Giacometti et les Etrusques

Commissaires : Claudia Zevi et MArc Restellini, directeur de la Pinacothèque.

Certains voient cette exposition, comme l’une des attractions de cet automne et il est vrai que le sujet est très attractif. Giacometti d’un côté, dont la côte sur le marché de l’art est au plus haut ; son « Homme qui marche I »  qui a battu un record d’enchère en février 2010 en étant adjugé pour 74.2 millions d’euros à la fondation Maegh chez Sotheby’s est d’ailleurs dans l’exposition. De l’autre côté, les étrusques, peuple méconnu et mystérieux qui fascine l’imaginaire de part leur esthétique propre, éloignée des canons classiques gréco-romains, leur langue, leurs moeurs etc.  etc.

La Pinacothèque offre ici, une de ces expositions comparées comme elle aime les faire.La mise en relation d’artistes plus moins contemporains avec leurs influences diverses et souvent éloignées est pour son directeur, Marc Restellini, une manière de faire évoluer l’histoire de l’art.  Elle avait déjà proposée ce genre de manifestation à l’automne 2008 avec Pollock et le chamanisme. Et il est vrai que le résultat peut être surprenant et instructif.

150 objets étrusques sont ainsi mis en relation avec 70 oeuvres de Giacometti, essentiellement des sculptures dont 15 proviennent de la fondation Maegh.

Alberto Giacometti (1901-1966), sculpteur et peintre suisse, très lié au surréalistes,fait un premier voyage en Italie en 1920. Mais la profonde rencontre avec  l’art étrusque c’est au Louvre qu’il la fait, surtout au cours de l’automne 1955 lors de l’exposition « Art et civilisation étrusques  » . La Pinacothèque présente ici des catalogues de cette expo annotés par l’artiste qui redessine ci et là les oeuvres qu’il voit. Preuve d’une fascination certaine.

Dans la majeure partie de l’exposition, la Pinacothèque nous présente cette civilisation étrusque, à travers différents objets, des sarcophages, des vases canopes, des vases etc. On découvre les quatre phases chronologiques : Villanovienne (IX-VIII° avant JC), orientalisante (720-580 avant JC), archaïque et classique (580-340 avant JC) et enfin hellénistique 340-fin du Ier avant JC). Evolution qui se manifeste notamment par le changement des rites funéraires, de la crémation à l’inhumation.

Vase canope : Chiusi ; Céramique ; h 60 cm ; Fin VIIIe siècle av. JC ; Florence.

Différents types d’urnes sont présentés : par exemple la tombe à Ziro où on retrouve les canopes de Chiusi. Ces derniers tiennent leur nom des canopes égyptiens (mais ces derniers étaient 4) et de Chiusi, la ville (région de Sienne). Ils ont un bouchon anthropomorphique qui représente symboliquement plus que de manière réaliste le mort. Très fragiles, donc peu transportés, c’est très appréciable de les voir de près, surtout qu’il s’en dégage une certaine sérénité, très touchante. Il y a aussi les sarcophages à bas-relief, d’inspiration grecque ou encore ceux figurés avec le mort ou le couple, en position de banquet.

L’intérieur d’une tombe, ou plutôt d’une petite nécropole est reconstituée en introduction, en demi-cercle, elle aurait inspirée Giacometti pour l’organisation de son atelier.

On évoque également la société, leur mode de vie, le rôle des femmes notamment, dont la présence d’égal à égal de leurs époux sur les tombes manifeste d’un statut plus privilégié que dans les autres sociétés antiques.

L’esthétique étrusque se dégage peu à peu de ces objets. Certes l’influence des voisins grecques est parfois visible, mais c’est malgré tout une esthétique propre et autonome qui se dégage. Les visages concentrent le côté réaliste et les corps eux ne répondent souvent à aucune règle logique de proportion. Ils s’étendent, s’allongent anormalement. Les animaux sont stylisés à l’image des chevaux. Et c’est bel et bien dans ces corps filiformes qu’on peut voir un lien avec l’oeuvre de Giacometti.

L’ombre du soir. 350-300 avt JC, bronze, h.57cm @photo : arrigo-coptiz

L’oeuvre phare de cette exposition c’est Ombra della sera, l’ombre du soir en français. Cette statuette en bronze de 57, 50cm se trouve habituellement au Museo Etrusco Guarnacci de Voltera, près de Pise et c’est la toute première fois qu’elle quitte sa demeure. C’est donc exceptionnel de la voir présentée, au milieu de l’exposition.

Vieux de 2300ans, ce jeune homme  découvert en 1737, est probablement une oeuvre votive, correspondant à un type institutionnel car plusieurs autres statuettes de ce genre existe.

Autour d’elle, les commissaires ont placés des oeuvres de Giacometti, et il est vrai que le rapport est assez évident à faire.  Personnellement deux autres objets, l’un étrusque et l’autre de Giacommeti ont aussi attiré mon attention par leur ressemblance : Les trois hommes qui marchent (1948, fondation Maegh) et le groupe  quatre statuette (époque héllenistique, museo archologico nazionale di Firenze).

Marc Restillini a dit de Giacometti qu’il était « le dernier des étrusques, leur descendant intellectuellement et artistiquement ». C’est ce que tend à démontrer la suite de l’exposition.

C’est à partir de ce point que l’on retrouve les autres oeuvres de l’artiste d’ailleurs, certaines très impressionnante, notamment par leurs tailles :  L’homme qui marche (1m83), et la plus grande,  grande femme debout I mesurant 2m70.

Selon David Sylvester, « Il y a trois thèmes récurrents dans le travail de Giacometti en sculpture : un buste d’homme, un nu masculin en marche, un nu féminin debout […] Ces figures peuvent apparaître isolément ou par groupes de deux, trois, quatre, cinq, huit ou neuf. » (Giacometti, trad. française 2001, André Dimanche Editeur.)

Alberto Giacometti, Femme de Venise IX (Woman of Venice IX), 1956, via the North Carolina Museum of Art.

Les  femmes de Venise,présentée à la Biennale de Venise en 1956 font parties, de la série des femmes qui marchent et sont très intrigantes à regarder de si près. D’abord réalisée en plâtre, elles ont été coulées en bronze par la suite. Le caractère humain est réduit à son minimum, le visage est plus ou moins perceptible et le corps accidenté. Et tout comme les membres s’allongent, s’allongent…A regarder ces figures, très différentes les unes des autres, tout en étant très proche, on a du mal à croire qu’il s’agit en fait d’une seule et même figure montrée à différents états de son élaboration par l’artiste.

Pourtant même si cette exposition se voit comme l’exposition essentielle et tant attendue depuis 50ans par les spécialistes, il ne faut pas négliger les autres sources d’inspiration de l’artiste qui ne se résume pas à être un interprète moderne de cet art étrusque. De plus, la production de figures longilignes et filiformes remonte avant la fameuse exposition de 1955.

Pourtant il est vrai que la ressemblance est troublante et qu’il est intérréssant de voir comment à plus de 2000ans d’écart, Giacommeti et les artistes étrusques ont eu la même vision artistique.

J’allai oublier. Si vous allez à cette expo, prévoyez un aspirine dans votre sac, ayez bien dormi et pas trop bu la vieille. En dehors de la scénographie très sombre et un peu brouillon en raison de la configuration même de la pinacothèque pleine de petits corridors et petites salles, ce sont surtout les explications qui sont indigestes. A moins d’être un spécialiste de la question étrusque à la base (et ils ne sont pas nombreux), il faut s’accrocher et si possible s’assoir bien confortablement avant d’entamer la lecture des panneaux. Parfois c’est presque 1m de texte compact, pleins de mots scientifiques, et d’expressions bien lourdes qui ont eu vite raison de ma patience. Parce que répété en l’espace de deux lignes  » jusqu’au ci, jusqu’au ça, jusque là » ou je ne sais plus quoi d’autres, c’est loin d’être agréable pour la pauvre lectrice, fatiguée et mouillée par la pluie que j’étais et surtout totalement impatiente dans les expos, je l’avoue, c’est mal.

Alberto Giacometti, « L’homme qui marche » (1961) Sculpture en bronze (183 cm) Fondation Maegh @ succession Giacometti ADAGP Paris 2011

Heureusement les objets se suffisent souvent à eux-mêmes…

Mais je vous conseille tout de même cette expo, d’une part Giacometti est un de nos grands artistes contemporains, mais surtout pour les objets étrusques, qu’on ne peut pas voir toujours si près de chez soi et qui sont les témoins d’une grande civilisation qui a donnée 3 rois à Rome.

Liens :

http://belougaonthevibes.blogspot.com/2008/05/reflexions-sur-lhomme-qui-marche-de.html

http://www.revuedada.fr/f/index.php?sp=zoomagenda&id=91&PHPSESSID=573edcd3472c910433939aed0474362b

http://paris-ile-de-france.france3.fr/info/giacometti-et-les-etrusques-a-voir-absolument-70439236.html?onglet=videos&id-video=VANV_1487348_140920111736_F3

http://www.journaldespeintres.fr/article.php3?id_article=303

http://books.google.com/books/about/Art_et_civilisation_des_%C3%89trusques.html?id=Mq5vQwAACAAJ

http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-giacometti/ENS-giacometti.html

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