Je sais que cette exposition se termine dans 4 jours et que de fait je ne vous apprendrai peut-être pas grand-chose, mais pour tous ceux qui attendent la dernière minute, qui se disent « c’est bon j’ai le temps » et qui se réveillent trop tard comme moi parfois, peut-être que vous je vous aiderai à vous décider si oui ou non l’exposition vaut le coup.
Et pour ne pas m’étaler dans un suspense inutile, la réponse est oui! Un grand oui !
Pour commencer la scénographie de Pier Luigi Pizzi est superbe, on est plongé d’entrée dans les rues de Rome au XVIIème siècle avec ses façades baroques d’après Giovanni Battista Falda et une grande carte nous accueille afin de voir où vivaient les différents artistes venus de toute l’Europe : Jusepe de Ribera, Simon Vouet, Bartolomeo Manfredi, Gerrit van Honthorst et tant d’autres comme Les Bentvueghels, peintres nordistes qui avaient formés une quasi-corporation.
Organisée en premier lieu par l’Académie de France à Rome-Villa Médicis, cette exposition n’est pas là pour nous faire rêver sur les beautés étourdissantes de la Rome papale, cette Rome de faste et de palais. Ici on est dans la rue, les cloaques, les tavernes miteuses où rodent quelques voleurs de grands chemins. On est dans les bas-fonds comme le dit si bien le titre. Au pied des ruines romaines, vivait alors un peuple que les grands ne voyaient pas mais que ces peintres ont immortalisé.
Derrière la beauté des murs, se cache une réalité plus sombre que le caravagisme transcrit parfaitement par des jeux de clair-obscur brutale et sans concessions mais que d’autres peintres vont aussi merveilleusement illustrer.
L’approche choisie est thématique. On commence par un face à face avec une figure presque tutélaire pour ces artistes, Bacchus, dieu du vin et de l’ivresse mais aussi dieu qui inspire la folie et la création que déjà Caravage peignait de manière provocatrice.
Parmi les thèmes représentés on trouve la magie, la sorcellerie, sombre et déroutante avec ses monstres venus d’un autre monde ; les tavernes, lieux sordides où le vice règne incarné par la diseuse de bonne-aventure qui trompe tout le monde jusqu’au spectateur, lieu de musique aussi qu’on écoute l’air fuyant.
Le peintre lui-même se montre provocant en peignant de manière irrévérencieuse la « fica », geste à connotation sexuelle qu’on retrouve partout ; hors ou dans les tavernes la violence est manifeste à travers les nombreuses rixes qui animent les rues et les hommes. On rencontre aussi des figures sombres, ces gens des rues dont les peintres peignent le portrait dans un souci de recherche naturaliste, le mendiant, la prostitué, le bandit de grand chemin. Eux aussi ont le droit d’être portraituré à l’image des plus grands, mais sans détours, ni atours, sans embellissements, dans la dureté de leur quotidien souvent misérable. Le mendiant de Ribera est à ce titre très parlant, avec son visage qui se détache à peine de la noirceur dans laquelle il se trouve.
Une exposition troublante donc, point de sublimes œuvres invitant à la contemplation mais des peintures montrant l’humanité dans ce qu’elle a de plus sombre, l’autre partie du miroir en quelque sorte mais une partie fascinante qui éveille en nous spectateur le goût de l’aventure comme quand on regarde un film de pirates ou de brigands.
Du 24 février au 24 mai. Petit Palais
Commissaires:
Francesca Cappelletti, professeur à l’université de Ferrare
Annick Lemoine, chargée de mission pour l’histoire de l’art à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, maître de conférences à l’université Rennes 2
Christophe Leribault, directeur du Petit Palais