La Comédie Française s’expose…

La comédie française s’expose au Petit Palais.

Du 13 octobre 2011 au 15 janvier 2012

Commissariat général : Gilles Chazal (conservateur général, directeur du Petit Palais ; Agathe Sanjuan (conservateur, archiviste de la Comédie Française).
Commissariat : Sophie Renouard de Bussiere (conservateur général du Petit Palais) et Sylvain Lecombre (conservateur en chef du Petit Palais)
Moliere dans le rôle de César, dans la mort de César. Mignard. 1661-1665
 

Jusqu’à présent, dans tous les articles ou je parlais d’expo que j’avais vu, je vous conseillais de la faire et ….je ne vais pas changer d’angle de vue pour celle-ci ! Je vais même être encore plus enthousiaste dans mon conseil. Go go go!

Mardi j’étais fatiguée, j’allais sur Paris juste pour bouger, mais ma motivation m’aurait plutôt conduit vers un fauteuil bien douillet pour m’affaler devant la TV et glander comme une reine. Mais j’étais déjà dans le RER quand cette envie est apparue, donc pas le choix. Ayant la flemme d’aller faire la queue sous la pluie au Luxembourg pour Cézanne (que je ferais plutôt dans 2 ou 3semaines quand l’enthousiasme des débuts d’expo sera retombé), je suis allée au Petit Palais, sachant qu’il y avait une exposition sur la Comédie Française. Eh bien, ce fut une très bonne idée.

Vous avez déjà été au Petit Palais ? J’adore ce lieu, dès qu’on passe ces portes immenses et dorées on se retrouve dans un cadre juste enchanteur. A chaque fois que j’y mets les pieds je m’émerveille toute seule devant ce plafond qui vous donne l’impression d’être dans un autre monde. Mais enfin bref, passons sur les rêveries. Je me suis donc dirigée vers l’exposition nichée dans l’aile droite et bonheur, presque personne. On ne le dit pas assez que faire une expo pas bondée c’est possible et mieux ! La foule qui s’agglutine et qui transpire n’est pas forcement synonyme de qualité, la preuve !

les farceurs français et italiens depuis 60ans et plus, 1670 anonyme

L’expo donc ! 200 œuvres sont présentées de manière exceptionnelle. Elles ne viennent pas des collections de grands musées mais de la collection même de la Comédie Française acquise depuis 1680. Ces pièces sont d’habitude réservées à la vue des pensionnaires et sociétaires, dans les couloirs ou les bureaux, mais pas forcément de tout à chacun. C’est donc tout un univers, celui de la Comédie Française, et surtout du patrimoine théâtral qui s’ouvre à nous.

On pénètre dedans de manière très calme par une scénographie épurée, comme si on entrait dans une pièce de théâtre, un monde à part je vous dis. Des masques colorés vous accueillent et le parcours est construit comme une pièce justement, en cinq actes, avec à chaque début de partie, un grand panneau lumineux qui vous annonce le sujet.

Acte I : 1680, la date fondatrice. Il existait à Paris plusieurs troupes rivales. Celle de l’hôtel de Bourgogne, nommée troupe royale par Louis XIII;  l’hôtel du Marais pour les pièces à machines; les Italiens (voir les toutes petites huiles sur cuivre, anonymes des années 1570-1600 représentant la troupe des Gelosi, troupe de la Commedia dell’arte originaire de Milan qui jouèrent pour le roi de France) et la troupe de Molière.

Molière personnage présent dans toute l’exposition, comme une ombre qui veille toujours sur le Théâtre Français. D’ailleurs son mythique fauteuil de 1673 est là, devant nos yeux. Bien abîmé certe mais surtout symbole à lui seul  d’une grande partie de notre patrimoine théâtral. Il a d’ailleurs servit sur scène jusqu’en 1879.

3 portraits sont également présentés : Celui de Mignard où il est en César; celui de Coypel de 1734 et celui de l’atelier de Mignard, 1658.

A la mort de Molière, en 1673, le roi Louis XIV décide d’unir sa troupe avec celle de l’hôtel du Marais et l’installe à l’hôtel Guénégaud.

Par lettre de cachet, le 21 octobre 1680, on fusionne l’Hôtel Guénégaud et l’Hôtel de Bourgogne, ce qui donne une troupe de 27 personnes connue désormais sous le nom de Comédie Française, Théâtre Français ou encore Maison de Molière. C’est d’ailleurs amusant de constater que bien qu’omniprésent dans cette histoire, le personnage principal est tout de même décédé depuis déjà 7ans. C’est Charles Vartet, dit La Grange, continuateur de Molière, garant de son œuvre et de sa mémoire qui en devient l’orateur.

Acte II : Institution et demeures. Bien que liée aujourd’hui à la salle Richelieu, on apprend que d’autres salles ont accueilli la Maison de Molière : l’hôtel Guénégaud (1680-1687), la salle du jeu de Paume (j’ai découvert que l’expression « enfant de la balle » venait de ce lieu, on en apprend des choses ^^, 1687-1770) rue des Fossés-Saint-Germain-des-Près, la salle des machines du Palais des Tuileries (1770-1782),  l’Odéon (1782-1793) et seulement en 1799, la salle Richelieu.

Une maquette trone au milieu de la salle et sur les murs les décors disparus, ou non de la salle. Notamment une étude du rideau de fer peint par Olivier Debré.

Acte III : le répertoire : des œuvres et des hommes. Cette partie-là est sans doute pour moi la plus fascinante (quoi que la suivante m’ait bien plu aussi). On sait tous ce qu’est le répertoire avec plus ou moins de précision, pourtant cette notion prend par la muséographie une autre dimension.

On arrive face à une petite salle un peu sombre et une dizaines de statues d’auteurs vous contemple. On est tout de même  face à face avec ces grands noms qui ont écrit l’histoire du théâtre. On est littéralement face à ce répertoire.  Dumas fils a dit : « Le Théâtre Français n’est pas un théâtre comme les autres. Quand on y apporte un manuscrit, il y a les bustes qui vous regardent ».

Gérome, Rachel, la "Tragedie", 1859

L’idée vient de comédiens comme Lekain de décorer leur salle d’assemblée par des bustes de Molière, Corneille ou Racine. En 1775,  cette idée prend une autre dimension grâce à Caffieri qui est l’auteur de la plupart des bustes présentés (Corneille,  Alexis Piron, Jean de Rotrou, Jean-Baptiste Rousseau, Jean-François Regnard, Pierre Laurent Buirette de Belloy, Nivelle de La Chaussée ou Destouches). Il avait demandé un abonnement à vie pour le buste de Piron. Cette série s’est étalée jusqu’en 1792 avec au total 16 bustes, dont 9 de Caffieri.

En 1680, le roi offre le privilège de jouer toutes les pièces en français à Paris et dans les Faubourg. A ce répertoire se sont joint toutes les œuvres de Molière et Racine. Aujourd’hui est considérée comme appartenant au répertoire, toute œuvre jouée sur la scène principale à Richelieu. En Mai 2010, 1024 auteurs étaient inscrits au Répertoire de la Comédie Française. Pourtant même si c’est un honneur pour un artiste d’y être inscrit, ce n’est pas forcément un gage d’éternité comme le souligne l’une des salles. Un auteur comme Dancourt a longtemps été l’un des plus joué (5659 représentation) mais ne l’est plus aujourd’hui. De même, tout le monde connaît Voltaire, mais son côté dramaturge n’est plus vraiment la raison de sa célébrité.

Mlle Mars par Thomas. Incarnation de la Comédie, elle acceuille les visiteurs aux côtés de Rachel

Acte IV : Histoire d’une troupe. Voilà l’autre partie fascinante. Rien d’extraordinaire en soit. On apprend comment fonctionne la Comédie. Ainsi souvent un comédien est confiné à un seul genre (tragique, comique, romantique) mais il y a aussi la notion « d’emploi » qui peut régir toute sa carrière de manière très stricte (Mademoiselle Mars à 62 ans joue toujours Célimène)  et était transmise d’un acteur à un autre : le rôle du roi, de la servante, l’ingénue, le valet ou la jeune première entre autres.

Ce qui est fascinant, du moins à mes petits yeux d’ignorantes, c’est cet ensemble de portraits d’acteurs.  Les auteurs étaient exposés dans les parties publiques, mais pendant longtemps les acteurs eux étaient réservés aux parties privées. Et par cette exposition, c’est une intimité de la troupe et des personnes qu’on découvre et en même temps, une histoire du portrait d’acteur. Il y a les portraits où le comédien se dissimule derrière le rôle, ce qui se rapproche de la peinture d’histoire ; le portrait allégorique, ou cette fois-ci une comédienne est dépeinte sous les traits d’une muse (Thalie ou Melpomène) ; le portrait monumental ; le portrait mondain etc. Puis bien sûr la photographie depuis le XX ème siècle.

Fascinée par ces images, ces légendes même, je ne peux pas m’empêcher de vous livrer quelques noms qui ont fait vibrer les planches et les cœurs en leurs temps :

 

Coypel, Charles-Antoine (1694-1752), mademoiselle Lecouvreur en Cornélie (Corneille, la mort de Pompée) 1726

Adrienne Lecouvreur (1692-1730), rentrée à la comédie en 1717 dans le rôle d’Electre, elle est perçue comme l’une des plus grandes tragédiennes de son temps. Elle est l’exemple même de la comédienne enfermée dans un rôle car voulant jouer Célimène, elle doit renoncer devant la pression du public qui ne veut pas la voir jouer une comédie. Elle aurait été empoisonnée par la Duchesse de Bouillon. Son histoire a même inspiré un opéra à Francesco Cilea.

Simon Bernard le noir, Lekain en Genghis Khan (l'orphelin de Chine de Voltaire) 1769

Lekain (1729-1178), grand tragédien et interprète préféré de Voltaire. Son physique un peu ingrat (petit, voix sourde) aurait pu être un handicap, mais il sut en joué et le faire même oublier par un grand travail sur lui-même et la diction dans laquelle il introduit plus de naturel. Louis XV, après une représentation s’exclama « il m’a fait pleurer, moi qui ne pleure jamais ». Il est aussi connut pour être le maître d’un des plus grands acteurs qu’ait connu la Comédie Française : Talma.

Talma, dans le rôle de Néron (Britannicus, Racine), Delacroix 1853

Talma (1763-1826). Acteur révolutionnaire dans tous les sens du terme.De nombreuses œuvres rendent hommage dans l’exposition à ce prestigieux acteur. Il renouvelle le jeu de l’acteur, sa diction et même le costume, sur les conseils de J-L David, désormais plus réaliste. En Brutus, il porte pour la première fois la toge romaine. Durant la période révolutionnaire, en 1791, il quitte la troupe et créé le théâtre de la République dans ce qui deviendra le théâtre Richelieu. Sous l’Empire il est officiellement « l’acteur préféré de Napoléon » et parmi ses maitresses, on compte Pauline Bonaparte.

Devaria (?) Rachel en Roxane (Bajazet, Racine) 1850

Rachel (1821-1858). Ha Rachel! La tragédie faite femme. Modèle de Sarah Bernhardt, elle est la reine du théâtre du XIXème siècle. Débutant à l’académie à 17 ans en Camille d’Horace, elle va remettre à la mode la Tragédie classique, jouant les plus grands auteurs. Pas belle, dans l’esprit de son siècle, Alfred de Musset dira d’elle : « La taille de mademoiselle Rachel n’est guère plus grosse qu’un des bras de mademoiselle George ! » Pourtant elle est toute en grâce et légèreté sur scène. Pendant féminin de Talma, elle connaît un succès planétaire, en effet elle est reçue à Londres par la reine Victoria et elle a même joué au Métropolitain Theater de Broadway. Le jour de ses funérailles, 100 000personnes étaient là dans le carré juif du Cimetière du Père-Lachaise pour dire adieu à cette petite fille pauvre devenue Reine.

Clairin, Sarah Berhardt dans le rôle de la Reine (Ruy Blas), 1897

Sarah Bernhardt (1844-1923), la Divine, la Scandaleuse ou encore la Voix d’or (Victor Hugo). Résumer sa carrière est impossible. L’expression « Monstre sacré » a été créée pour elle par Cocteau tout comme Salomé d’Oscar Wilde a été écrite sur sa demande. Sa relation avec le « français » fut légèrement tumultueuse : elle gifla une pensionnaire ce qui lui valut un premier renvoie et même si elle y est rappelée plus tard, elle en démissionne en 1880.

Mounet-Sully (1841-1916), autre monstre sacré. Il est l’amant et le pendant de Sarah Bernhardt. Grand tragédien, il renouvelle notamment le rôle d’Hamlet et est le doyen de la troupe durant la première guerre.

Acte V : Molière mis en scène. Dans cet acte final, c’est l’occasion d’apprécier la postérité de Molière. Je suis désolée, j’étais pressée, j’ai dû accélérer à ce moment, donc je ne peux pas trop en dire. Juste, le mur de maquettes de décors de théâtre était incroyable, moderne ou classique, tout y était.

Et pour la dernière pièce, toutes les photos des actuels sociétaires de la Comédie Française…Il y en a un certains nombres dont je n’aurai jamais parié qu’il y était. Ces portraits offrent une jolie conclusion, tout en continuité par rapport à l’exposition et en même temps ouverts sur l’avenir.

Donc voilà, j’espère vous avoir convaincu, une belle exposition, pas prétentieuse comme d’autres, claires et on y apprend plein de choses tout en rêvant devant les costumes.

http://www.petitpalais.paris.fr/sites/default/files/dp_comedie_francaisesmal_bd.pdf

http://www.comedie-francaise.fr/histoire-et-patrimoine.php?id=525

http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Les-Naufrages/ensavoirplus/idcontent/18455

http://www.franceinter.fr/evenement-la-comedie-francaise-s-expose-au-petit-palais?page=2