1925, quand l’Art Déco séduit le monde. Leçon de séduction rondement menée

91123500_oC’est une date et tout un style qui en découle qui sont à l’honneur à la Cité de l’architecture : 1925 et l’exposition des Arts décoratifs et industriels modernes qui donna son nom au style Art Déco.

D’avril à octobre 1925 entre les Invalides et le Petit Palais c’est la modernité qui s’installe et s’impose face à l’Art Nouveau déjà considéré comme d’arrière-garde. Les Années folles succèdent à la Belle Epoque.
Nous voilà donc replongé dans cette effervescence créative qui toucha tous les arts : l’architecture, la peinture, la décoration, la mode et le cinéma mais aussi des domaines plus larges tels l’automobile, les paquebots et le monde entier. On rencontre aussi bien les architectes Henri Sauvage, Robert Mallet-Stevens, Pierre Patout, Louis Süe, les décorateurs André Mare, André Véra, et Jacques-Émile Ruhlmann, les couturiers Paul Poiret et Jean Patou ou encore le sculpteur Martel, la peintre Tamara de Lempicka, l’illustrateur Paul Iribe, la chanteuse Joséphine Baker, l’acteur Habib Benglia, l’industriel Louis Renault, la joueuse de Tennis Suzanne Lenglen et j’en passe. C’est toute une époque et ses codes qui sont passés au crible.

Tissu perroquets et jets d'eau,  1917, par Charles Stern. Damas soie et coton. © © Manufacture de Soiries Prelle, Paris
Tissu perroquets et jets d’eau, 1917, par Charles Stern. Damas soie et coton. © © Manufacture de Soiries Prelle, Paris

Les scénographes ont eu l’intelligence de commencer par la différence (que tout le monde n’identifie pas) entre l’Art nouveau et l’Art déco. Autant l’un est fait de courbes et de déliés, de fleurs et de végétation mouvante et fluide, autant l’autre emprunte son vocabulaire à la géométrie. Car l’Art déco c’est un art raisonné reposant sur un retour au goût classique et aux formes épurées et parfaitement définies. Les fleurs sont bien présentes mais beaucoup plus schématisées à l’image de la Rose de Paul Iribe. Pour résumer ce style est un dialogue entre les artistes, la science et la modernité d’une époque tournée vers l’avenir.

Mais au-delà des motifs et du vocabulaire artistique c’est toute la société qui devient Art Déco à commencer par la femme des Années folles, cette garçonne dont le corps se libère des robes fuseaux grâce à Paul Poiret. Une femme plus émancipée. J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de Tamara de Lempicka, peintre icône de cet art. Mais on peut aussi évoquer les sportives : l’aviatrice Hélène Boucher ou la navigatrice Virginie Hériot.

WP_20140127_001Ce sont des années où tout bouge et de plus en plus vite.  Les paquebots sont de véritables ambassadeurs du style, comme le Normandie qui accueille à son bord une foule internationale qui navigue dans le plus grand luxe ou encore l’Ile de France à l’ambiance très festive ; les avions ne sont plus simplement militaires ou postaux, ils transportent désormais des voyageurs et la voiture accélère et devient un objet plus courant tout en gardant une touche de luxe. Une collection de bouchons de capot impressionnante témoigne de l’originalité de l’époque, on y trouve des motifs très variés, formes géométriques, symboliques ou vrais personnes comme Suzanne Lenglen et Charlie Chaplin.
Le cinéma se développe lui aussi et d’immenses salles décorées Art Déco sont construites pour accueillir des milliers de spectateurs : Le Rex ou le Gaumont Palace pour les plus emblématiques.

L’art Africain est aussi évoqué. Joséphine Baker ou encore le boxeur Al Brown ont fait en sorte de rappeler à tous l’influence des arts d’Afrique dans ce style moderne. On voit ainsi la chanteuse visiter avec G-H Rivière, ethnographe reconnu, le Musée d’Ethnographie du Trocadéro.tumblr_lx8gtgFdrL1qircwfo1_500

Après cette mise en contexte vous voilà plongé dans l’Exposition de 1925 en tant que telle. Vous découvrez tous ces pavillons et leurs décorations, avec des éléments de mobilier, des affiches et des dessins d’époque. On retrouve notamment tous les pavillons des grands magasins, chacun avait le sien et chacun voulu faire en sorte d’être le plus extraordinaire possible. Celui du Printemps conçu par Henri Sauvage se distingua par une toiture faite à partir de grandes lentilles en verre coulé, exécutées par René Lalique. Le but est d’impressionner le monde et il le fut. Le pavillon du Tourisme  avec son beffroi de Robert Mallet-Stevens sera copié à Tunis et Rio.91123653

Le jardin aussi se renouvelle entre le jardin à la française (géométrie toujours) et le jardin maure où l’eau y joue une grande place (fontaine, jet etc.).

Le Pavillon du tourisme de Mallet-Stevens   © Cité de l'Architecture
Le Pavillon du tourisme de Mallet-Stevens © Cité de l’Architecture

L’influence de l’Art Déco sera considérable. Quelle ville n’a pas un immeuble d’habitation ou public dans ce style ? Un écran interactif permet d’ailleurs au visiteur de voir si jamais chez lui il ne serait pas passé à côté d’un bâtiment de ce style (après faut avoir beaucoup de chance pour pouvoir y accéder vu que certaines personnes y restent quelques temps…).
Ce style est surtout le premier art mondial. Il se diffuse absolument partout et la dernière partie de l’exposition est là pour le rappeler : New York, Rio, Tokyo, Chicago, Saïgon, Hanoï, Shanghai, Tunis ou Casablanca.
C’est vraiment une exposition très complète que nous offre la Cité de l’Architecture et le succès est au rendez-vous et mérité d’où un prolongement qui vous permettra peut-être de vous y rendre. Si vous aimez les Années folles, surtout n’hésitez pas. Surtout que la visite de la Cité de l’Archi est vraiment à faire, c’est un lieu surprenant avec juste l’une des plus belles vues de Paris 😉

1925, quand l’Art Déco séduit le monde
Une exposition produite et présentée par la Cité de l’architecture & du patrimoine

Commissariat
Emmanuel Bréon, conservateur en chef du patrimoine, musée des Monuments français, Cité de l’architecture et du patrimoine

Philippe Rivoirard, architecte DPLG, historien, enseignant a l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Val de Seine
Avec la collaboration de Bénédicte Mayer, attachée de conservation, musée des Monuments français, Cité de l’architecture et du patrimoine