Dans cet article il ne sera pas question d’exposition temporaire mais de redécouverte d’une collection permanente. Ceux qui me suivent sur Facebook et Twitter auront peut-être deviné que je vous emmène au Louvre pour l’ouverture des nouvelles salles du Département des Objets d’Art. Consacrées aux arts décoratifs de Louis XIV jusqu’à la Révolution, ces salles sont un voyage temporel réussi et magnifique. Une nouvelle pépite pour le plus beau musée du monde d’autant plus que cette collection dont l’origine remonte à Louis XVI pour son projet de musée non abouti est l’une des plus belles du monde avec la particularité d’être en grande partie constituée d’objets à provenance royale et princière.
2183m², 33 salles, plus de 2000 objets. Ces chiffres donnent le tournis tout comme les 26millions d’euros qui ont été nécessaires pour y parvenir, et ce projet aussi pharaonique soit-il n’a été financé que par le mécénat. Ils seraient trop long de citer ces nombreux donateurs mais citons quand même les deux principaux à savoir les Montres Breguet et le cercle Cressent du Louvre présidé par Maryvonne Pinault.
Le parcours se veut chronologique, ce qui pour ce type d’œuvres est plus cohérent pour bien comprendre l’évolution des styles. Ainsi trois axes se dégagent :
– 1660 – 1725 : le règne de Louis XIV et la Régence
– 1725- 1755 : le style Rocaille (ou rococo pour les étrangers)
– 1755- 1790 : le retour du classicisme et le règne de Louis XVI
La muséographie s’oriente sur deux points principaux, d’un côté des vitrines thématiques (vaisselles, faïence, instruments scientifiques etc.), de l’autre, ce qui est plus rare en France, la création de 14 period rooms. Ces dernières sont très présentes dans les musées anglo-saxons, il s’agit de reconstitutions muséales de pièces qui servent à évoquer une période et un style. Ces dernières, très jolies, nous font pénétrer dans le passé et nous présentent à chaque fois des pièces exceptionnelles. On pénètre ainsi dans le palais Bourbon de Louis-Joseph de Bourbon avec sa belle coupole d’A-F Callet de 1774 ; dans l’hôtel Le Bas de Montargis qui appartenait au gendre de Jules Hardouin-Mansart avec ses boiseries et sa pendule ; dans le grand salon du château de Voré de Louis Fagon, intendant des Finances et fils du premier médecin de Louis XIV qui possède l’un des rares exemples conservés de décor d’arabesque exécuté par J-B Oudry sur le thème des plaisirs champêtres…Tout est si délicat et somptueux à la fois.
Personnellement je vois dans ces salles une manière de rappeler qu’avant d’être un musée, le lieu a été une demeure royale de premier ordre, où la décoration était soignée, ce que beaucoup oublie. Combien sont ceux en effet qui lèvent les yeux sur les plafonds peints ou sur les boiseries de la chambre d’Henri II ?
Après vous aurez toujours des sceptiques pour vous dire qu’en réalité ces pièces sont reconstituées avec une partie seulement du mobilier original, le reste étant seulement du mobilier similaire. C’est l’éternel débat autour des period rooms et je ne préfère pas rentrer dedans aujourd’hui, n’ayant pas encore d’avis tranché même si je conçois qu’on puisse voir ce type de muséographie comme un attrape touriste, mais d’un stricte point de vue esthétique, il faut admettre que ça rend mieux qu’un meuble isolé dans un coin.
Dans les salles du Conseil d’Etat vous retrouverez une évocation de la production du Grand Siècle des manufactures royales et des ateliers de la couronne confiés à la direction de Charles Le Brun en 1667 sous le regard attentionné et strict de Louis XIV par Rigaud accroché ici pour l’occasion. C’est là entre autres que j’ai pu enfin retrouver mon mobilier Boule. Car oui, ils m’ont beaucoup manqués tous ces meubles en marqueterie Boulle en écaille, laiton ou étain. Ce que le mobilier français a fait de plus beau à mes yeux.
Dans la salle du pavillon de Beauvais vous verrez de la faïencerie et de l’orfèvrerie de la seconde moitié du XVIIIème siècle jusqu’au rocaille de 1750 exposé au centre de la pièce. Là je dois admettre que la muséographie m’a laissé perplexe, me donnant davantage l’impression d’être dans un petit labyrinthe. Mais bon, j’ai le droit de ne pas être satisfaite de tout. Heureusement les pièces exposées rattrapaient en partie le coup comme cet immense surtout de table rocaille de Jacques Roettiers (1707-1784) pour le prince de Condé et son hôtel parisien.
Le goût pour l’Antiquité et l’arrivé du néoclassicisme sont joliment évoqués pour leur part dans la salle Piranèse où on a remonté pour l’occasion la collection d’antiques du comte d’Orsay.
Vous pourrez également tomber sur la galerie Louis XV avec ces vitrines pleines de montres et de tabatières toutes plus riches les unes que les autres et dans le fond le portrait du roi et de la reine par Quentin de La Tour, un peu plus loin c’est la reine Marie-Antoinette qui est à l’honneur avec son petit cabinet.
Il faudra peut-être que je revienne dans quelques mois à tête reposée quand l’attrait de la nouveauté se sera estompé pour voir si le succès est toujours au rendez-vous car je dois avouer que je n’ai jamais vu autant de monde dans cette partie de l’aile Richelieu, c’était presque perturbant pour moi qui aime me retrouver dans l’aile réputée la plus calme et oublier la foule de Mona Lisa devant le trésor de Saint-Denis.
Ce sera l’occasion de regarder de plus près les 7 dispositifs numériques installés. J’ai dû en apercevoir 2, je ne sais pas où sont les autres mais à la lecture du dossier de presse, ils ont l’air intéressant, expliquant notamment l’utilisation des différents objets du quotidien, le service à la française ou la différence entre le style rocaille et le néoclassique, même si pour ce dernier point, suffit d’ouvrir les yeux…
Ces nouvelles salles quoi qu’un peu tape à l’œil sont donc plutôt réussies, il faut que je m’habitue à cette nouvelle muséographie mais dans l’ensemble je suis vraiment contente de retrouver ou de trouver toutes ces pièces. À moi Cressent, Boulle, Baumhauer, Riesener, Criaerd, Jacob et les autres.