époques tardive n’est plus très présent, on a à la place un jolie coffre en bois qui recueillait les viscères du défunt, retirés lors de l’embaumement.
Entre les morts et les vivants se trouve un personnage d’une grande importance : pharaon. Tout le monde sait ce qu’est un pharaon, mais ne voir en lui qu’ un simple roi serait mettre de côté une grande part de ce qu’il est. Déjà, un peu d’étymologie, le mot même de « pharaon » vient de la traduction grecque de la Bible. Il est peu probable qu’eux-mêmes se nommaient ainsi du moins dans les premiers temps. Le souverain de l’Egypte est bien vu comme un humain, un humain gouvernant la politique des hommes, l’armée et le culte, mais c’est un humain au sang divin. En effet, le pharaon est le fils et le représentant de Ré et la fonction se transmet par le sang. Durant l’époque qui nous intéresse, nombreux sont les souverains étrangers qui bien que se voulant défenseur de la tradition pharaonique, sont loin de la conception initiale du souverain. Il reste assez peu de témoignages de ces pharaons, des bouts ci et là, difficilement identifiables.
L’image du souverain n’en reste pas moins très codifiée et identifiable à ses attributs comme l’ureus (cobra sur le front).
Puis vient le monde des dieux pour finir cette exposition. Le panthéon égyptien est vous le savez peut-être l’un des plus complexe qui soit avec un millier de divinités, évoluant selon les époques et les lieux. Il y certes, les valeurs sûres, Osiris, Isis, Amon, Ré, Bastet, Horus, Anubis et j’en passe ; mais à côté il en fourmille tout un tas d’autres, des divinités funéraires, locales, cosmologiques, des divinations de phénomènes naturels etc. Un même dieu pouvant prendre plusieurs aspects comme Thot, inventeur de l’écriture et du langage qui est à la fois un babouin ou un ibis. Les représentations sont aussi variées, pouvant être zoomorphes (le chat pour Bastet), anthropomorphes (Isis), composites (Anubis avec sa tête de chacal sur un corps d’homme) ou paniconiques (association de plusieurs symboles, animaux ou monstres).
J’espère ne pas vous avoir perdu en chemin étant donné la complexité d’aborder une telle exposition qui se veut tout de même être la synthèse de 1000 ans d’histoire d’un peuple qui fascine encore nombre d’entre nous. J’ai essayé d’être concise et si l’Egypte vous intéresse, le plus simple c’est de vite y courrir, l’exposition se termine très bientôt et profitez-en pour flâner dans le musée.
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Jusqu’au 23 juillet 2012, le musée Jacquemart-André
Commissariat : Monsieur Olivier Perdu est égyptologue attaché à la Chaire de Civilisation pharaonique du Collège de France et Monsieur Nicolas Sainte Fare Garnot, historien de l’art spécialiste de la peinture française, est le conservateur du Musée Jacquemart-André depuis 1993.