Marcel Duchamp, le tueur de la peinture expose sa peinture au MAM.

Le Centre Pompidou met à l’honneur une partie méconnue d’un artiste ultra connu : la peinture de Marcel Duchamp.

L.H.O.O.QDuchamp est l’une des plus importantes figures de l’art contemporain et encore aujourd’hui nombres d’artistes se réclament de sa manière de créer.  Duchamp c’est celui qui a poussé l’art au bout de ses limites, qui l’a sorti de toute notion d’esthétisme et de beauté formelle allant jusqu’à le dénaturé à travers les fameux ready-made. N’importe quel objet pourvu qu’il ait été choisi par l’artiste qui y a mis sa signature devient une œuvre à part entière. La roue de bicyclette de 1913, la fontaine de 1917 ou L.H.O.O.Q de 1919 sont ses plus célèbres ready-made. Mais ici ce ne sont pas ces derniers qui sont à l’honneur, c’est bien la peinture, car Marcel Duchamp considéré comme le tueur de celle-ci fut avant de devenir cette figure de l’art réinventé, un peintre. Un peintre qui fut proche de nombreux mouvements pour finalement s’en extraire totalement et devenir autonome. Autre.

Le parcours de l’exposition est fait pour nous mener à cette expérience finale, la dernière œuvre picturale de Duchamp, le Grand verre, aussi appelé La Mariée mise à nu par ses célibataires, même.

60612096Ainsi l’exposition débute dans un climat érotique, nous sommes en 1910 et Duchamp a déjà une fascination pour la personne de la mariée et tout ce qu’elle implique, notamment la nudité qui sera traitée de bien des manières au cours de son évolution personnelle. Les premiers qu’ils réalisent sont des dessins et des caricatures dans la lignée de son frère, Jacques Villon. Chez les Duchamp l’art est affaire de famille : le grand-père Émile Frédéric Nicolle est peintre de marine et de paysage, le frère Raymond Duchamp-Villon est sculpteur, Jacques Villon est un peintre très proche du cubisme et la sœur Suzanne est une artiste dadaïste.

Nu descendant l'escalier
Nu descendant l’escalier

La peinture de Duchamp au vue de cette exposition est une synthèse de la peinture du début du XXème siècle jusqu’à devenir quelque chose d’autre. Dans un premier temps l’œuvre de Duchamp est très marqué par le fauvisme. Ces toiles juxtaposées à côté de celles de Matisse ou Derain sont pleines de couleurs vives et commencent à se tourner vers l’abstraction. Puis c’est le symbolisme qui semble l’inspirer, avec des œuvres d’Odilon Redon qui forment un imaginaire mystique. Parallèlement on sent chez Duchamp une forte attraction pour les sciences, la mécanique, la médecine, la radiologie, l’anatomie. Cette fascination pour le mouvement transpire dans ces œuvres d’inspiration cubique, mouvement qu’il rejoint en 1911.

L’œuvre la plus marquante de cette période est le Nu descendant un escalier. Il dit de cette œuvre « Cette version définitive du Nu descendant un escalier, peinte en janvier 1912, fut la convergence dans mon esprit de divers intérêts, dont le cinéma, encore en enfance, et la séparation des positions statiques dans les chronophotographies de Marey en France, d’Eakins et Muybridge en Amérique.

Peint, comme il l’est, en sévères couleurs bois, le nu anatomique n’existe pas, ou du moins, ne peut pas être vu, car je renonçai complètement à l’apparence naturaliste d’un nu, ne conservant que ces quelque vingt différentes positions statiques dans l’acte successif de la descente. »
Cette œuvre incomprise par ses amis sera accueillie dans l’hilarité, le poussant à quitter le mouvement cubisme. Désormais il va intensifier son travail sur l’optique.
1912 c’est aussi l’année où le Grand Verre commence à prendre forme dans son esprit. De passage à Munich, berceau de Kandinsky, il se nourrit de nouvelles influences et entre 1913 et 1915 il enrichie sa pensée scientifique en étudiant à la bibliothèque Sainte-Geneviève où il travaille.
Il expérimente encore et encore, ainsi les différentes parties du Grand Verre commencent à prendre forme. La mariée sera en haut et en bas les célibataires seront représentés par des moules et une broyeuse de chocolat.

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L’exposition se finit logiquement par cette œuvre finale. Exécutée entre 1915 et 1923 à New York, il en existe plusieurs versions, celle-ci étant celle de Stockholm. Volontairement inachevée, elle laisse perplexe celui qui la regarde car relativement incompréhensible au premier abord. C’est une réinvention totale de la peinture qui suscita des interprétations très nombreuses. C’est son testament  l’art du XXème siècle. Une déstructuration totale et de tout.

Une exposition déconcertante donc, qui mérite d’avoir les neurones bien en place car assez compliquée à suivre mais qui a le mérite de tenter de décrypter un artiste indéchiffrable.

Marcel Duchamp, la peinture même
du 24 septembre 2014 au 5 janvier 2015, de 11h00 à 21h00