Salomé

Aujourd’hui c’est la sainte Salomé. La sainte en question, c’est Salomé de Myrophore, mère des apôtres Jacques et Jean. Elle fait partie des femmes ayant trouvé le tombeau vide, le dimanche matin de Pâques.

Pourtant, quand on pense Salomé, ce n’est pas exactement cette brave femme qu’on a en tête.

Salomé Huile sur toile 144 x 103.5 Los Angeles, Californie. The Armand Hammer collection UCLA at the Armand Hammer museum of Art and cultural center, AH 90.48

C’est la Salomé sensuelle et langoureuse qui se mettant à danser la fameuse danse des 7 voiles va envoûter Hérode Antipas pour réclamer la tête de Jean-Baptiste.

C’est un thème plus que récurant dans l’art pictural, de Titien, à Cranach, en passant par Le Caravage, ou Beardsley qu’on peut d’ailleurs parfois confondre avec Judith qui se montre aussi avec une tête dans les mains, mais là c’est une autre histoire.

Le XIX ème siècle notamment à travers la littérature va revisiter le mythe  de cette tentatrice dangereuse et fascinante, notamment avec Heinrich Heine, Flaubert, Mallarmé ou Oscar Wilde.  En, 1912, Maurice Krafft recense 2789 poèmes à sa gloire. Et ne parlons pas des compositeurs ou même des cinéastes, comme récemment  Tsai Ming-liang.

Mais qui est donc cette femme si fascinante qui représente les dangers de la séduction et que l’ Eglise a longtemps utilisé dans ses discours misogynes, comme un écho de l’Eve de l’Ancien Testament, représentante de tous les vices féminins et même liée à Satan.

La Salomé des Evangiles pour commencer : seuls Marc ( 6, 14-29)  et Mathieu (14, 1-12) mentionnent cette scène de danse :

Lucas Cranach, "Salome with the Head of Saint John the Baptist", huile sur bois, 73,5 x 54 cm (Szépmuvészeti Múzeum, Budapest) © Szépmuvészeti Múzeum, Budapest

Marc :

« 14           Et le roi Hérode entendit parler (de Jésus), car son nom était devenu célèbre, et il disait :  » Jean Le Baptiste est ressuscité des morts : voilà pourquoi le pouvoir thaumaturgique agit en lui. « 
15           D’autres disaient :  » C’est Elie;  » et d’autres disaient :  » C’est un prophète, comme l’un des (anciens) prophètes. « 
16           Ce qu’Hérode ayant entendu, il disait :  » Ce Jean, que j’ai fait décapiter, il est ressuscité. « 
17           Car c’était lui, Hérode, qui avait envoyé arrêter Jean, et l’avait fait mettre en prison chargé de chaînes, à cause d’Hérodiade, la femme de Philippe, son frère, qu’il avait épousée.
18           Jean en effet disait à Hérode :  » Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère. « 
19           Hérodiade lui gardait rancune et voulait le faire mourir, mais elle ne le pouvait pas,
20           car Hérode craignait Jean, le sachant homme juste et saint, et il le préservait; en l’écoutant il était dans la perplexité, mais il l’écoutait volontiers.
21           Il arriva un jour propice, quand Hérode, pour l’anniversaire de sa naissance, donna un festin à ses grands, aux tribuns et aux principaux de la Galilée.
22           La fille d’Hérodiade elle-même, étant entrée, dansa et plus à Hérode et aux convives. Et le roi dit à la jeune fille :  » Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. « 
23           Et il lui fit serment :  » Quoi que ce soit que tu me demandes, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. « 
24           Elle sortit et dit à sa mère :  » Que demanderai-je?  » Celle-ci dit :  » La tête de Jean le Baptiste. « 
25           Rentrant aussitôt avec empressement vers le roi, elle lui fit cette demande :  » Je veux que tu me donnes, à l’instant, sur un plateau, la tête de Jean le Baptiste. « 
« Salomé portant la tête de Jean-Baptiste » Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage (1571-1610) National Gallery, Londres.
26           Le roi, très attristé, ne voulut pas, à raison des serments et des convives, la repousser.
27           Envoyant aussitôt un garde, le roi commanda d’apporter sa tête. Il s’en alla décapiter Jean dans la prison,
28           et il apporta sa tête sur un plateau; il la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.
29           Ses disciples, l’ayant appris, vinrent prendre son corps et le mirent dans un tombeau. »

Le nom même de Salomé n’est pas évoqué dans cet évangile, ni dans celui de Mathieu, c’est par un historien romain du Ier siècle et d’origine juive qu’on le connaît : Flavius Josephe.  Ce dernier retrace la généalogie de Salomé. Elle est la fille d’Hériodade (petite-fille d’Hérode le Grand, elle a fini sa vie en exil avec son époux dans le sud de la Gaule) et d’Hérode Philippe Ier. Hériodade quitte son mari, alors qu’il était encore vivant, pour épouser le frère de celui-ci, ce qui est contraire à la loi juive.  Salomé, épouse quant-à elle Hérode Philippe II puis Aristobule II, roi de la Petite Arménie.

Titien, Salomé, 1515. Galleria Doria Pamphilj.

Tout repose donc sur le remariage de sa mère. Jean-Baptiste, a dénoncé ce dernier, Hériodade étant en plus la nièce d’Hérode Antipas, ce qui lui a attiré l’antipathie de la reine qui souhaite sa vengeance . Elle va donc utiliser les charmes de sa fille, pour séduire son mari qui ne pouvant rien lui refuser, va faire exécuter le saint malgré un certain respect pour lui. Flavius Josèphe, n’évoque pas cette scène. Il dit juste qu’Hérode se méfiait de l’influence de Jean et qu’il a été exécuté à Macheronte.

Pour ce qui est de la fin de Salomé, elle serait morte vers 72. Une légende tirée de La lettre d’Herode à Pilate, raconte qu’elle serait tombée dans un lac et que l’eau aurait commencé à geler tout autour d’elle, ne laissant dépasser que sa tête, la sectionnant. Sa figure aurait ainsi reposé sur la glace, comme celle de Jean le Baptiste sur le plateau d’argent que l’on croise en peinture.

L'Apparition Aquarelle 106 x 72.2 Signée en bas à gauche en lettres d'or. Musée du Louvre, département des arts graphiques.

Les deux Apparitions de Gustave Moreau montre une Salomé toute en sensualité comme habillée de bijoux. Moreau (1826-1898), représentant du symbolisme empreint de mysticisme a peint plusieurs fois le thème de Salomé. Il faut dire que depuis  le début des années 1870, l’histoire de Salomé en passionne plus d’un. Elle est partout.

L’orient chéri du peintre est très présent, dans le costume sensuelle de la jeune femme et ce décor de palais mystérieux. Salomé représente la femme orientale fantasmée de l’époque.  L’influence vénitienne dans le choix des couleurs est aussi très marquée. Contrairement à la tradition picturale, la tête de Jean le Baptiste ne repose pas sur un plateau, elle semble flottée dans l’air, nimbée d’une vive lumière qui éclaire la scène. La jeune femme tend sa main vers lui, tout en ayant un geste de recul et ne croisant pas le regard droit du saint, comme pour montrer que cette tête est séparée de son corps par sa seule volonté mais que la conséquence de ce geste la répugne ou du moins l’effraye en même temps.

L'Apparition. Huile sur toile 142 x 103. Musée Gustave Moreau, cat. 222.

http://www.mediterranees.net/mythes/salome/divers/huysmans.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Salom%C3%A9_(fille_d%27H%C3%A9rodiade)

http://crdp.ac-paris.fr/parcours/fondateurs/index.php/category/salome

http://aart.free.fr/Moreau.htm