Allons au Théâtre romantique à Paris.

Après avoir été tant charmée par l’exposition sur la Comédie Française au Petit Palais il y a quelques mois, j’étais plus que tentée par l’affiche montrant Rachel qui invite à venir voir dans un autre et non moins charmant musée parisien, le musée de la vie romantique, une exposition sur le Théâtre romantique.

Bienvenue donc dans cette charmante demeure nichée au pied de Montmartre, dans le quartier de la Nouvelle Athènes, qui fut autrefois la maison d’Ary Scheffer, où Georges Sand passa de nombreuses heures et où les murs ont gardé l’odeur des vieilles choses.

120 œuvres issues du Musée Carnavalet sont présentées pour nous faire découvrir toute l’effervescence d’un monde, celui du théâtre parisien, à un moment crucial de son histoire. Tous les genres sont évoqués, le vaudeville, l’opéra, le mélodrame, le mime, le ballet ; les plus grands noms sont cités, Talma et Rachel que j’ai déjà eu l’occasion de vous faire découvrir mais également le mime Deburau, Maria Malibran Fanny Elssler ou la charmante Marie Taglioni ; les sublimes décors et costumes sont aussi évoqués. Alors venez, entrez et regardez derrière le rideau, à travers une exposition conçue en trois parties : le grand et le petit théâtre, la naissance du ballet romantique et le décor de théâtre.

Adolphe Martial Potémont (1828-1883)
Les Théâtres du boulevard du Temple, 1862 © Musée Carnavalet/Pierre Antoine-Paris Musées

Le XIXe siècle voit naître de grands changements dans le monde du spectacle, que ce soit le théâtre ou l’opéra. Paris devient la capitale européenne de cet univers foisonnant en renouvellement complet.
C’est ici, dans la ville pas encore lumière qu’est concentré le plus grand nombre de salles en Europe, privées ou subventionnées. Et c’est sur toutes ces scènes que s’opèrent les changements à travers notamment la redécouverte d’auteurs comme Shakespeare qui incarne par sa faculté à traiter tous les genres et à toucher tous les publics cette nouveauté recherchée.

Théâtre des variétés, source gallica/bnf

Stendhal grand admirateur du dramaturge britannique dans Racine et Shakespeare (1823-25) tend à prouver que ce dernier est supérieur à Racine et exprimer son désir de voir abolir la versification pour une représentation plus proche de la réalité, pour former au théâtre une illusion parfaite.

Jean-Baptiste Singry, 
Alexandrine Saint-Aubin en‘Cendrillon’ vers 1810 ©Carnavalet/Roger-Viollet

Victor Hugo, le chantre du drame Romantique avec la célèbre bataille d’Hernani en 1830, le définit dans la Préface de Cromwell (1827) comme une somme de toutes choses, un mélange de genre, d’action, de pensées ou de registres. Il l’oppose à la tragédie classique en reniant la règle d’or de l’unité (unité de lieu, de temps et d’action). Hugo impose cinq lignes directrices au drame romantique :

– reproduire  la vie réelle (mélange des genres)
– rejeter le classicisme à travers le refus des 3 unités ou de la bienséance qui empêche le réalisme.
– rechercher la liberté créatrice et l’invention totale
– maintenir la versification
– peindre une « couleur locale »

La première salle de l’exposition évoque tous ces acteurs qui ont contribués à révolutionner le théâtre dans leurs manières de jouer avec une série de petits bustes de Jean-Pierre Dantan qui portraiture toute la société de son temps ; mais aussi de beaux portraits.

Louis Hersent (1777-1860) Talma en costume de scène, 1811© Daniel Couty

Regardez Talma sur cette petite toile de Louis Hersent, le regard fier et frondeur dans son costume antique. Talma (1763-1826), acteur préféré de Napoléon et talent incontestable renouvelle le costume accompagné du peintre David. Ensemble ils cherchent le réalisme historique dans la manière de s’habiller pour un rôle. Plus question de jouer dans des costumes de son temps, s’il doit jouer dans Brutus, il sera habiller en romain, même si les bras et les jambes nues peuvent choquer. Talma renouvelle aussi le jeu même du comédien, qui est d’avantage mis en valeur en tant qu’artiste et plus simplement en dicteur de textes. « Avec [la mort de] Talma, toute tragédie est descendue dans la tombe. La France croyait encore à la tragédie ; lui mort, la tragédie a été mise au rang des croyances abolies »  disait Jules Janin, écrivain et critique dramatique.

Frédérique 0′ Connel, Rachel dans le rôle de Phèdre, 1850 ©Musée Carnavalet / Roger-Viollet

Mais le 12 juin 1838,  une comédienne va apparaître sur la scène du Théâtre-français en Camille d’Horace pour redonner vie à la Tragédie et en devenir la reine incontestable. Cette comédienne c’est Rachel (1821-1858) dont on peut voir le magnifique portrait d’O’connel d’elle dans le  rôle de Phèdre. Quelle intensité dans le regard, ce n’est pas Rachel, mais Phèdre qui est devant nous sous les traits de Rachel, la plus grande tragédienne du XIXème siècle qui est évoquée de nombreuses fois dans l’exposition notamment à travers ses accessoires de scène, ses bijoux ou ses petits souliers de soie.

Les grands tragédiens ne sont pas les seuls à l’honneur. Les différentes « stars » des nombreuses salles parisiennes sont évoquées, car elles étaient nombreuses. Alors certes, le mot est anachronique mais à notre époque où tout le monde revendique la célébrité mais ou peu peuvent se prétendre star au sens le plus pure, je le trouvais plutôt

Le Mime Charles Deburau en costume de Pierrot de Jean Pezous ©Musée CarnavaletRoger-Viollet

parlant. Les mimes Deburau, père et fils ont par exemple une belle part à travers un portrait de dos, du mime se regardant dans le miroir. Deburau fils ne se destinait pas du tout à ce genre, il se rêvait tragédien. Mais à la mort de son père, alors qu’il n’a lui-même que 17ans, la ressemblance physique, les mêmes grandes jambes, les mêmes grands bras,  le pousse sur le devant de la scène du Théâtre des Funambule puis aux Délassements-Comiques, ressuscitant ainsi son père devant une foule en liesse et devenant à son tour un Pierrot légendaire.

Au-delà des acteurs ce sont aussi leurs costumes qui sont mis à l’honneur à travers l’exposition de nombreuses illustrations dues pour la plupart à  Louis Maleuvre, Joly, Auguste Raffet, Paul Gavarni et Carle Vernet (c’est amusant de voir qu’il ne fait pas que des scènes de chasse d’ailleurs). On retrouve notamment la Petite galerie dramatique ou recueil des différents costumes d’acteurs des théâtres de la capitale publiée en 1796 par Aaron Martinet qui représente les acteurs dans les costumes de leurs rôles les plus célèbres. Elle va se perpétuer sous divers noms jusqu’à la fin du XIXème siècle : la galerie théâtrale en 1844 et la nouvelle galerie dramatique en 1872 formant un tout de 2930 planches qui sont un témoignage précieux sur l’évolution du costume.

Victor Darjou (1804-1877) L’acteur Hugues Bouffé (1800-1888),
représenté dans ses principaux rôles, Salon de 1848 ©musée Carnavalet/Roger-Viollet

Preuve que tous les genres sont ici traités, nous quittons le théâtre pour rejoindre l’Opéra. Après la destruction par Louis XVIII de l’Opéra de la rue de Richelieu et avant la construction de l’opéra Garnier, c’est la salle  Le Peltier conçu pour être temporaire, qui va accueillir entre 1821 et 1873 les plus grands opéras de son temps, la sublime voix de la célèbre Maria Malibran ou de Marietta Alboni mais aussi la naissance du ballet romantique à travers ses plus fameuses ballerines. C’est cet opéra que l’on retrouve notamment chez Degas dans ses peintures de petites danseuses.

Jules Arnout, Intérieur de la salle Le Peletier pendant une représentation de ‘Robert le Diable’, vers 1854 © MuséeCarnavalet/ Roger-Viollet

Deux d’entre- elles ont particulièrement fait battre le cœur de leurs contemporains : Marie Taglioni et Fanny Elssler au point de mener la passion qu’elles déchainèrent à une lutte enflammée entre Taglionistes et Elsseleristes.

Le Grand Pas de Quatre
Carlotta Grisi (1819-1907) à gauche, Marie Taglioni (1804-1864) au centre, Lucille Grahn (1819-1907) au fond à droite, et Fanny Cerrito (1817-1819) devant à droite (Gravure de Thomas Herbert Maguire, d’après une aquarelle d’Alfred Edward Chalon)

Marie Taglioni est la fille d’un chorégraphe italien et d’une danseuse suédoise. Elle incarne le changement et devient la première ballerine moderne, la première en tutu, grâce au premier ballet romantique créé en 1832 pour elle par son père qui adapte la chorégraphie à sa technique et à sa morphologie, la sylphide.

Achille Devéria,Fanny Elssler en Florinda dansant La Cachucha dans le ballet Le Diable boiteux 1836, ©Carnavalet/Roger-Viollet

L’autrichienne Fanny Elssler fut engagée à Paris en 1834 et s’impose comme une grande danseuse grâce à son interprétation accompagnée de castagnettes de la cachuta dans le Diable Boiteux en 1836 où elle devient l’incarnation fougueuse même de cette danse comme Marie Taglioni était l’éthérée sylphide. La cachuta marque aussi l’entrée dans les chorégraphies de danses plus exotiques.

Avec Carlotta Grisi, Taglioni et Elssler forment les trois grâces du ballet romantique. Grisi a pour sa part créé le rôle de Giselle 1841, considéré comme l’apothéose du ballet romantique. Elle était aussi une amie et une muse de Théophile Gautier dont sa sœur était la compagne.

La période du ballet romantique traditionnellement retenue se situe entre 1827 et 1845-1850 et se caractérise par un style éthéré, des histoires inspirées des mythologies nordiques pleine de fées et de trolls, une nature enchanteresse et du surnaturelle plus présents. Sylphide, présenté en 1832 est considéré comme le premier des ballets romantiques même si d’autres lui avaient ouvert la voie, notamment  Flore et Zéphire, présenté en 1815 à Paris. Giselle en 1841 en est un archétype parfait dans le mélange des genres et son histoire d’amour surpassant la mort, thème fort apprécié.

Lejeune (Emile ?) Les Trois Grâces, 1844 ©Carnavalet/Roger-Viollet

La ballerine devient le centre du ballet, elle qui n’était qu’un faire-valoir pour le danseur. Les techniques de pointe et des jambes deviennent plus importantes dans la chorégraphie et attirent les regards grâce au tutu qui fait son apparition. La technique et la difficulté doit pourtant s’effacer derrière une impression de légèreté et de grâce qui caractérise le ballet romantique.

Philippe Chaperon(1823-1907) Decor de l’acte IV du Roi s’amuse au théâtre français, 1882 ©musée Carnavalet/Roger-Viollet

La scène de théâtre ou d’opéra change aussi et ses décors constituent la troisième partie de l’exposition. A l’image de la diction ou du costume, la décoration tend aussi vers un réalisme plus profond qui fait voyager au premier coup d’œil. La recherche d’une réalité historique n’est pas que dans le fond, elle touche aussi la forme.

La somptuosité déployée est telle qu’elle éclipse parfois tout le reste. L’éclairage au gaz permet de rendre des ambiances plus profondes, plus réelle. C’est l’une des grandes innovations du XIXème siècle. Louis Daguerre à l’Ambigu comique est une figure fondamentale de l’évolution de la mise en scène avec ses inventions telles le cyclorama ou le diorama (1822) qui tentent de reproduire des phénomènes naturels comme un lever de soleil ou la lumière de la lune.

Maquette de décor pour « Robert le Diable », de Meyerbeer, 1831. Il s’agit du « Ballet des Nonnes », où figurait pour la première fois la danseuse Marie Taglioni. 1831.©musée Carnavalet/Roger-Viollet

L’une des plus belles salles de l’exposition est celle où sont montrées les décors peints par Cicéri ou Chaperon. Le ballet Robert le diable, dont les décors sont conçus par Cicéri a profondément marqué les esprits par la beauté de ces derniers, notamment le troisième acte où le spectateur rentre littéralement dans le cloître de Sainte-Rosalie. C’est un voyage dans milles lieux et milles temps à travers ses décors qui s’offre à nous.

Esther de Racine
Ibravo, Julia Grisi

Cette exposition tient donc toutes ses promesses, une petite parenthèse enchanteresse, dans un lieu qui ne l’est pas moins. Un voyage au pays du théâtre et des tutus, une immersion dans un monde mystérieux et fascinant plein de légendes qui ont gravées leurs noms dans la pierre et conditionnées le monde du spectacle actuel.
En conclusion, j’aime toujours autant les expositions sur ce thème !

                                                                                                                                                  

Musée de la Vie Romantique : du 13 mars au 15 juillet 2012
Commissariat : Daniel Marchesseau, Directeur du musée de la Vie romantique ; Jean-Marie Bruson, Conservateur général au musée Carnavalet

Liens :

1) http://www.paris.fr/loisirs/musees-expos/musee-de-la-vie-romantique/theatres-romantiques-a-paris-collections-du-musee-carnavalet-du-13-mars-au-15 juillet/rub_5851_actu_110115_port_24533
2 ) http://chroniquesdelacostumerie.fr/le-theatre-romantique-acteurs-et-decors/
3) http://chroniquesdelacostumerie.fr/ballets-romantiques-et-costumes-de-scene/
4 ) http://www.latribunedelart.com/theatres-romantiques-a-paris-collections-du-musee-carnavalet-article003667.html
5) http://www.clioetcalliope.com/cont/romantisme/theatre.htm

La Comédie Française s’expose…

La comédie française s’expose au Petit Palais.

Du 13 octobre 2011 au 15 janvier 2012

Commissariat général : Gilles Chazal (conservateur général, directeur du Petit Palais ; Agathe Sanjuan (conservateur, archiviste de la Comédie Française).
Commissariat : Sophie Renouard de Bussiere (conservateur général du Petit Palais) et Sylvain Lecombre (conservateur en chef du Petit Palais)
Moliere dans le rôle de César, dans la mort de César. Mignard. 1661-1665
 

Jusqu’à présent, dans tous les articles ou je parlais d’expo que j’avais vu, je vous conseillais de la faire et ….je ne vais pas changer d’angle de vue pour celle-ci ! Je vais même être encore plus enthousiaste dans mon conseil. Go go go!

Mardi j’étais fatiguée, j’allais sur Paris juste pour bouger, mais ma motivation m’aurait plutôt conduit vers un fauteuil bien douillet pour m’affaler devant la TV et glander comme une reine. Mais j’étais déjà dans le RER quand cette envie est apparue, donc pas le choix. Ayant la flemme d’aller faire la queue sous la pluie au Luxembourg pour Cézanne (que je ferais plutôt dans 2 ou 3semaines quand l’enthousiasme des débuts d’expo sera retombé), je suis allée au Petit Palais, sachant qu’il y avait une exposition sur la Comédie Française. Eh bien, ce fut une très bonne idée.

Vous avez déjà été au Petit Palais ? J’adore ce lieu, dès qu’on passe ces portes immenses et dorées on se retrouve dans un cadre juste enchanteur. A chaque fois que j’y mets les pieds je m’émerveille toute seule devant ce plafond qui vous donne l’impression d’être dans un autre monde. Mais enfin bref, passons sur les rêveries. Je me suis donc dirigée vers l’exposition nichée dans l’aile droite et bonheur, presque personne. On ne le dit pas assez que faire une expo pas bondée c’est possible et mieux ! La foule qui s’agglutine et qui transpire n’est pas forcement synonyme de qualité, la preuve !

les farceurs français et italiens depuis 60ans et plus, 1670 anonyme

L’expo donc ! 200 œuvres sont présentées de manière exceptionnelle. Elles ne viennent pas des collections de grands musées mais de la collection même de la Comédie Française acquise depuis 1680. Ces pièces sont d’habitude réservées à la vue des pensionnaires et sociétaires, dans les couloirs ou les bureaux, mais pas forcément de tout à chacun. C’est donc tout un univers, celui de la Comédie Française, et surtout du patrimoine théâtral qui s’ouvre à nous.

On pénètre dedans de manière très calme par une scénographie épurée, comme si on entrait dans une pièce de théâtre, un monde à part je vous dis. Des masques colorés vous accueillent et le parcours est construit comme une pièce justement, en cinq actes, avec à chaque début de partie, un grand panneau lumineux qui vous annonce le sujet.

Acte I : 1680, la date fondatrice. Il existait à Paris plusieurs troupes rivales. Celle de l’hôtel de Bourgogne, nommée troupe royale par Louis XIII;  l’hôtel du Marais pour les pièces à machines; les Italiens (voir les toutes petites huiles sur cuivre, anonymes des années 1570-1600 représentant la troupe des Gelosi, troupe de la Commedia dell’arte originaire de Milan qui jouèrent pour le roi de France) et la troupe de Molière.

Molière personnage présent dans toute l’exposition, comme une ombre qui veille toujours sur le Théâtre Français. D’ailleurs son mythique fauteuil de 1673 est là, devant nos yeux. Bien abîmé certe mais surtout symbole à lui seul  d’une grande partie de notre patrimoine théâtral. Il a d’ailleurs servit sur scène jusqu’en 1879.

3 portraits sont également présentés : Celui de Mignard où il est en César; celui de Coypel de 1734 et celui de l’atelier de Mignard, 1658.

A la mort de Molière, en 1673, le roi Louis XIV décide d’unir sa troupe avec celle de l’hôtel du Marais et l’installe à l’hôtel Guénégaud.

Par lettre de cachet, le 21 octobre 1680, on fusionne l’Hôtel Guénégaud et l’Hôtel de Bourgogne, ce qui donne une troupe de 27 personnes connue désormais sous le nom de Comédie Française, Théâtre Français ou encore Maison de Molière. C’est d’ailleurs amusant de constater que bien qu’omniprésent dans cette histoire, le personnage principal est tout de même décédé depuis déjà 7ans. C’est Charles Vartet, dit La Grange, continuateur de Molière, garant de son œuvre et de sa mémoire qui en devient l’orateur.

Acte II : Institution et demeures. Bien que liée aujourd’hui à la salle Richelieu, on apprend que d’autres salles ont accueilli la Maison de Molière : l’hôtel Guénégaud (1680-1687), la salle du jeu de Paume (j’ai découvert que l’expression « enfant de la balle » venait de ce lieu, on en apprend des choses ^^, 1687-1770) rue des Fossés-Saint-Germain-des-Près, la salle des machines du Palais des Tuileries (1770-1782),  l’Odéon (1782-1793) et seulement en 1799, la salle Richelieu.

Une maquette trone au milieu de la salle et sur les murs les décors disparus, ou non de la salle. Notamment une étude du rideau de fer peint par Olivier Debré.

Acte III : le répertoire : des œuvres et des hommes. Cette partie-là est sans doute pour moi la plus fascinante (quoi que la suivante m’ait bien plu aussi). On sait tous ce qu’est le répertoire avec plus ou moins de précision, pourtant cette notion prend par la muséographie une autre dimension.

On arrive face à une petite salle un peu sombre et une dizaines de statues d’auteurs vous contemple. On est tout de même  face à face avec ces grands noms qui ont écrit l’histoire du théâtre. On est littéralement face à ce répertoire.  Dumas fils a dit : « Le Théâtre Français n’est pas un théâtre comme les autres. Quand on y apporte un manuscrit, il y a les bustes qui vous regardent ».

Gérome, Rachel, la "Tragedie", 1859

L’idée vient de comédiens comme Lekain de décorer leur salle d’assemblée par des bustes de Molière, Corneille ou Racine. En 1775,  cette idée prend une autre dimension grâce à Caffieri qui est l’auteur de la plupart des bustes présentés (Corneille,  Alexis Piron, Jean de Rotrou, Jean-Baptiste Rousseau, Jean-François Regnard, Pierre Laurent Buirette de Belloy, Nivelle de La Chaussée ou Destouches). Il avait demandé un abonnement à vie pour le buste de Piron. Cette série s’est étalée jusqu’en 1792 avec au total 16 bustes, dont 9 de Caffieri.

En 1680, le roi offre le privilège de jouer toutes les pièces en français à Paris et dans les Faubourg. A ce répertoire se sont joint toutes les œuvres de Molière et Racine. Aujourd’hui est considérée comme appartenant au répertoire, toute œuvre jouée sur la scène principale à Richelieu. En Mai 2010, 1024 auteurs étaient inscrits au Répertoire de la Comédie Française. Pourtant même si c’est un honneur pour un artiste d’y être inscrit, ce n’est pas forcément un gage d’éternité comme le souligne l’une des salles. Un auteur comme Dancourt a longtemps été l’un des plus joué (5659 représentation) mais ne l’est plus aujourd’hui. De même, tout le monde connaît Voltaire, mais son côté dramaturge n’est plus vraiment la raison de sa célébrité.

Mlle Mars par Thomas. Incarnation de la Comédie, elle acceuille les visiteurs aux côtés de Rachel

Acte IV : Histoire d’une troupe. Voilà l’autre partie fascinante. Rien d’extraordinaire en soit. On apprend comment fonctionne la Comédie. Ainsi souvent un comédien est confiné à un seul genre (tragique, comique, romantique) mais il y a aussi la notion « d’emploi » qui peut régir toute sa carrière de manière très stricte (Mademoiselle Mars à 62 ans joue toujours Célimène)  et était transmise d’un acteur à un autre : le rôle du roi, de la servante, l’ingénue, le valet ou la jeune première entre autres.

Ce qui est fascinant, du moins à mes petits yeux d’ignorantes, c’est cet ensemble de portraits d’acteurs.  Les auteurs étaient exposés dans les parties publiques, mais pendant longtemps les acteurs eux étaient réservés aux parties privées. Et par cette exposition, c’est une intimité de la troupe et des personnes qu’on découvre et en même temps, une histoire du portrait d’acteur. Il y a les portraits où le comédien se dissimule derrière le rôle, ce qui se rapproche de la peinture d’histoire ; le portrait allégorique, ou cette fois-ci une comédienne est dépeinte sous les traits d’une muse (Thalie ou Melpomène) ; le portrait monumental ; le portrait mondain etc. Puis bien sûr la photographie depuis le XX ème siècle.

Fascinée par ces images, ces légendes même, je ne peux pas m’empêcher de vous livrer quelques noms qui ont fait vibrer les planches et les cœurs en leurs temps :

 

Coypel, Charles-Antoine (1694-1752), mademoiselle Lecouvreur en Cornélie (Corneille, la mort de Pompée) 1726

Adrienne Lecouvreur (1692-1730), rentrée à la comédie en 1717 dans le rôle d’Electre, elle est perçue comme l’une des plus grandes tragédiennes de son temps. Elle est l’exemple même de la comédienne enfermée dans un rôle car voulant jouer Célimène, elle doit renoncer devant la pression du public qui ne veut pas la voir jouer une comédie. Elle aurait été empoisonnée par la Duchesse de Bouillon. Son histoire a même inspiré un opéra à Francesco Cilea.

Simon Bernard le noir, Lekain en Genghis Khan (l'orphelin de Chine de Voltaire) 1769

Lekain (1729-1178), grand tragédien et interprète préféré de Voltaire. Son physique un peu ingrat (petit, voix sourde) aurait pu être un handicap, mais il sut en joué et le faire même oublier par un grand travail sur lui-même et la diction dans laquelle il introduit plus de naturel. Louis XV, après une représentation s’exclama « il m’a fait pleurer, moi qui ne pleure jamais ». Il est aussi connut pour être le maître d’un des plus grands acteurs qu’ait connu la Comédie Française : Talma.

Talma, dans le rôle de Néron (Britannicus, Racine), Delacroix 1853

Talma (1763-1826). Acteur révolutionnaire dans tous les sens du terme.De nombreuses œuvres rendent hommage dans l’exposition à ce prestigieux acteur. Il renouvelle le jeu de l’acteur, sa diction et même le costume, sur les conseils de J-L David, désormais plus réaliste. En Brutus, il porte pour la première fois la toge romaine. Durant la période révolutionnaire, en 1791, il quitte la troupe et créé le théâtre de la République dans ce qui deviendra le théâtre Richelieu. Sous l’Empire il est officiellement « l’acteur préféré de Napoléon » et parmi ses maitresses, on compte Pauline Bonaparte.

Devaria (?) Rachel en Roxane (Bajazet, Racine) 1850

Rachel (1821-1858). Ha Rachel! La tragédie faite femme. Modèle de Sarah Bernhardt, elle est la reine du théâtre du XIXème siècle. Débutant à l’académie à 17 ans en Camille d’Horace, elle va remettre à la mode la Tragédie classique, jouant les plus grands auteurs. Pas belle, dans l’esprit de son siècle, Alfred de Musset dira d’elle : « La taille de mademoiselle Rachel n’est guère plus grosse qu’un des bras de mademoiselle George ! » Pourtant elle est toute en grâce et légèreté sur scène. Pendant féminin de Talma, elle connaît un succès planétaire, en effet elle est reçue à Londres par la reine Victoria et elle a même joué au Métropolitain Theater de Broadway. Le jour de ses funérailles, 100 000personnes étaient là dans le carré juif du Cimetière du Père-Lachaise pour dire adieu à cette petite fille pauvre devenue Reine.

Clairin, Sarah Berhardt dans le rôle de la Reine (Ruy Blas), 1897

Sarah Bernhardt (1844-1923), la Divine, la Scandaleuse ou encore la Voix d’or (Victor Hugo). Résumer sa carrière est impossible. L’expression « Monstre sacré » a été créée pour elle par Cocteau tout comme Salomé d’Oscar Wilde a été écrite sur sa demande. Sa relation avec le « français » fut légèrement tumultueuse : elle gifla une pensionnaire ce qui lui valut un premier renvoie et même si elle y est rappelée plus tard, elle en démissionne en 1880.

Mounet-Sully (1841-1916), autre monstre sacré. Il est l’amant et le pendant de Sarah Bernhardt. Grand tragédien, il renouvelle notamment le rôle d’Hamlet et est le doyen de la troupe durant la première guerre.

Acte V : Molière mis en scène. Dans cet acte final, c’est l’occasion d’apprécier la postérité de Molière. Je suis désolée, j’étais pressée, j’ai dû accélérer à ce moment, donc je ne peux pas trop en dire. Juste, le mur de maquettes de décors de théâtre était incroyable, moderne ou classique, tout y était.

Et pour la dernière pièce, toutes les photos des actuels sociétaires de la Comédie Française…Il y en a un certains nombres dont je n’aurai jamais parié qu’il y était. Ces portraits offrent une jolie conclusion, tout en continuité par rapport à l’exposition et en même temps ouverts sur l’avenir.

Donc voilà, j’espère vous avoir convaincu, une belle exposition, pas prétentieuse comme d’autres, claires et on y apprend plein de choses tout en rêvant devant les costumes.

http://www.petitpalais.paris.fr/sites/default/files/dp_comedie_francaisesmal_bd.pdf

http://www.comedie-francaise.fr/histoire-et-patrimoine.php?id=525

http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Les-Naufrages/ensavoirplus/idcontent/18455

http://www.franceinter.fr/evenement-la-comedie-francaise-s-expose-au-petit-palais?page=2